Chapitre 5 : La recherche de la Vérité
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Chapitre 5 : La recherche de la Vérité
Lifaën était allongé sur son lit, savourant ce moment de détente. Tant de questions le taraudaient qu'il préférait ne pas y faire attention. Il somnola une partie de la matinée, préférant ne pas faire attention à l'agitation perceptible de l'extérieur. De toutes les émotions qui pulsaient des humains, la plus dominante était l'excitation et l'empressement. Toute la population courrait dans tout les sens. On aurait dit une véritable fourmilière. D'abord curieux de ce qui pouvait provoquer une telle agitation, Lifaën se contenta d'observer la scène de sa fenêtre. Les minuscules taches s'amoncelaient avant de s'éparpiller et de recommencer le même spectacle à plusieurs endroits.
Les humains sont décidément étranges....,avait-il pensé.
Depuis quelques minutes, le calme était revenu. Lifaën en profita pour se sonder intérieurement. Il avait une discussion à tenir. Il retrouva aisément la trace de la «marque» sans trop comprendre comment. Il lui sembla que son esprit était attiré par le sien. Après un habituel flash lumineux, Lifaën se trouva assis au milieu d'une clairière. L'herbe y était fraiche et verte. De hauts arbres formaient un dôme avec leurs branchages et l'entouraient. Lorsque Lifaën baissa les yeux, il reconnut la présence de l'esprit qui l'habitait. L'aura qu'il dégageait était complètement différente de celle de l'Ombre. Accueillante et bienveillante. Le jeune Viéra se sentit en totale confiance dans cet environnement.
-Je suis venu comme vous me l'aviez demandé, fit-il
L'esprit avait la forme d'une nébuleuse blanche nappée d'un brouillard épais. Des particules dorées flottaient autour de lui. Pour toute réponse, il n'eut droit qu'à une lumière douce d'approbation.
-Puis-je me permettre de vous demander votre nom?
Alors qu'il s'attendait à un nom, Lifaën se retrouva au beau milieu d'une forêt qu'il ne reconnut pas. La scène se déplaça sans qu'il le voulu et il se retrouva à l'intérieur d'un arbre aussi gros et grand qu'un Arbre Mère. Là, il ressentit une présence diffuse mais néanmoins puissante qui s'étendait à tous les arbres alentours.
-Versipelle, murmura-t-il incrédule.
Versipelle était connu parmi les Viéras comme une entité protectrice de la forêt. Nul ne l'avait jamais vu et pourtant, d'aucun de doutait de son existence. Lifaën avait toujours senti cette présence sans jamais pouvoir l'affirmer. Comment expliquer sa présence dans son esprit?
-Je....Je ne comprends pas....Qu...
Avant d'avoir eu le temps de terminer sa phrase, la scène disparut brutalement et Lifaën se retrouva spectateur dans un lieu qu'il connaissait. Il était dans l'arrière-pièce de la chambre du conseil avec Calion. Il se voyait lui, échangeant ses dernières paroles avec un des siens dans une sorte de vue panoramique de la pièce. Une foule de sentiments l'assaillis à ce moment. Puis, il se dirigea vers Calion. Il revivait la scène à travers ses yeux. Vint le moment où l'Ancien agrippa la main de Lifaën et où la marque fit sa première apparition. Le jeuné Viéra comprit immédiatement que c'est à ce moment précis que Versipelle entra en lui. Il ressentait ce qui se passait alors dans le corps de l'Ancien. Il entrait directement en connexion avec les Arbres Mères survivant et transférait l'énergie vitale de ces-derniers pour la sceller en lui. Puis, sa vue se brouilla et l'obscurité l'envahit. Il se retrouva à la sortie de la forêt, la nuit de l'attaque. Son cri était autant le sien que celui de l'esprit. La tristesse si écrasante qu'il avait ressenti n'émanait pas que de lui. De nouveau, l'endroit changea du tout au tout. Il était dans une steppe déserte et trois hommes en chevautruches. La marque grimpa le long de son corps et Lifaën comprit que c'était Versipelle qui en était la cause. Cependant, plus les évènements se déroulaient, plus le jeune Viéra comprit que la force de l'esprit s'amenuisait. A l'opposé, il sentait le pouvoir de l'Ombre grandir. Le rapport de force établit la nuit de l'attaque se renversait petit à petit et atteint son apogée lors de la rencontre avec Sensei. Ce fut dès ce moment
que l'attaque de l'Ombre fut la plus forte. Ce fut là que Lifaën se perdit en lui tandis que Versipelle tentait désespérément de le protéger. Au prix d'un effort considérable, l'esprit repoussa l'Ombre qui alla se réfugier dans le souvenir. L'avalanche de souvenir s'arrêta là et la clairière se matérialisa de nouveau. Lifaën était épuisé. C'était une expérience à laquelle il ne s'attendait pas. Ainsi donc, les Anciens avaient tout planifié?
-Vous ne pouvez pas me parler normalement? , finit par demandé Lifaën
L'image d'Alastor lui apparut ainsi que l'endroit de sa rencontre avec l'Ombre. Le jeune Viéra ne saisit pas de suite. Ce fut lorsque Versipelle se concentra sur son apparition et Alastor brillant dans sa main qu'il comprit. C'était le fait qu'il se soit retrouvé dans l'Immatériel qui permit à l'esprit de prendre une forme aussi concrète. Néanmoins, le lien avec Alastor lui resta obscur. Lorsqu'il questionna Versipelle, il ne vit qu'une série d'armes différentes. Treize au total. Parmi elles se trouvait Alastor. La puissance dégagée était impressionnante. L'aura avait quelque chose de Divin. Le reste était une suite sans cohérence. Dathëdr parlant à un individu encapuchonné lui remettant un paquet, une lumière aveuglante, le Viéra travaillant jour et nuit à la forge. Lifaën eut l'impression que Dathëdr n'était plus lui même lorsqu'il était à la forge, ni ce qu'il était en train de concevoir. Toujours est-il qu'Alastor se retrouva dans ses mains la semaine qui suivi et qu'il se dirigeait vers la demeure des Anciens. Nouvelle lumière aveuglante. Ce fut tout. Lorsque Lifaën se retrouva de nouveau face à Versipelle, il se risqua aux suppositions:
-C'est donc parce que nous étions dans l'Immatériel que vous avez pu vous matérialiser...
L'esprit approuva.
-Mais je ne comprends toujours pas ce qu'Alastor vient faire là. Il semble que douze autres armes lui ressemblent sans être les mêmes. Vous avez tiré votre puissance de ces armes?
Versipelle ne répondit pas directement. Il matérialisa Alastor et une aura de puissance l'entoura. Puis, l'Ombre apparue et tenta de s'emparer de l'épée. Il fut chassé et Alastor se retrouva dans les mains de Versipelle.
-Vous avez tenté de protéger l'arme de l'Ombre? S'enquit Lifaën.
L'esprit approuva de nouveau. Alastor se dédoubla. L'arme qu'il portait toujours à son côté et un double de même consistance que l'esprit.
-Alastor a donc deux formes, comprit le Viéra. L'une que je porte à mon côté, et celle que vous aviez dans l'Immatériel. Je suppose qu'il s'agit de sa forme spirituelle.
C'était presque inconcevable qu'un objet possède deux formes. D'ordinaire, seul les êtres étant capable de «s'éveiller» dans l'Immatériel pouvait prendre conscience qu'ils étaient sous forme d'esprit. Un objet sans âme ne pouvait en avoir une. Et pourtant, c'est ce que tentait de lui dire Versipelle. Lifaën se massa le crâne. Communiquer avec un esprit était bien plus difficile qu'il n'y paraissait. Il ne pouvait que tenter d'interpréter les images que lui envoyait Versipelle. S'était extrêmement difficile d'autant plus que l'esprit ne pouvait pas parler. Le Viéra rassembla bout à bout ce qu'il venait d'apprendre. Versipelle avait été scellé en lui par Calion avant son départ surement pour le sauver. Dès sa sortie de la forêt, l'Ombre avait tenté de prendre son contrôle et une bataille entre les deux esprits avait éclaté. En ce qui concernait Alastor, les doutes étaient de plus en plus présents. Lifaën ne savait pas si c'était réellement Dathëdr qui avait forgé l'arme, ni comment dans le cas contraire, elle avait atterrit en sa possession. Et quels étaient ces armes? Douze autres aussi puissantes qu'Alastor. Pourtant, leur forme n'était pas les mêmes. Sans les avoir vue clairement, Lifaën pouvait l'affirmer presque avec certitude.
-Qui était la personne qui a remis un objet à Calion?
Cette fois-ci, Versipelle refusa d'en dire plus. Le Viéra avait beau le presser de toutes les façons possibles, l'esprit resta silencieux. Il ne voulu pas même parler de ce qu'avait livré l'inconnu au forgeron. Baissant les bras, Lifaën tenta de trouver d'autres questions. Une en particulier lui revint en mémoire.
-Pourquoi l'un des mes souvenirs concernant mes parents est-il masqué?
Versipelle resta un long moment silencieux. Il fut un temps où Lifaën crut qu'il ne répondrait pas. Au dernier moment, de nouvelles images l'assaillirent. Il se voyait lui pleurant contre un arbre. C'était si étrange de se voir dans cette situation qu'il crut que l'esprit se moquait de lui. Puis arriva un autre Viéra. Une femme. Lifaën la reconnut tout de suite et son cœur s'emballa. C'était Melindë. Ses cheveux couleur écorce de pin ondulé, ses yeux noisettes, oui, c'était bien elle. Elle était accompagné d'Elenwë, son ami de toujours. Elle s'agenouilla à son côté et Lifaën n'entendit qu'un murmure:
-Je suis désolée.
La vision s'arrêta.
-Je....ne comprends pas. Que viennent faire Melindë et Elenwë dans cette affaire?
Pas de réponse. Ce devait être trop compliqué pour être exprimé par images. Lifaën devait donc dire toutes les propositions qui lui passaient par la tête et espérer trouver la bonne. La première était si saugrenue qu'il renonça à la dire. C'était trop stupide et irréalisable. La seconde en revanche lui parue plus censée:
-J'aurais honte de la vérité au point que j'ai refusé le souvenir?
Après un léger temps, l'esprit approuva. Lifaën était dépité. Alors c'était ça la raison? Il avait appris qui était ses parents et le poids de la vérité en était tellement lourd que son esprit l'avait tout simplement aboli et détruit? Non. Ce n'était pas que ça. Il devait y avoir autre chose. Forcément.
-C'est complètement stupide. Pourquoi aurai-je refusé la vérité?
De nouveau il n'y eu aucune réponse. Lifaën y voyait désormais plus clair en lui, mais à quel prix? Il se calma, conscient que Versipelle ne faisait que lui dire les faits tels qu'ils s'étaient passé.
-Je suis désolé, lâcha-t-il, C'est juste que.... Plus j'essaie d'en savoir et plus je me rends compte que je ne sais rien. C'est comme si je déroulait un chemin devant moi et qu'il se divisait. Que j'emprunte l'un des chemins ou un autre, il se divise de plus en plus...
Une nouvelle image apparue. Calion qui pointait la poitrine du Viéra:
-Fais confiance à ça.
Puis, ce fut Hermès qui se matérialisa:
-Maintenant que tu es seul, tu ne dois compter que sur tes propres ressources. Si tu n'y parviens pas, personne ne le pourra.
Une aura de tendresse l'envahit. Il trouverait des réponses en tant voulu. Il avait appris que s'accrocher au passé ne lui servirait à rien. Vouloir trop s'avancer dans l'avenir ne l'aiderait pas non plus. Il fallait vivre au jour le jour, si difficile fusse-t-il. Lifaën se redressa:
-Je vous remercie Versipelle. J'aurais encore bien des questions mais le temps m'est compté. Je vous jure de ne pas faillir. Je n'aurais de cesse que lorsque tout les Viéras seront de nouveau réunis.
Il se désolidarisa de son esprit pour regagner son corps. Avant qu'il ne parte, il crut apercevoir une forme se dessiner. L'obscurité le recouvrait presque aussi n'en était-il pas sûr. Son dernier souvenir fut une bouclette châtain.
Les humains sont décidément étranges....,avait-il pensé.
Depuis quelques minutes, le calme était revenu. Lifaën en profita pour se sonder intérieurement. Il avait une discussion à tenir. Il retrouva aisément la trace de la «marque» sans trop comprendre comment. Il lui sembla que son esprit était attiré par le sien. Après un habituel flash lumineux, Lifaën se trouva assis au milieu d'une clairière. L'herbe y était fraiche et verte. De hauts arbres formaient un dôme avec leurs branchages et l'entouraient. Lorsque Lifaën baissa les yeux, il reconnut la présence de l'esprit qui l'habitait. L'aura qu'il dégageait était complètement différente de celle de l'Ombre. Accueillante et bienveillante. Le jeune Viéra se sentit en totale confiance dans cet environnement.
-Je suis venu comme vous me l'aviez demandé, fit-il
L'esprit avait la forme d'une nébuleuse blanche nappée d'un brouillard épais. Des particules dorées flottaient autour de lui. Pour toute réponse, il n'eut droit qu'à une lumière douce d'approbation.
-Puis-je me permettre de vous demander votre nom?
Alors qu'il s'attendait à un nom, Lifaën se retrouva au beau milieu d'une forêt qu'il ne reconnut pas. La scène se déplaça sans qu'il le voulu et il se retrouva à l'intérieur d'un arbre aussi gros et grand qu'un Arbre Mère. Là, il ressentit une présence diffuse mais néanmoins puissante qui s'étendait à tous les arbres alentours.
-Versipelle, murmura-t-il incrédule.
Versipelle était connu parmi les Viéras comme une entité protectrice de la forêt. Nul ne l'avait jamais vu et pourtant, d'aucun de doutait de son existence. Lifaën avait toujours senti cette présence sans jamais pouvoir l'affirmer. Comment expliquer sa présence dans son esprit?
-Je....Je ne comprends pas....Qu...
Avant d'avoir eu le temps de terminer sa phrase, la scène disparut brutalement et Lifaën se retrouva spectateur dans un lieu qu'il connaissait. Il était dans l'arrière-pièce de la chambre du conseil avec Calion. Il se voyait lui, échangeant ses dernières paroles avec un des siens dans une sorte de vue panoramique de la pièce. Une foule de sentiments l'assaillis à ce moment. Puis, il se dirigea vers Calion. Il revivait la scène à travers ses yeux. Vint le moment où l'Ancien agrippa la main de Lifaën et où la marque fit sa première apparition. Le jeuné Viéra comprit immédiatement que c'est à ce moment précis que Versipelle entra en lui. Il ressentait ce qui se passait alors dans le corps de l'Ancien. Il entrait directement en connexion avec les Arbres Mères survivant et transférait l'énergie vitale de ces-derniers pour la sceller en lui. Puis, sa vue se brouilla et l'obscurité l'envahit. Il se retrouva à la sortie de la forêt, la nuit de l'attaque. Son cri était autant le sien que celui de l'esprit. La tristesse si écrasante qu'il avait ressenti n'émanait pas que de lui. De nouveau, l'endroit changea du tout au tout. Il était dans une steppe déserte et trois hommes en chevautruches. La marque grimpa le long de son corps et Lifaën comprit que c'était Versipelle qui en était la cause. Cependant, plus les évènements se déroulaient, plus le jeune Viéra comprit que la force de l'esprit s'amenuisait. A l'opposé, il sentait le pouvoir de l'Ombre grandir. Le rapport de force établit la nuit de l'attaque se renversait petit à petit et atteint son apogée lors de la rencontre avec Sensei. Ce fut dès ce moment
que l'attaque de l'Ombre fut la plus forte. Ce fut là que Lifaën se perdit en lui tandis que Versipelle tentait désespérément de le protéger. Au prix d'un effort considérable, l'esprit repoussa l'Ombre qui alla se réfugier dans le souvenir. L'avalanche de souvenir s'arrêta là et la clairière se matérialisa de nouveau. Lifaën était épuisé. C'était une expérience à laquelle il ne s'attendait pas. Ainsi donc, les Anciens avaient tout planifié?
-Vous ne pouvez pas me parler normalement? , finit par demandé Lifaën
L'image d'Alastor lui apparut ainsi que l'endroit de sa rencontre avec l'Ombre. Le jeune Viéra ne saisit pas de suite. Ce fut lorsque Versipelle se concentra sur son apparition et Alastor brillant dans sa main qu'il comprit. C'était le fait qu'il se soit retrouvé dans l'Immatériel qui permit à l'esprit de prendre une forme aussi concrète. Néanmoins, le lien avec Alastor lui resta obscur. Lorsqu'il questionna Versipelle, il ne vit qu'une série d'armes différentes. Treize au total. Parmi elles se trouvait Alastor. La puissance dégagée était impressionnante. L'aura avait quelque chose de Divin. Le reste était une suite sans cohérence. Dathëdr parlant à un individu encapuchonné lui remettant un paquet, une lumière aveuglante, le Viéra travaillant jour et nuit à la forge. Lifaën eut l'impression que Dathëdr n'était plus lui même lorsqu'il était à la forge, ni ce qu'il était en train de concevoir. Toujours est-il qu'Alastor se retrouva dans ses mains la semaine qui suivi et qu'il se dirigeait vers la demeure des Anciens. Nouvelle lumière aveuglante. Ce fut tout. Lorsque Lifaën se retrouva de nouveau face à Versipelle, il se risqua aux suppositions:
-C'est donc parce que nous étions dans l'Immatériel que vous avez pu vous matérialiser...
L'esprit approuva.
-Mais je ne comprends toujours pas ce qu'Alastor vient faire là. Il semble que douze autres armes lui ressemblent sans être les mêmes. Vous avez tiré votre puissance de ces armes?
Versipelle ne répondit pas directement. Il matérialisa Alastor et une aura de puissance l'entoura. Puis, l'Ombre apparue et tenta de s'emparer de l'épée. Il fut chassé et Alastor se retrouva dans les mains de Versipelle.
-Vous avez tenté de protéger l'arme de l'Ombre? S'enquit Lifaën.
L'esprit approuva de nouveau. Alastor se dédoubla. L'arme qu'il portait toujours à son côté et un double de même consistance que l'esprit.
-Alastor a donc deux formes, comprit le Viéra. L'une que je porte à mon côté, et celle que vous aviez dans l'Immatériel. Je suppose qu'il s'agit de sa forme spirituelle.
C'était presque inconcevable qu'un objet possède deux formes. D'ordinaire, seul les êtres étant capable de «s'éveiller» dans l'Immatériel pouvait prendre conscience qu'ils étaient sous forme d'esprit. Un objet sans âme ne pouvait en avoir une. Et pourtant, c'est ce que tentait de lui dire Versipelle. Lifaën se massa le crâne. Communiquer avec un esprit était bien plus difficile qu'il n'y paraissait. Il ne pouvait que tenter d'interpréter les images que lui envoyait Versipelle. S'était extrêmement difficile d'autant plus que l'esprit ne pouvait pas parler. Le Viéra rassembla bout à bout ce qu'il venait d'apprendre. Versipelle avait été scellé en lui par Calion avant son départ surement pour le sauver. Dès sa sortie de la forêt, l'Ombre avait tenté de prendre son contrôle et une bataille entre les deux esprits avait éclaté. En ce qui concernait Alastor, les doutes étaient de plus en plus présents. Lifaën ne savait pas si c'était réellement Dathëdr qui avait forgé l'arme, ni comment dans le cas contraire, elle avait atterrit en sa possession. Et quels étaient ces armes? Douze autres aussi puissantes qu'Alastor. Pourtant, leur forme n'était pas les mêmes. Sans les avoir vue clairement, Lifaën pouvait l'affirmer presque avec certitude.
-Qui était la personne qui a remis un objet à Calion?
Cette fois-ci, Versipelle refusa d'en dire plus. Le Viéra avait beau le presser de toutes les façons possibles, l'esprit resta silencieux. Il ne voulu pas même parler de ce qu'avait livré l'inconnu au forgeron. Baissant les bras, Lifaën tenta de trouver d'autres questions. Une en particulier lui revint en mémoire.
-Pourquoi l'un des mes souvenirs concernant mes parents est-il masqué?
Versipelle resta un long moment silencieux. Il fut un temps où Lifaën crut qu'il ne répondrait pas. Au dernier moment, de nouvelles images l'assaillirent. Il se voyait lui pleurant contre un arbre. C'était si étrange de se voir dans cette situation qu'il crut que l'esprit se moquait de lui. Puis arriva un autre Viéra. Une femme. Lifaën la reconnut tout de suite et son cœur s'emballa. C'était Melindë. Ses cheveux couleur écorce de pin ondulé, ses yeux noisettes, oui, c'était bien elle. Elle était accompagné d'Elenwë, son ami de toujours. Elle s'agenouilla à son côté et Lifaën n'entendit qu'un murmure:
-Je suis désolée.
La vision s'arrêta.
-Je....ne comprends pas. Que viennent faire Melindë et Elenwë dans cette affaire?
Pas de réponse. Ce devait être trop compliqué pour être exprimé par images. Lifaën devait donc dire toutes les propositions qui lui passaient par la tête et espérer trouver la bonne. La première était si saugrenue qu'il renonça à la dire. C'était trop stupide et irréalisable. La seconde en revanche lui parue plus censée:
-J'aurais honte de la vérité au point que j'ai refusé le souvenir?
Après un léger temps, l'esprit approuva. Lifaën était dépité. Alors c'était ça la raison? Il avait appris qui était ses parents et le poids de la vérité en était tellement lourd que son esprit l'avait tout simplement aboli et détruit? Non. Ce n'était pas que ça. Il devait y avoir autre chose. Forcément.
-C'est complètement stupide. Pourquoi aurai-je refusé la vérité?
De nouveau il n'y eu aucune réponse. Lifaën y voyait désormais plus clair en lui, mais à quel prix? Il se calma, conscient que Versipelle ne faisait que lui dire les faits tels qu'ils s'étaient passé.
-Je suis désolé, lâcha-t-il, C'est juste que.... Plus j'essaie d'en savoir et plus je me rends compte que je ne sais rien. C'est comme si je déroulait un chemin devant moi et qu'il se divisait. Que j'emprunte l'un des chemins ou un autre, il se divise de plus en plus...
Une nouvelle image apparue. Calion qui pointait la poitrine du Viéra:
-Fais confiance à ça.
Puis, ce fut Hermès qui se matérialisa:
-Maintenant que tu es seul, tu ne dois compter que sur tes propres ressources. Si tu n'y parviens pas, personne ne le pourra.
Une aura de tendresse l'envahit. Il trouverait des réponses en tant voulu. Il avait appris que s'accrocher au passé ne lui servirait à rien. Vouloir trop s'avancer dans l'avenir ne l'aiderait pas non plus. Il fallait vivre au jour le jour, si difficile fusse-t-il. Lifaën se redressa:
-Je vous remercie Versipelle. J'aurais encore bien des questions mais le temps m'est compté. Je vous jure de ne pas faillir. Je n'aurais de cesse que lorsque tout les Viéras seront de nouveau réunis.
Il se désolidarisa de son esprit pour regagner son corps. Avant qu'il ne parte, il crut apercevoir une forme se dessiner. L'obscurité le recouvrait presque aussi n'en était-il pas sûr. Son dernier souvenir fut une bouclette châtain.
Lifaën- Age : 31
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Re: Chapitre 5 : La recherche de la Vérité
Les premiers rayons du soleil perçaient à travers la vitre de la chambre. Décomposés par la vitre, ils formaient différents motifs alambiqués sur le sol. Lifaën se leva d'un bond de son lit et inspira à fond. Il était près à partir. Il percevait très nettement les présences de deux gardes devant sa porte. Depuis qu'il était arrivé, il s'était toujours demandé pourquoi la nécessité que sa chambre ne soit gardée. Après tout, personne ne lui rendait visite et sa chambre était quelque peu excentrée du reste du bâtiment. D'un côté, cela le soulageait. Être seul lui permettait de méditer plus facilement. Il se dirigea vers la fenêtre qu'il ouvrit en grand. Un vent glacial s'engouffra dans la pièce, le faisant frissonner. L'extérieur ne donnait que sur les toits et quelques ruelles en contrebas. Des étals y étaient disposés et de rares passants commerçaient déjà. Lifaën s'étira et s'habilla. Il serra Alastor à son côté, passa son carquois et son arc à son épaule, rabattit son capuchon puis se dirigea vers la porte. Lorsqu'il l'ouvrit, les deux gardes sursautèrent. Sans leur adresser un regard, il avança dans le long couloir mais l'un des garde l'interpella:
-Un instant ! Vous ne pouvez pas sortir.
Lifaën se retourna. Celui qui avait parlé, le plus petit des deux, semblait déterminé malgré la goutte de sueur qui perlait sur son front.
-Je ne crois pas être prisonnier entre ses murs.
-M...Mais, bredouilla l'autre, nous avons ordre....
-De ne laisser personne entrer, termina Lifaën qui avait lu les pensées du garde. Mais pas de ne pas me laisser sortir. Faites comme si j'étais toujours dans ma chambre et tout se passera bien.
Il mêla les paroles à une pression psychique pour s'assurer que les deux gardes ne le contredise pas. Ils se contentèrent d'échanger un regard entendu, fermèrent la porte et reprirent leurs postures stoïques. Lifaën sortit rapidement du couloir. Les rares personnes éveillés à cette heure là ne lui prêtèrent aucune attention, comme si ils n'avaient pas eu vent de sa présence. Une pancarte attira néanmoins son attention. Placardée sur un mur, les inscriptions écrites en noires étaient suffisamment visibles pour qu'il puisse les lire sans trop s'approcher:
Grand Marché aujourd'hui ! Petits et grands, jeunes et vieux, vous êtes tous invités à faire un tour à cette exposition des plus grands produits en cette fin d'année!
Fin d'année? Lifaën réfléchit. Il n'avait pas la même notion du temps que les humains. Que pouvait bien signifier une «fin d'année» ? D'abord anxieux à l'idée de devoir traverser un marché, il conclut que peut-être il pourrait faire des «emplettes», voir ce que proposaient les marchands humains et si «les plus grands produits» ne volaient pas leur réputation. Il n'y passerait pas longtemps, juste par pure curiosité. Mais le problème était le manque d'argent. Lifaën n'avait aucune idée de comment s'en procurer. Chez les siens, il n'y avait pas de vente à proprement parler. Chacun pouvait obtenir un objet par un artisan sans avoir à payer. Personne n'avait donc à se soucier de la valeur foncière des produits. Lifaën aperçut un homme passant avec un enfant et décida de tenter le tout pour le tout:
-Excusez moi, n'auriez-vous pas de l'argent dont vous ne vous servez pas?
L'homme un tantinet enveloppé considéra son interlocuteur pendant un moment. Le petit lui, avait les yeux grands ouvert sur le fourreau d'Alastor.
-De l'argent à donner? Coassa-t-il, et puis quoi encore ? Si vous voulez de l'argent, travaillez. Et si vous être trop fainéant pour travailler, vendez ce que vous pouvez aux marchands. Il n'y a pas marqué «aide sociale», sur mon front.
Avec un geste de dédain, il se détourna, tirant le bras du gamin.
Charmant
Lifaën n'avait pas pensé que les humains attachaient autant d'importance à l'argent. Il aperçut qu'une petite bourse de cuir dépassait de la ceinture de l'homme. A l'aide de sa maitrise, il coupa le fil qui reliait la bourse à ceinturon et la fit tomber doucement pour que le bruit n'alerte pas l'homme. Dès qu'il fut à une distance raisonnable, Lifaën s'approcha et ramassa l'objet. Elle était bien remplie. Il ne savait pas combien d'argent il possédait mais avait déjà trouvé un moyen de le savoir. Il décida donc de sortir du bâtiment par une lourde porte de bois massif. Dehors, le froid était mordant. Lifaën resserra sa cape autour de lui et s'engagea dans les rues désertes. Il ne lui fallut pas cinq minutes de marche pour entendre un brouhaha peu commun. C'était donc ça l'agitation. Les gens préparaient le marché. La ruelle dans laquelle il était déboucha sur une large place. Au centre, une fontaine dont l'eau avait presque gelée se tenait fièrement. Les cygnes de marbres qui la composait crachait un filet de glace qui reflétait les rayons du soleil. Partout autour de la place, des étals, des calèches remplis de biens en tour genre s'amoncelaient. Il n'y avait pas beaucoup de gens pour l'instant, mais l'endroit grouillait déjà d'activité. Lifaën se dirigea vers un marchand qui préparait tranquillement ses affaires. L'homme moustachu avait l'air sympathique des montagnards. Bien que moins porté sur la bedaine, il restait trapu et ses bras étaient noueux. A l'approche d'un client potentiel, il cessa d'étaler ses marchandises et s'exclama:
-Bien le bonjour ! Je ne suis pas encore totalement prêt mais je peux vous faire un bon prix pour ce début de journée.
Lifaën constata un moment les fournitures du forain. La plupart était des habits en tout genre. De la simple robe brodée au lourd manteau des neiges.
-Je souhaiterais savoir combien vaut cette bourse, répondit l'intéressé en tendant ladite bourse.
Le marchand sortit une petite paire de lunette de sa poche et saisit délicatement l'objet. Il l'ouvrit et fit les yeux ronds. Il retint un juron dans sa moustache que Lifaën entendit sans peine. L'homme qu'il avait détroussé devait être riche assurément. Après un rapide coup d'œil, le marchand déclara:
-Je ne sais pas où vous avez obtenu pareil argent mon ami. Une chose est sure, vous pourrez acheter tous ce que je possède, et moi avec.
Il saisit une des pièces. Elle était dorée et portait un étrange symbole sur l'un des côtés:
-Vous voyez ça? Il s'agit du sceau d'une des familles nobles de la ville. J'ignore combien cela vaut dans notre monnaie, mais ce n'est surement pas de la camelote.
Le vendeur reposa la pièce et rendit sa bourse à Lifaën. Au moins, il n'allait pas avoir de problème pour payer. C'était une bonne chose.
-Et donc, que puis-je d'autre pour vous? S'enquit le marchand.
Le Viéra mit un certain temps à répondre. Le temps semblait avoir énormément varié en peu de temps. S'il continuait à se dégrader, de simples vêtements ne suffirait pas à le protéger du froid. Qui plus est, ses affaires étaient en piteux état. Ils avaient souffert du voyage. Les changer ne serait pas un mal.
-Montez-moi ce que vous avez en habits chauds, répondit finalement Lifaën.
Le marchand lui proposa alors un manteau très épais avec de la fourrure. Trop lourd. Un autre plus fin mais beaucoup plus voyant aussi Les finitions laissaient à désirer. Finalement, après une dizaine d'essais infructueux, à bout de propositions, le vendeur lâcha:
-Je suis désolé, je n'ai rien d'autre en stock. A part peut-être.... Attendez-moi ici, je reviens.
L'homme se dirigea derrière une grosse caisse et revint avec avec une boîte blanche de très belle facture ornée de motifs dorés.
-C'est la dernière chose que j'ai à vous proposer. Cet ensemble convient aux aventuriers chevronnés et il provient des meilleurs tisseurs de Nimong. Et je dois dire que vu votre équipement, vous êtes parés pour un voyage.
Non sans mal, le vendeur ouvrit la boîte. A l'intérieur, un long manteau noir. A priori, il n'avait rien d'extraordinaire. Lorsque le marchand le retira, Lifaën constata qu'il lui arriverait sans problème au cheville.
-Un peu trop long peut-être....
Sans se laisser décourager, l'homme posa le manteau et sortit un ample pantalon noir. Puis, une ceinture de cuir affublé de deux escarcelle ainsi que d'une aumônière. Lifaën se contenta de rester silencieux, attendant que l'homme n'ait finit d'étaler ses produits. Il était intéressé, mais il ne fallait pas qu'il se laisse emporter parce qu'il trouvait un objet «beau». Un haut de cuir noir attira son attention. Il ressemblait à ceux que fabriquait les artisans Viéras. Solide et léger, il pouvait protéger contre les coups légers sans empêcher une grande mobilité. La collection fut terminée par de larges bottes hautes et des gants épais et souples. Essoufflé comme s'il avait couru un marathon, le vendeur s'épongea le front en demandant:
-Alors? Qu'en pensez-vous?
-Je devrais l'essayer.
L'homme aquiesca d'un hochement de tête et conduit Lifaën derrière son étal. Il le cacha à l'aide d'un rideau pourpre. Le Viéra entreprit alors de se changer rapidement. Après avoir enlevé la totalité de son équipement, il enfila le pantalon. Le tissu était d'excellente qualité. Il glissait sur la peau sans s'accrocher et maintenait les jambes au chaud. Même constat pour les bottes. Robustes, elles résisteraient sans peine à un voyage forcé. Après avoir correctement mis sa côte de maille par dessus un vêtement léger, il endossa le haut de cuir et le long manteau. Il nota avec contentement qu'il ne fermait que jusqu'au bassin, laissant un espace suffisant pour ne pas entraver le mouvement des jambes. Les gants le garderait du froid aussi. Satisfait, Lifaën passa son carquois et son arc par dessus son épaule et serra sa nouvelle ceinture. Il mit Alastor dans une boucle prévue à cet effet. Pour finir, il passa en bandoulière sur l'autre épaule son sac de voyage qui tomba dans son dos, à côté de son carquois. Il sortit en remuant des épaules pour s'assurer du libre mouvement de ses membres et rabaissa son capuchon. Le marchand qui venait juste de terminer une vente avec d'autres clients revint le voir.
-Ma foi, vous êtes....impressionnant. Dois-je conclure que l'ensemble vous plait?
-En effet, approuva Lifaën. Je vous laisse mes anciens effets. Vous en ferez meilleur bénéfice que moi. Et voici pour vous payer.
Il sortit une dizaine de pièce de la bourse et les tendit au vendeur. L'affaire conclue, Lifaën se dirigea vers la fontaine pour se poser, écoutant les sifflements joyeux du marchands. La foule commençait à gagner en nombre. Toute cette agitation mettait mal à l'aise le jeune Viéra qui décida de quitter plus tôt le marché. Il avait fait ce qu'il avait à faire, il n'avait donc plus de raison de s'attarder d'avantage. Se frayant un chemin à travers la foule, il finit par se retrouver devant un énième étal. Celui ci vendait de la nourriture en tout genre. Cependant, une chose se vendait mieux que les autres. Des petites boules marrons qui doraient sur une grille. L'odeur qui s'en dégageait était un ingrédient qui attirait le monde autant que la chaleur du feu. Lifaën s'approcha du vendeur:
-Pourrais-je savoir ce que c'est?
-Ça ? , s'exclama le vendeur pour couvrir le vacarme, Pardi, ce sont des marrons grillés ! La chose qui se vend le mieux en cette période ! Tenez je vous en fait un petit sac ! Vous m'en direz des nouvelles.
Tout juste avait-il reçu son sac que Lifaën se retrouva bousculé par les humains désireux d'avoir leur part. Il quitta le brouhaha assourdissant du marché et se dirigea vers la sortie de la ville par des ruelles désaffectées. Une fois à bonne distance, il ouvrit son sac. Une lourde fumée grise en sorti et des effluves fortes chatouillèrent les narines de Lifaën. Il saisit un marron dans sa main et gouta. La nourriture craqua sous ses dents et la chaleur lui fit du bien.
Pas mauvais, conclut-il.
Sans être extraordinaire, ces «marrons grillés» avaient un petit quelque chose qui les rendait appréciable. Tout en se dirigeant vers l'extérieur de la ville, Lifaën mangeait ses friandises. Il savait que pour son voyage, la nourriture allait être son principal soucis. Les forêts ne pourraient lui apporter ce dont il avait besoin et il était nécessaire qu'il fasse des réserves. Mais, avec tout ce monde, c'était presque mission impossible. Il traversa la ville et arriva aux portes qu'il passa sans encombre. L'extérieur de la ville était recouvert d'une couche de neige et seul un chemin de terre subsistait à travers cette immensité blanche. A sa gauche, une mer, dont l'eau semblait ne pas avoir gelé. Lifaën y percevait l'esprit ancien et puissant de Sensei. Ce dernier le remarqua mais ne fit rien pour l'empêcher d'avancer. Soudain, un coassement attira son attention. Le Viéra se tourna et, sur la branche d'un arbre sans feuille était perché un aigle. Un aigle majestueux au plumage cendré. Ses yeux brillaient d'une intelligence peu commune. Lifaën se projeta vers l'animal et rencontra une barrière mentale. Il aurait pu l'enfoncer mais n'en fit rien.
Ne seriez-vous pas Chiku par hasard?
L'aigle claqua du bec et pencha la tête sur le côté.
Et tu dois être celui qui a parlé a parlé Willaz par télépathie.
Lifaën eut réussi à deviner qu'il s'agissait de Chiku uniquement parce qu'il avait senti sa présence lorsqu'il était entré dans l'esprit de l'humain. Le lien qui les unissait l'avait renseigné sur son nom.
Dois-je m'attendre à ce que Willaz soit par ici?
Non. Il est occupé ailleurs, répondit l'aigle, Je ne cherche pas à savoir ce que tu fais ici, je suis simplement venu te rendre ce qui t'appartient.
Au pied de l'arbre, Lifaën remarqua qu'un livre était disposé. Il s'avança pour le ramasser et le reconnut immédiatement.
Mais c'est....
Le livre que lui avait donné Calion. La couleur verte et les reliures en or était comme neuve. Lifaën se sentit infiniment bien lorsqu'il toucha la matière de l'ouvrage. Il pensait l'avoir perdu le jour où il était arrivé ici. Et voilà qu'il le retrouvait le jour de son départ.
Je ne sais comment vous remercier. J'ai une dette envers vous Chiku-elda
L'aigle coassa, ce que Lifaën perçut comme un rire:
Tache simplement de rester en vie. Une guerre se prépare Viéra. Nous aurons tous notre rôle à jouer dans cette histoire, toi compris.
Sur ces paroles énigmatiques, Chiku s'envola et retourna à l'intérieur des murs. Lifaën pensa que le fait que Chiku ne soit au courant de son départ ne fasse que compliquer les chose, mais le contact avec le livre le rendit heureux. Il ne savait pas comment l'aigle l'avait récupéré mais il lui était reconnaissant.
Au moins quelque chose que je n'ai pas perdu, pensa-t-il.
Et il s'engagea sur le chemin, prêt à honorer la promesse qu'il s'était faite il y a longtemps.
-Un instant ! Vous ne pouvez pas sortir.
Lifaën se retourna. Celui qui avait parlé, le plus petit des deux, semblait déterminé malgré la goutte de sueur qui perlait sur son front.
-Je ne crois pas être prisonnier entre ses murs.
-M...Mais, bredouilla l'autre, nous avons ordre....
-De ne laisser personne entrer, termina Lifaën qui avait lu les pensées du garde. Mais pas de ne pas me laisser sortir. Faites comme si j'étais toujours dans ma chambre et tout se passera bien.
Il mêla les paroles à une pression psychique pour s'assurer que les deux gardes ne le contredise pas. Ils se contentèrent d'échanger un regard entendu, fermèrent la porte et reprirent leurs postures stoïques. Lifaën sortit rapidement du couloir. Les rares personnes éveillés à cette heure là ne lui prêtèrent aucune attention, comme si ils n'avaient pas eu vent de sa présence. Une pancarte attira néanmoins son attention. Placardée sur un mur, les inscriptions écrites en noires étaient suffisamment visibles pour qu'il puisse les lire sans trop s'approcher:
Grand Marché aujourd'hui ! Petits et grands, jeunes et vieux, vous êtes tous invités à faire un tour à cette exposition des plus grands produits en cette fin d'année!
Fin d'année? Lifaën réfléchit. Il n'avait pas la même notion du temps que les humains. Que pouvait bien signifier une «fin d'année» ? D'abord anxieux à l'idée de devoir traverser un marché, il conclut que peut-être il pourrait faire des «emplettes», voir ce que proposaient les marchands humains et si «les plus grands produits» ne volaient pas leur réputation. Il n'y passerait pas longtemps, juste par pure curiosité. Mais le problème était le manque d'argent. Lifaën n'avait aucune idée de comment s'en procurer. Chez les siens, il n'y avait pas de vente à proprement parler. Chacun pouvait obtenir un objet par un artisan sans avoir à payer. Personne n'avait donc à se soucier de la valeur foncière des produits. Lifaën aperçut un homme passant avec un enfant et décida de tenter le tout pour le tout:
-Excusez moi, n'auriez-vous pas de l'argent dont vous ne vous servez pas?
L'homme un tantinet enveloppé considéra son interlocuteur pendant un moment. Le petit lui, avait les yeux grands ouvert sur le fourreau d'Alastor.
-De l'argent à donner? Coassa-t-il, et puis quoi encore ? Si vous voulez de l'argent, travaillez. Et si vous être trop fainéant pour travailler, vendez ce que vous pouvez aux marchands. Il n'y a pas marqué «aide sociale», sur mon front.
Avec un geste de dédain, il se détourna, tirant le bras du gamin.
Charmant
Lifaën n'avait pas pensé que les humains attachaient autant d'importance à l'argent. Il aperçut qu'une petite bourse de cuir dépassait de la ceinture de l'homme. A l'aide de sa maitrise, il coupa le fil qui reliait la bourse à ceinturon et la fit tomber doucement pour que le bruit n'alerte pas l'homme. Dès qu'il fut à une distance raisonnable, Lifaën s'approcha et ramassa l'objet. Elle était bien remplie. Il ne savait pas combien d'argent il possédait mais avait déjà trouvé un moyen de le savoir. Il décida donc de sortir du bâtiment par une lourde porte de bois massif. Dehors, le froid était mordant. Lifaën resserra sa cape autour de lui et s'engagea dans les rues désertes. Il ne lui fallut pas cinq minutes de marche pour entendre un brouhaha peu commun. C'était donc ça l'agitation. Les gens préparaient le marché. La ruelle dans laquelle il était déboucha sur une large place. Au centre, une fontaine dont l'eau avait presque gelée se tenait fièrement. Les cygnes de marbres qui la composait crachait un filet de glace qui reflétait les rayons du soleil. Partout autour de la place, des étals, des calèches remplis de biens en tour genre s'amoncelaient. Il n'y avait pas beaucoup de gens pour l'instant, mais l'endroit grouillait déjà d'activité. Lifaën se dirigea vers un marchand qui préparait tranquillement ses affaires. L'homme moustachu avait l'air sympathique des montagnards. Bien que moins porté sur la bedaine, il restait trapu et ses bras étaient noueux. A l'approche d'un client potentiel, il cessa d'étaler ses marchandises et s'exclama:
-Bien le bonjour ! Je ne suis pas encore totalement prêt mais je peux vous faire un bon prix pour ce début de journée.
Lifaën constata un moment les fournitures du forain. La plupart était des habits en tout genre. De la simple robe brodée au lourd manteau des neiges.
-Je souhaiterais savoir combien vaut cette bourse, répondit l'intéressé en tendant ladite bourse.
Le marchand sortit une petite paire de lunette de sa poche et saisit délicatement l'objet. Il l'ouvrit et fit les yeux ronds. Il retint un juron dans sa moustache que Lifaën entendit sans peine. L'homme qu'il avait détroussé devait être riche assurément. Après un rapide coup d'œil, le marchand déclara:
-Je ne sais pas où vous avez obtenu pareil argent mon ami. Une chose est sure, vous pourrez acheter tous ce que je possède, et moi avec.
Il saisit une des pièces. Elle était dorée et portait un étrange symbole sur l'un des côtés:
-Vous voyez ça? Il s'agit du sceau d'une des familles nobles de la ville. J'ignore combien cela vaut dans notre monnaie, mais ce n'est surement pas de la camelote.
Le vendeur reposa la pièce et rendit sa bourse à Lifaën. Au moins, il n'allait pas avoir de problème pour payer. C'était une bonne chose.
-Et donc, que puis-je d'autre pour vous? S'enquit le marchand.
Le Viéra mit un certain temps à répondre. Le temps semblait avoir énormément varié en peu de temps. S'il continuait à se dégrader, de simples vêtements ne suffirait pas à le protéger du froid. Qui plus est, ses affaires étaient en piteux état. Ils avaient souffert du voyage. Les changer ne serait pas un mal.
-Montez-moi ce que vous avez en habits chauds, répondit finalement Lifaën.
Le marchand lui proposa alors un manteau très épais avec de la fourrure. Trop lourd. Un autre plus fin mais beaucoup plus voyant aussi Les finitions laissaient à désirer. Finalement, après une dizaine d'essais infructueux, à bout de propositions, le vendeur lâcha:
-Je suis désolé, je n'ai rien d'autre en stock. A part peut-être.... Attendez-moi ici, je reviens.
L'homme se dirigea derrière une grosse caisse et revint avec avec une boîte blanche de très belle facture ornée de motifs dorés.
-C'est la dernière chose que j'ai à vous proposer. Cet ensemble convient aux aventuriers chevronnés et il provient des meilleurs tisseurs de Nimong. Et je dois dire que vu votre équipement, vous êtes parés pour un voyage.
Non sans mal, le vendeur ouvrit la boîte. A l'intérieur, un long manteau noir. A priori, il n'avait rien d'extraordinaire. Lorsque le marchand le retira, Lifaën constata qu'il lui arriverait sans problème au cheville.
-Un peu trop long peut-être....
Sans se laisser décourager, l'homme posa le manteau et sortit un ample pantalon noir. Puis, une ceinture de cuir affublé de deux escarcelle ainsi que d'une aumônière. Lifaën se contenta de rester silencieux, attendant que l'homme n'ait finit d'étaler ses produits. Il était intéressé, mais il ne fallait pas qu'il se laisse emporter parce qu'il trouvait un objet «beau». Un haut de cuir noir attira son attention. Il ressemblait à ceux que fabriquait les artisans Viéras. Solide et léger, il pouvait protéger contre les coups légers sans empêcher une grande mobilité. La collection fut terminée par de larges bottes hautes et des gants épais et souples. Essoufflé comme s'il avait couru un marathon, le vendeur s'épongea le front en demandant:
-Alors? Qu'en pensez-vous?
-Je devrais l'essayer.
L'homme aquiesca d'un hochement de tête et conduit Lifaën derrière son étal. Il le cacha à l'aide d'un rideau pourpre. Le Viéra entreprit alors de se changer rapidement. Après avoir enlevé la totalité de son équipement, il enfila le pantalon. Le tissu était d'excellente qualité. Il glissait sur la peau sans s'accrocher et maintenait les jambes au chaud. Même constat pour les bottes. Robustes, elles résisteraient sans peine à un voyage forcé. Après avoir correctement mis sa côte de maille par dessus un vêtement léger, il endossa le haut de cuir et le long manteau. Il nota avec contentement qu'il ne fermait que jusqu'au bassin, laissant un espace suffisant pour ne pas entraver le mouvement des jambes. Les gants le garderait du froid aussi. Satisfait, Lifaën passa son carquois et son arc par dessus son épaule et serra sa nouvelle ceinture. Il mit Alastor dans une boucle prévue à cet effet. Pour finir, il passa en bandoulière sur l'autre épaule son sac de voyage qui tomba dans son dos, à côté de son carquois. Il sortit en remuant des épaules pour s'assurer du libre mouvement de ses membres et rabaissa son capuchon. Le marchand qui venait juste de terminer une vente avec d'autres clients revint le voir.
-Ma foi, vous êtes....impressionnant. Dois-je conclure que l'ensemble vous plait?
-En effet, approuva Lifaën. Je vous laisse mes anciens effets. Vous en ferez meilleur bénéfice que moi. Et voici pour vous payer.
Il sortit une dizaine de pièce de la bourse et les tendit au vendeur. L'affaire conclue, Lifaën se dirigea vers la fontaine pour se poser, écoutant les sifflements joyeux du marchands. La foule commençait à gagner en nombre. Toute cette agitation mettait mal à l'aise le jeune Viéra qui décida de quitter plus tôt le marché. Il avait fait ce qu'il avait à faire, il n'avait donc plus de raison de s'attarder d'avantage. Se frayant un chemin à travers la foule, il finit par se retrouver devant un énième étal. Celui ci vendait de la nourriture en tout genre. Cependant, une chose se vendait mieux que les autres. Des petites boules marrons qui doraient sur une grille. L'odeur qui s'en dégageait était un ingrédient qui attirait le monde autant que la chaleur du feu. Lifaën s'approcha du vendeur:
-Pourrais-je savoir ce que c'est?
-Ça ? , s'exclama le vendeur pour couvrir le vacarme, Pardi, ce sont des marrons grillés ! La chose qui se vend le mieux en cette période ! Tenez je vous en fait un petit sac ! Vous m'en direz des nouvelles.
Tout juste avait-il reçu son sac que Lifaën se retrouva bousculé par les humains désireux d'avoir leur part. Il quitta le brouhaha assourdissant du marché et se dirigea vers la sortie de la ville par des ruelles désaffectées. Une fois à bonne distance, il ouvrit son sac. Une lourde fumée grise en sorti et des effluves fortes chatouillèrent les narines de Lifaën. Il saisit un marron dans sa main et gouta. La nourriture craqua sous ses dents et la chaleur lui fit du bien.
Pas mauvais, conclut-il.
Sans être extraordinaire, ces «marrons grillés» avaient un petit quelque chose qui les rendait appréciable. Tout en se dirigeant vers l'extérieur de la ville, Lifaën mangeait ses friandises. Il savait que pour son voyage, la nourriture allait être son principal soucis. Les forêts ne pourraient lui apporter ce dont il avait besoin et il était nécessaire qu'il fasse des réserves. Mais, avec tout ce monde, c'était presque mission impossible. Il traversa la ville et arriva aux portes qu'il passa sans encombre. L'extérieur de la ville était recouvert d'une couche de neige et seul un chemin de terre subsistait à travers cette immensité blanche. A sa gauche, une mer, dont l'eau semblait ne pas avoir gelé. Lifaën y percevait l'esprit ancien et puissant de Sensei. Ce dernier le remarqua mais ne fit rien pour l'empêcher d'avancer. Soudain, un coassement attira son attention. Le Viéra se tourna et, sur la branche d'un arbre sans feuille était perché un aigle. Un aigle majestueux au plumage cendré. Ses yeux brillaient d'une intelligence peu commune. Lifaën se projeta vers l'animal et rencontra une barrière mentale. Il aurait pu l'enfoncer mais n'en fit rien.
Ne seriez-vous pas Chiku par hasard?
L'aigle claqua du bec et pencha la tête sur le côté.
Et tu dois être celui qui a parlé a parlé Willaz par télépathie.
Lifaën eut réussi à deviner qu'il s'agissait de Chiku uniquement parce qu'il avait senti sa présence lorsqu'il était entré dans l'esprit de l'humain. Le lien qui les unissait l'avait renseigné sur son nom.
Dois-je m'attendre à ce que Willaz soit par ici?
Non. Il est occupé ailleurs, répondit l'aigle, Je ne cherche pas à savoir ce que tu fais ici, je suis simplement venu te rendre ce qui t'appartient.
Au pied de l'arbre, Lifaën remarqua qu'un livre était disposé. Il s'avança pour le ramasser et le reconnut immédiatement.
Mais c'est....
Le livre que lui avait donné Calion. La couleur verte et les reliures en or était comme neuve. Lifaën se sentit infiniment bien lorsqu'il toucha la matière de l'ouvrage. Il pensait l'avoir perdu le jour où il était arrivé ici. Et voilà qu'il le retrouvait le jour de son départ.
Je ne sais comment vous remercier. J'ai une dette envers vous Chiku-elda
L'aigle coassa, ce que Lifaën perçut comme un rire:
Tache simplement de rester en vie. Une guerre se prépare Viéra. Nous aurons tous notre rôle à jouer dans cette histoire, toi compris.
Sur ces paroles énigmatiques, Chiku s'envola et retourna à l'intérieur des murs. Lifaën pensa que le fait que Chiku ne soit au courant de son départ ne fasse que compliquer les chose, mais le contact avec le livre le rendit heureux. Il ne savait pas comment l'aigle l'avait récupéré mais il lui était reconnaissant.
Au moins quelque chose que je n'ai pas perdu, pensa-t-il.
Et il s'engagea sur le chemin, prêt à honorer la promesse qu'il s'était faite il y a longtemps.
Lifaën- Age : 31
Messages : 23
Re: Chapitre 5 : La recherche de la Vérité
Mes deux derniers posts jusqu'à la fin de l'année XD Noyeux Joël et Bonne fin d'année aussi
Heureusement que j'ai pris ces vêtements
Ainsi pensa Lifaën durant tout le trajet. Le froid s'était intensifié de plus en plus et même les hauts murs de Ba Sing Se était recouvert de neige. C'était impressionnant pour le jeune Viéra qui n'avait jamais vu que la chaleur du soleil sous les arbres de sa forêt natale. La neige était pour lui un objet d'émerveillement et de curiosité. Sa texture était froide et devenait liquide au contact de la peau. Lifaën se demandait comment quelques uns des siens arrivaient à contrôler cette élément par le biais de l'esprit. Et surtout, comment des humains avaient ce don de maitriser l'eau. Mais plus encore que ces interrogations, c'était pourquoi et comment le temps avait changé à ce point. Encore au cours de la semaine, il faisait relativement doux. Lifaën n'était pas expert en météorologie mais de tels changements climatiques n'étaient pas bons signes.
Une semaine de voyage passa ainsi, sous les chutes de neige qui ne faiblissaient pas. Les températures restaient extrêmement froides et la nuit était le plus dur. Le vent venait s'ajouter à son inconfort et il arrivait parfois que Lifaën ne passe plusieurs heures à retrouver le chemin qu'il devait emprunter. La tempête se calma le septième jour, au moment où le Viéra arrivait à la plaine qu'il avait traversée lorsqu'il avait quitté la forêt. Totalement recouverte de neige, elle était méconnaissable. Lifaën s'y engagea et finit sa traversée en début d'après-midi. Ce qu'il vit le stupéfait. Là où il croyait trouver cendre et désolation, il retrouva les arbres qui avaient bercés son enfance. Comme si la souillure des hommes n'était jamais passée par ici. En étendant son esprit aux arbres, Lifaën comprit toutefois qu'une petite partie de la forêt seulement avait repoussée. Mais suffisamment pour lui redonner espoir. Peut-être y avait-il des survivants. C'était ce qui l'avait poussé à venir jusqu'ici. Quel meilleur endroit pour rechercher les Viéras que le lieu de l'attaque. Les chances étaient minces, mais présentes. C'était l'essentiel. Lifaën s'avança dans la forêt. Le bruissement des feuilles, la caresse du vent, l'odeur des pins, tant de sensation qu'il retrouva en l'espace d'un instant. Il se trouvait de nouveau chez lui. Sa progression n'était nullement entravée par ses membres engourdis. Mais il avait l'impression de tourner en rond. Il passa deux fois au même endroit nota-t-il.
Si les arcanes sont de nouveaux actives, cela ne fait aucun doute, il y a des survivants
Le principal pouvoir des arcanes étaient de cacher la partie où habitait les Viéras. Pour cela, ils usaient d'une illusion qui faisait se répéter indéfiniment un endroit. Le seul moyen d'en sortir était de rebrousser chemin où d'avoir un allié parmi les Viéras. Et encore. Seul de rares Viéras savaient comment briser les arcanes. Que des humains aient pu les traverser aussi rapidement le sidérait. Lifaën entendit alors une branche se casser. Il se retourna rapidement, la main sur le pommeau d'Alastor. Rien. Un grognement attira son attention de l'autre côté. Il dégaina son arme et fit volte-face. Un magnifique loup au pelage gris se trouvait devant lui. Sa taille était loin d'être commune. A vue d'œil, Lifaën estima que l'animal était de sa taille au garrot. C'était très impressionnant. Ses yeux d'un bleu profond brillait d'une certaine intelligence. L'animal cessa de grogner au moment où vit le visage du Viéra. Ce dernier ressentit la présence de Versipelle qui tentait de lui dire quelque chose. Il ferma les yeux et se laissa submerger par les images. Il se vit lui, un arc à la main parcourant la forêt. Puis, un animal blessé, pris dans un piège à ours. Très certainement en dehors des arcanes. Comment était-il arrivé là demeurait un mystère. Ensuite, il constata qu'il libérait l'animal en brisant le piège. Un flash lumineux le ramena à la réalité.
-Alors c'est toi, murmura-t-il.
L'animal qu'il avait sauvé s'était retrouvé devant lui. Qui plus est, pas n'importe quel animal, un Mabari. Généralement, personne ne pouvait les approcher et encore moins les domestiquer. C'était l'animal qui choisissait son maître et non l'inverse. Les Viéras nommaient cela l'imprégnation. Un proverbe disait aussi qu'«Un Mabari est suffisamment intelligent pour parler, et assez sage pour s'en abstenir». Une métaphore pour souligner leur intelligence. Lifaën se sentit honoré d'avoir été choisi par un animal aussi noble. Le Mabari s'approcha de lui et lui renifla la main. Ce n'est qu'ensuite que Lifaën put lui flatter le côté.
-Il va falloir que je te trouve un nom à toi aussi, soupira-t-il.
Se souvenant à quel point il eut du mal à trouver un nom pour son épée, il se contenta de hausser des épaules en pensant que le temps voulu, le prénom s'imposerait de lui même. Le loup s'assit à ses pieds. Lifaën remarqua alors qu'il pouvait voir les côtes de l'animal ressortir. Il n'avait probablement pas mangé depuis longtemps. Une bourrasque violente se leva alors. L'animal ne sembla pas s'en inquiéter mais Lifaën perçut une conscience qui s'approchait. Avant d'avoir pu tenter de communiquer avec, une voix retentit derrière lui:
-Ne bouge pas.
Il sentit quelque chose de pointu dans son dos. Le Mabari ne grogna pas. Il ne fit pas l'ombre d'un geste. Par pur réflexe, le Viéra barricada son esprit. Il ne savait pas qui était la personne derrière lui et si c'était un des siens ou un humain.
-Andaran atish'an mon ami, résonna alors une autre voix. Puis-je savoir ce qu'un inconnu vient faire dans notre forêt?
Lifaën reconnut immédiatement la formule de bienvenue des Viéras. Il abaissa ses défenses mentales et sentit alors une présence entrer en lui. Elle ne se contenta que de lui faire subir un examen succin. La pointe de son dos s'abaissa alors et Lifaën se retourna:
-Abelas dal'en, je ne t'avais pas reconnu, fit le Viéra.
C'était Earän, un de ceux qui pouvaient contrôler les arcanes. Ce dernier était aveugle de naissance mais avait développé un talent de conscience extraordinaire. On raconte qu'il arrivait à «voir par d'autres mondes» sans qu'on puisse affirmer, réfuter ou préciser ces paroles. Lifaën se tourna de nouveau et un Viéra à la chevelure brune avançait vers lui. Il n'en croyait pas ces yeux. Il s'agissait d'Elenwë, son ami et l'un des rares enfants des Viéras. Il était vêtu d'une armure de cuir renforcé et d'une cape verte-feuille.
-Qu'il est bon de te revoir iëthallan. Nous te croyions mort depuis longtemps.
Lifaën sauta dans les bras de son ami. Alors il avait survécu. Certains des siens étaient toujours en vie. Cela le remplissait d'une joie sans bornes. Il était près à faire n'importe quoi pour les garder près de lui désormais.
-Nous avons énormément de choses à nous dire, continua Elenwë. Suis-moi, je vais te mener à notre hahren.
Le hahren était le chef spirituel des Viéras. Celui qui garantissait la survie de la mémoire collective. Après les Anciens, c'était le plus vieux d'entre eux. Lifaën relâcha son ami et le suivi. Ils commencèrent par avancer prudemment et le jeune Viéra nota l'air soucieux de son ami. L'attaque de la forêt les avait surement autant marqué si ce n'est pire. Lui n'était pas resté près de la forêt pour entendre sa complainte. Ses émotions étaient amplifiées par celles de Versipelle. L'esprit était heureux de revoir la forêt même si une note de mélancolie atténuait sa joie. La forêt n'était plus aussi grande qu'auparavant. Uniquement un dixième avait repoussée.
-Ainsi, un Mabari t'a choisi, constata Earän durant le trajet.
-Oui. Je l'ai sauvé il y a longtemps. Surement m'a-t-il reconnu.
-Vraiment? Intervint Elenwë, Il me tarde que tu nous contes tes aventure iëthallan. Le hahren sera surement impressionné par le chemin que tu as parcouru.
Iëthallan. Dans le langage commun, cela signifiait «mon ami». Une marque d'une extrême importance chez les Viéras puisqu'elle symbolisait un lien fort entre deux personnes. Un lien que seul la mort pouvait briser. Earän prit la tête de la marche. Il s'arrêta à une clairière et murmura des paroles inaudibles.
-Nous pouvons y aller.
Le cœur de Lifaën s'emballa. Il allait enfin retrouver les siens. Lui qui pensait partir d'ici pour ses recherches, voilà qu'il allait se retrouver de nouveau parmi les Viéras. En l'espace de quelques minutes de marche, il reconnut de rares habitations reconstruites à même les arbres. Quelques Viéras se présentèrent à eux par les formules de politesse habituelle. Sur leur visage se lisait la tristesse et l'amertume mais la vue du retour de l'un des leur suffisait à arracher un sourire à quelques uns. Elenwë conduisit son ami devant un arbre au tronc large et lui demanda d'attendre. Lifaën étendit sa conscience à celle de l'arbre. Elle était bien présente, mais nulle trace d'un arbre mère. Il ressentit la déception de Versipelle mais le rassura. Il était venu ici pour mener les Viéra à Hermès et pour le moment tout se passait pour le mieux. Des bruits le firent sursauter. Un Viéra à la chevelure d'argent marchait dans sa direction. Bien que plus âgé que Lifaën, nulle trace de vieillesse ne ternissait son visage. Il était empli de noblesse et de sérénité.
-Aneth ara hahren, fit le Viéra en s'inclinant.
S'en suivit les formules de politesse à la suite desquelles, au plus grand étonnement de Lifaën, le hahren posa ses mains sur ses épaules et lui dit:
-Ma serranas da'len. Ma serranas d'être revenu parmi nous.
Et il tomba en sanglot. Lifaën lança un regard suppliant à Elenwë qui ne dit rien. Il ressentit toute la tristesse de son guide mais ne sut comment l'apaiser. Il comprit les horreurs qu'il avait vues ou vécues. Versipelle intervint alors et entra dans la conscience du hahren. Pendant quelques instants, on entendit que les sanglots du Viéra qui s'atténuait peu à peu. L'esprit se retira alors et retourna en Lifaën. Le hahren se redressa, les yeux encore rouges et boursoufflés.
-Tu nous apporte un grand espoir Lifaën. Ce soir sera soir de liesse et de joie. Tu nous raconteras ton périple et je te dirais comment certains d'entre nous ont survécu.
Il l'invita alors à le suivre dans l'arbre. Un grand sentiment de paix l'envahit lorsqu'il pénétrait à l'intérieur. Il était de nouveau chez lui.
Je suis vraiment désolé j'ai pas pu m'empêcher de mettre autre chose que du français XD
Alors voilà les traduc'.
Heureusement que j'ai pris ces vêtements
Ainsi pensa Lifaën durant tout le trajet. Le froid s'était intensifié de plus en plus et même les hauts murs de Ba Sing Se était recouvert de neige. C'était impressionnant pour le jeune Viéra qui n'avait jamais vu que la chaleur du soleil sous les arbres de sa forêt natale. La neige était pour lui un objet d'émerveillement et de curiosité. Sa texture était froide et devenait liquide au contact de la peau. Lifaën se demandait comment quelques uns des siens arrivaient à contrôler cette élément par le biais de l'esprit. Et surtout, comment des humains avaient ce don de maitriser l'eau. Mais plus encore que ces interrogations, c'était pourquoi et comment le temps avait changé à ce point. Encore au cours de la semaine, il faisait relativement doux. Lifaën n'était pas expert en météorologie mais de tels changements climatiques n'étaient pas bons signes.
Une semaine de voyage passa ainsi, sous les chutes de neige qui ne faiblissaient pas. Les températures restaient extrêmement froides et la nuit était le plus dur. Le vent venait s'ajouter à son inconfort et il arrivait parfois que Lifaën ne passe plusieurs heures à retrouver le chemin qu'il devait emprunter. La tempête se calma le septième jour, au moment où le Viéra arrivait à la plaine qu'il avait traversée lorsqu'il avait quitté la forêt. Totalement recouverte de neige, elle était méconnaissable. Lifaën s'y engagea et finit sa traversée en début d'après-midi. Ce qu'il vit le stupéfait. Là où il croyait trouver cendre et désolation, il retrouva les arbres qui avaient bercés son enfance. Comme si la souillure des hommes n'était jamais passée par ici. En étendant son esprit aux arbres, Lifaën comprit toutefois qu'une petite partie de la forêt seulement avait repoussée. Mais suffisamment pour lui redonner espoir. Peut-être y avait-il des survivants. C'était ce qui l'avait poussé à venir jusqu'ici. Quel meilleur endroit pour rechercher les Viéras que le lieu de l'attaque. Les chances étaient minces, mais présentes. C'était l'essentiel. Lifaën s'avança dans la forêt. Le bruissement des feuilles, la caresse du vent, l'odeur des pins, tant de sensation qu'il retrouva en l'espace d'un instant. Il se trouvait de nouveau chez lui. Sa progression n'était nullement entravée par ses membres engourdis. Mais il avait l'impression de tourner en rond. Il passa deux fois au même endroit nota-t-il.
Si les arcanes sont de nouveaux actives, cela ne fait aucun doute, il y a des survivants
Le principal pouvoir des arcanes étaient de cacher la partie où habitait les Viéras. Pour cela, ils usaient d'une illusion qui faisait se répéter indéfiniment un endroit. Le seul moyen d'en sortir était de rebrousser chemin où d'avoir un allié parmi les Viéras. Et encore. Seul de rares Viéras savaient comment briser les arcanes. Que des humains aient pu les traverser aussi rapidement le sidérait. Lifaën entendit alors une branche se casser. Il se retourna rapidement, la main sur le pommeau d'Alastor. Rien. Un grognement attira son attention de l'autre côté. Il dégaina son arme et fit volte-face. Un magnifique loup au pelage gris se trouvait devant lui. Sa taille était loin d'être commune. A vue d'œil, Lifaën estima que l'animal était de sa taille au garrot. C'était très impressionnant. Ses yeux d'un bleu profond brillait d'une certaine intelligence. L'animal cessa de grogner au moment où vit le visage du Viéra. Ce dernier ressentit la présence de Versipelle qui tentait de lui dire quelque chose. Il ferma les yeux et se laissa submerger par les images. Il se vit lui, un arc à la main parcourant la forêt. Puis, un animal blessé, pris dans un piège à ours. Très certainement en dehors des arcanes. Comment était-il arrivé là demeurait un mystère. Ensuite, il constata qu'il libérait l'animal en brisant le piège. Un flash lumineux le ramena à la réalité.
-Alors c'est toi, murmura-t-il.
L'animal qu'il avait sauvé s'était retrouvé devant lui. Qui plus est, pas n'importe quel animal, un Mabari. Généralement, personne ne pouvait les approcher et encore moins les domestiquer. C'était l'animal qui choisissait son maître et non l'inverse. Les Viéras nommaient cela l'imprégnation. Un proverbe disait aussi qu'«Un Mabari est suffisamment intelligent pour parler, et assez sage pour s'en abstenir». Une métaphore pour souligner leur intelligence. Lifaën se sentit honoré d'avoir été choisi par un animal aussi noble. Le Mabari s'approcha de lui et lui renifla la main. Ce n'est qu'ensuite que Lifaën put lui flatter le côté.
-Il va falloir que je te trouve un nom à toi aussi, soupira-t-il.
Se souvenant à quel point il eut du mal à trouver un nom pour son épée, il se contenta de hausser des épaules en pensant que le temps voulu, le prénom s'imposerait de lui même. Le loup s'assit à ses pieds. Lifaën remarqua alors qu'il pouvait voir les côtes de l'animal ressortir. Il n'avait probablement pas mangé depuis longtemps. Une bourrasque violente se leva alors. L'animal ne sembla pas s'en inquiéter mais Lifaën perçut une conscience qui s'approchait. Avant d'avoir pu tenter de communiquer avec, une voix retentit derrière lui:
-Ne bouge pas.
Il sentit quelque chose de pointu dans son dos. Le Mabari ne grogna pas. Il ne fit pas l'ombre d'un geste. Par pur réflexe, le Viéra barricada son esprit. Il ne savait pas qui était la personne derrière lui et si c'était un des siens ou un humain.
-Andaran atish'an mon ami, résonna alors une autre voix. Puis-je savoir ce qu'un inconnu vient faire dans notre forêt?
Lifaën reconnut immédiatement la formule de bienvenue des Viéras. Il abaissa ses défenses mentales et sentit alors une présence entrer en lui. Elle ne se contenta que de lui faire subir un examen succin. La pointe de son dos s'abaissa alors et Lifaën se retourna:
-Abelas dal'en, je ne t'avais pas reconnu, fit le Viéra.
C'était Earän, un de ceux qui pouvaient contrôler les arcanes. Ce dernier était aveugle de naissance mais avait développé un talent de conscience extraordinaire. On raconte qu'il arrivait à «voir par d'autres mondes» sans qu'on puisse affirmer, réfuter ou préciser ces paroles. Lifaën se tourna de nouveau et un Viéra à la chevelure brune avançait vers lui. Il n'en croyait pas ces yeux. Il s'agissait d'Elenwë, son ami et l'un des rares enfants des Viéras. Il était vêtu d'une armure de cuir renforcé et d'une cape verte-feuille.
-Qu'il est bon de te revoir iëthallan. Nous te croyions mort depuis longtemps.
Lifaën sauta dans les bras de son ami. Alors il avait survécu. Certains des siens étaient toujours en vie. Cela le remplissait d'une joie sans bornes. Il était près à faire n'importe quoi pour les garder près de lui désormais.
-Nous avons énormément de choses à nous dire, continua Elenwë. Suis-moi, je vais te mener à notre hahren.
Le hahren était le chef spirituel des Viéras. Celui qui garantissait la survie de la mémoire collective. Après les Anciens, c'était le plus vieux d'entre eux. Lifaën relâcha son ami et le suivi. Ils commencèrent par avancer prudemment et le jeune Viéra nota l'air soucieux de son ami. L'attaque de la forêt les avait surement autant marqué si ce n'est pire. Lui n'était pas resté près de la forêt pour entendre sa complainte. Ses émotions étaient amplifiées par celles de Versipelle. L'esprit était heureux de revoir la forêt même si une note de mélancolie atténuait sa joie. La forêt n'était plus aussi grande qu'auparavant. Uniquement un dixième avait repoussée.
-Ainsi, un Mabari t'a choisi, constata Earän durant le trajet.
-Oui. Je l'ai sauvé il y a longtemps. Surement m'a-t-il reconnu.
-Vraiment? Intervint Elenwë, Il me tarde que tu nous contes tes aventure iëthallan. Le hahren sera surement impressionné par le chemin que tu as parcouru.
Iëthallan. Dans le langage commun, cela signifiait «mon ami». Une marque d'une extrême importance chez les Viéras puisqu'elle symbolisait un lien fort entre deux personnes. Un lien que seul la mort pouvait briser. Earän prit la tête de la marche. Il s'arrêta à une clairière et murmura des paroles inaudibles.
-Nous pouvons y aller.
Le cœur de Lifaën s'emballa. Il allait enfin retrouver les siens. Lui qui pensait partir d'ici pour ses recherches, voilà qu'il allait se retrouver de nouveau parmi les Viéras. En l'espace de quelques minutes de marche, il reconnut de rares habitations reconstruites à même les arbres. Quelques Viéras se présentèrent à eux par les formules de politesse habituelle. Sur leur visage se lisait la tristesse et l'amertume mais la vue du retour de l'un des leur suffisait à arracher un sourire à quelques uns. Elenwë conduisit son ami devant un arbre au tronc large et lui demanda d'attendre. Lifaën étendit sa conscience à celle de l'arbre. Elle était bien présente, mais nulle trace d'un arbre mère. Il ressentit la déception de Versipelle mais le rassura. Il était venu ici pour mener les Viéra à Hermès et pour le moment tout se passait pour le mieux. Des bruits le firent sursauter. Un Viéra à la chevelure d'argent marchait dans sa direction. Bien que plus âgé que Lifaën, nulle trace de vieillesse ne ternissait son visage. Il était empli de noblesse et de sérénité.
-Aneth ara hahren, fit le Viéra en s'inclinant.
S'en suivit les formules de politesse à la suite desquelles, au plus grand étonnement de Lifaën, le hahren posa ses mains sur ses épaules et lui dit:
-Ma serranas da'len. Ma serranas d'être revenu parmi nous.
Et il tomba en sanglot. Lifaën lança un regard suppliant à Elenwë qui ne dit rien. Il ressentit toute la tristesse de son guide mais ne sut comment l'apaiser. Il comprit les horreurs qu'il avait vues ou vécues. Versipelle intervint alors et entra dans la conscience du hahren. Pendant quelques instants, on entendit que les sanglots du Viéra qui s'atténuait peu à peu. L'esprit se retira alors et retourna en Lifaën. Le hahren se redressa, les yeux encore rouges et boursoufflés.
-Tu nous apporte un grand espoir Lifaën. Ce soir sera soir de liesse et de joie. Tu nous raconteras ton périple et je te dirais comment certains d'entre nous ont survécu.
Il l'invita alors à le suivre dans l'arbre. Un grand sentiment de paix l'envahit lorsqu'il pénétrait à l'intérieur. Il était de nouveau chez lui.
Je suis vraiment désolé j'ai pas pu m'empêcher de mettre autre chose que du français XD
Alors voilà les traduc'.
- Spoiler:
- Abelas : Désolé ou pardon
Andaran atish'an : Formule de bienvenue
Aneth Ara : Formule pour dire "Bonjour" mais plus teintée de respect.
Dal'hen : Enfant. Utilisé pour désigner quelqu'un de plus jeune que soit.
Harhen : Littéralement, Guide Spirituel
Iëthallan : Mon ami
Ma serranas : Merci beaucoup
Lifaën- Age : 31
Messages : 23
Re: Chapitre 5 : La recherche de la Vérité
Désolé pour les musiques ce n'est pas ce que je voulais à l'origine. Faut attendre qu'elles chargent avant de les lancer >< Mais je n'ai pas trouvé mieux. C'est juste histoire de vous mettre dans l'ambiance XD
Le reste de la journée fut consacré au préparatif de la soirée. Les Viéras s'affairaient dans tous les sens, se rassemblant afin de préparer un feu et se dispersant pour chercher de la nourriture et des instruments de musique. L'intérieur de l'arbre vibrait comme un tambourin. Lifaën ne put cacher son excitation.
-Combien d'entre-nous on survécu? Se risqua-t-il.
-Quelques centaines. Guerre plus de deux-cents je le crains.
La joie du Viéra s'atténua passagèrement. Il espérait que plus était encore en vie.
-Et les Anciens, sont-il tous morts?
-Tu auras tes réponses ce soir da'len, répondit doucement le hahren. Pour l'heure, va te reposer.
En effet Lifaën était épuisé. Il avait déployé toute son énergie à la course pour venir jusqu'ici. Un peu de repos ne lui ferait pas de mal. Le hahren le convia dans une pièce à l'écart. Un lit l'attendait. A côté, une petite table de nuit avec une bougie. Rien d'extraordinaire mais c'était suffisant.
-J'enverrais quelqu'un te chercher quand tout sera près.
Et il le laissa seul avec le Mabari. Le Viéra retira son sac et son carquois et se déshabilla. Il resta torse-nu, profitant de se confort rudimentaire. Il posa Alastor contre le meuble pour s'en saisir rapidement en cas de besoin. Ses réflexes de survie n'avait pas disparu malgré le fait qu'il soit de nouveau parmi les siens. Il s'allongea sur le lit et s'endormit rapidement, bercé par la respiration calme de l'animal et par les chants des Viéras.
Une douce caresse le réveilla. Les yeux à demi-clos, il apercevait vaguement la forme d'une femme. Lorsqu'il ouvrit les yeux, la forme disparut. Il se redressa d'un bond. Personne dans la pièce et le Mabari ne semblait pas avoir vu quelqu'un. Lifaën se frotta les yeux. Décidément, son voyage l'avait vraiment atteint. On frappa à sa porte. Le Viéra reconnut Elenwë derrière la porte.
C'est bon je sais que tu m'a reconnu iëthallan, ria son ami. Viens on t'attend.
Sur sa table étaient disposés de nouveaux vêtements. Les siens étaient bien là mais il y en avait d'autre. Une tunique pourpre, un pantalon couleur écorce de pin, des bottes noires et une longue cape faite de feuille de chêne. Lifaën enfila le tout rapidement et sortit de sa chambre. Le hahren l'attendait accompagné par Elenwë et d'autres Viéras. Le Mabari s'étira et aboya.
-Je pense qu'il faudrait le nourrir, comprit Lifaën. Vu son état, il n'a pas dû manger depuis plusieurs jours.
Le hahren aquiesca mais n'apporta pas de nourriture. Ce serait par la suite que tout le monde mangerait et comme les Viéras traitaient les animaux d'égal à égal, il en serait de même pour le Mabari. Lifaën suivit le hahren lorsqu'il ouvrit la porte close de l'arbre. Dehors, tous les survivants étaient réunis autour du feu. Ils conversaient joyeusement, dansaient, chantaient. Certains jouaient de la harpe, du tambourin, ou de la flûte. Tous se turent lorsque le hahren leva la main.
-Mes amis, fit-il, aujourd'hui est un grand jour. Chacun de nous se souvient de la terrible nuit où les humains violèrent nos terres sacrées et massacrèrent beaucoup des nôtres. Calion, notre grand sage, décida d'envoyer l'un de nous en terre humaine afin de retrouver celui-qui-nous-a-fait. Alors que nous le croyions morts, il revient parmi nous, et avec lui, l'espoir que notre forêt ne s'épanouisse de nouveau.
D'un geste de la main, il désigna Lifaën. Ce-dernier s'avança sous le regard de tous les siens. Il commença à raconter la nuit qu'il passa loin de la forêt et la tristesse qu'il en éprouvait. Beaucoup de têtes se baissèrent. Il narra comment il avait trouvé des déserteurs qui tentaient d'attaquer un village et comment il les avait chassé. Puis, son voyage jusqu'à Nimong où il avait une piste pour retrouver l'Axe. Ses péripéties jusqu'au temple de l'air central ainsi que dans la ville passèrent plus rapidement. Il passa sous silence le fait que Versipelle ne soit en lui même s'il se doutait que le hahren le savait. De même, il ne dit rien de son affrontement avec l'Ombre dans l'Immatériel. Cela ne ferait que s'ajouter aux tensions déjà bien grandes. A la fin de son récit, un silence s'installa. Le hahren s'avança et prit la parole:
-Voyez mes frères ce que l'un des nôtres a dû supporter à cause de l'avarice des hommes. Maintenant jeune Lifaën, c'est à notre tour de te raconter comment nous avons survécu.
L'agitation fut perceptible au sein des Viéras. Peu d'entre eux voulaient faire rejaillir ces souvenirs douloureux.
-Peu après ton départ, commença Elenwë, nous nous sommes tous amassé autour du dernier Arbre Mère encore debout. Personne ne comprenait comment les humains avaient pénétré aussi rapidement en nos terres ni comment ils avaient pu briser les arcanes. Toujours est-il que nous avons organisé une défense dans le but de contrer les attaques humaines. Les éclaireurs nous rapportaient sans cesse que les chefs criaient à leurs soldats «Trouvez-là! Trouvez-là!» sans jamais pouvoir nous dire ce dont il s'agissait.
-Probablement leurs esprits étaient embrumé par on ne sait quel artifice, continua le hahren. Bientôt, tous nos efforts furent réduit à néant. Nous fûmes contraint de nous replier et de voir céder le dernier de nos Arbres.
Un voile de tristesse passa dans l'assemblée. Personne n'avait oublié.
-Les Anciens, trop liés à ces derniers, moururent et rejoignirent l'Immatériel. Nous quittâmes alors la forêt dans l'espoir de trouver refuge ailleurs et nous cachâmes dans les petites montagnes situées plus au loin. Les shemlens ne nous ont par poursuivi ce qui nous pousse à croire que ce n'était pas après nous qu'ils en voulaient. Nous sommes revenus il y a de cela deux semaines et avons commencé à rebâtir ce qui nous appartenait.
-Cependant, intervint Earän, lorsque je me promenais au limite de notre campement, j'y ai découvert que les shemlens étaient toujours présents. Ils s'étaient rassemblés autour de ruines que nous n'avions jamais vu auparavant....
Il s'interrompit après un bref regard lancé par le hahren.
Nous devrons parler de ça en privé Lifaën
Le Viéra opina du chef. Le hahren ouvrit alors ces bras en grands:
-Mais laissons-là ces sujets déplaisants. Nous avons l'un des nôtres qui est revenu. Fêtons cela comme il se doit !
Il frappa dans ses mains. Un groupe de Viéra se dispersa et revint les bras chargé de plateau en argent sur lesquelles étaient disposés des mets de toutes sortes. Salades de fruits, gâteaux de miels fourrés, tartes, tout ce dont on pouvait rêver. On avait du mal à imaginer que les Viéras venaient d'essuyer un tel échec vu la prestance avec laquelle ils avaient préparé ces plats. Elenwë passa à côté de Lifaën et l'entraina à sa suite avec un rire cristallin. Bientôt, ils furent entourés et la fête débuta. Un groupe de musicien commença un air de chanson et tous se mirent à danser ou chanter. Les plus calmes restaient assis à parler et à boire. Mais tous, sans exceptions passaient du bon temps. Une assiette géante fut disposée à l'écart, remplie d'une carcasse de sanglier. Le Mabari se rua dessus et s'empiffra de viande sous les regards amusés des Viéras. Lifaën fut bientôt prit dans un tourbillon de saveurs. Il perdit la notion du temps et de l'espace, il goutait à tous les plats, buvait avec tous le monde, chantait et dansait à tue-tête. Il en avait presque oublié le sens du mot «fête». A un moment de la soirée, alors qu'il était assis au sol, Elenwë lui demanda:
-Dis moi iëthallin, les humains ressemblent-il aux monstres que l'on raconte ?
-Tu n'en a jamais vu ? Je croyais pourtant qu'un camp s'était installé ici.
-Nous ne sommes jamais allez directement à leur rencontre. Seul leurs consciences nous assuraient de leurs présences.
Lifaën tenta de faire le point dans ses idées. C'étaient extrêmement difficile d'organiser ses pensées à pareil moment. Il se souvint de la première fois qu'il avait rencontré un humain, dans le petit village du Royaume de la Terre.
-Hé bien, répondit-il finalement, disons qu'ils n'en ont pas l'apparence.
Elenwë ria, ce qui provoqua l'hilarité parmi ceux qui écoutaient la conversation. La nuit passa ainsi, au rythme des instruments et des chants. La forêt semblait de nouveau s'éveiller et parfois, à l'ombre d'un arbre, Lifaën apercevait d'étranges animaux qui rodaient autour d'eux. Il ne s'en inquiéta pas. C'était monnaie courante de voir des animaux insolites dans cette forêt. Un peu plus tard, le Viéra décida de faire une pause. Il s'éloigna lentement de ses compagnons qui continuaient malgré tout à ripailler et s'assit sur une souche. Le Mabari le rejoignit peu de temps après et bailla, révélant une formidable rangée de dents, avant de s'affaler par terre.
-On dirait que je ne suis pas le seul à souffrir de la fête, plaisanta-t-il pour lui même.
Même sans boire une goutte d'alcool, on ressentait des effets secondaires d'une fête parmi les Viéras. D'ordinaire précautionneux en ce qui concerne leurs esprits, ils pouvaient rapidement abaisser leurs défenses mentales. Aussi, pour quelqu'un de tout à fait sobre, se retrouver prit dans tant d'émotions à pour effet d'amplifier les siennes et l'amener à son tour à être moins prudent. C'était un cercle vicieux. Et puis, Lifaën n'était plus habitué à autant de fluctuation d'énergie. Les échanges entre les Viéras et les arbres étaient d'une incroyable intensité. Plus encore lors d'une fête. Voilà pourquoi le Mabari ne se sentait probablement pas très bien, au même titre que son maître. Être un peu éloigné permettait de refaire le plein, pour mieux repartir généralement. Versipelle aussi semblait prendre du plaisir aux célébrations. Son énergie pulsait en Lifaën. Il avait du mal parfois à la contenir mais il s'y accoutumerait, pensait-il. Dans un élan de lucidité incroyable, il regarda le Mabari et déclara:
-Je crois que je t'ai trouvé un prénom.
L'animal releva la tête. Il semblait en effet comprendre le langage.
-Fenris. Je pense que c'est le nom qui convient.
Fen'ris signifiait «Crocs d'aciers». Sans savoir d'où il avait pu tirer un tel prénom, Lifaën avait conclut qu'il serait le plus adapté vu la taille de l'animal. Ce dernier aboya et se rendormi. Le Viéra quant à lui resta encore un peu assis et profita de ce moment de répit en écoutant la musique.
Le reste de la journée fut consacré au préparatif de la soirée. Les Viéras s'affairaient dans tous les sens, se rassemblant afin de préparer un feu et se dispersant pour chercher de la nourriture et des instruments de musique. L'intérieur de l'arbre vibrait comme un tambourin. Lifaën ne put cacher son excitation.
-Combien d'entre-nous on survécu? Se risqua-t-il.
-Quelques centaines. Guerre plus de deux-cents je le crains.
La joie du Viéra s'atténua passagèrement. Il espérait que plus était encore en vie.
-Et les Anciens, sont-il tous morts?
-Tu auras tes réponses ce soir da'len, répondit doucement le hahren. Pour l'heure, va te reposer.
En effet Lifaën était épuisé. Il avait déployé toute son énergie à la course pour venir jusqu'ici. Un peu de repos ne lui ferait pas de mal. Le hahren le convia dans une pièce à l'écart. Un lit l'attendait. A côté, une petite table de nuit avec une bougie. Rien d'extraordinaire mais c'était suffisant.
-J'enverrais quelqu'un te chercher quand tout sera près.
Et il le laissa seul avec le Mabari. Le Viéra retira son sac et son carquois et se déshabilla. Il resta torse-nu, profitant de se confort rudimentaire. Il posa Alastor contre le meuble pour s'en saisir rapidement en cas de besoin. Ses réflexes de survie n'avait pas disparu malgré le fait qu'il soit de nouveau parmi les siens. Il s'allongea sur le lit et s'endormit rapidement, bercé par la respiration calme de l'animal et par les chants des Viéras.
Une douce caresse le réveilla. Les yeux à demi-clos, il apercevait vaguement la forme d'une femme. Lorsqu'il ouvrit les yeux, la forme disparut. Il se redressa d'un bond. Personne dans la pièce et le Mabari ne semblait pas avoir vu quelqu'un. Lifaën se frotta les yeux. Décidément, son voyage l'avait vraiment atteint. On frappa à sa porte. Le Viéra reconnut Elenwë derrière la porte.
C'est bon je sais que tu m'a reconnu iëthallan, ria son ami. Viens on t'attend.
Sur sa table étaient disposés de nouveaux vêtements. Les siens étaient bien là mais il y en avait d'autre. Une tunique pourpre, un pantalon couleur écorce de pin, des bottes noires et une longue cape faite de feuille de chêne. Lifaën enfila le tout rapidement et sortit de sa chambre. Le hahren l'attendait accompagné par Elenwë et d'autres Viéras. Le Mabari s'étira et aboya.
-Je pense qu'il faudrait le nourrir, comprit Lifaën. Vu son état, il n'a pas dû manger depuis plusieurs jours.
Le hahren aquiesca mais n'apporta pas de nourriture. Ce serait par la suite que tout le monde mangerait et comme les Viéras traitaient les animaux d'égal à égal, il en serait de même pour le Mabari. Lifaën suivit le hahren lorsqu'il ouvrit la porte close de l'arbre. Dehors, tous les survivants étaient réunis autour du feu. Ils conversaient joyeusement, dansaient, chantaient. Certains jouaient de la harpe, du tambourin, ou de la flûte. Tous se turent lorsque le hahren leva la main.
-Mes amis, fit-il, aujourd'hui est un grand jour. Chacun de nous se souvient de la terrible nuit où les humains violèrent nos terres sacrées et massacrèrent beaucoup des nôtres. Calion, notre grand sage, décida d'envoyer l'un de nous en terre humaine afin de retrouver celui-qui-nous-a-fait. Alors que nous le croyions morts, il revient parmi nous, et avec lui, l'espoir que notre forêt ne s'épanouisse de nouveau.
D'un geste de la main, il désigna Lifaën. Ce-dernier s'avança sous le regard de tous les siens. Il commença à raconter la nuit qu'il passa loin de la forêt et la tristesse qu'il en éprouvait. Beaucoup de têtes se baissèrent. Il narra comment il avait trouvé des déserteurs qui tentaient d'attaquer un village et comment il les avait chassé. Puis, son voyage jusqu'à Nimong où il avait une piste pour retrouver l'Axe. Ses péripéties jusqu'au temple de l'air central ainsi que dans la ville passèrent plus rapidement. Il passa sous silence le fait que Versipelle ne soit en lui même s'il se doutait que le hahren le savait. De même, il ne dit rien de son affrontement avec l'Ombre dans l'Immatériel. Cela ne ferait que s'ajouter aux tensions déjà bien grandes. A la fin de son récit, un silence s'installa. Le hahren s'avança et prit la parole:
-Voyez mes frères ce que l'un des nôtres a dû supporter à cause de l'avarice des hommes. Maintenant jeune Lifaën, c'est à notre tour de te raconter comment nous avons survécu.
L'agitation fut perceptible au sein des Viéras. Peu d'entre eux voulaient faire rejaillir ces souvenirs douloureux.
-Peu après ton départ, commença Elenwë, nous nous sommes tous amassé autour du dernier Arbre Mère encore debout. Personne ne comprenait comment les humains avaient pénétré aussi rapidement en nos terres ni comment ils avaient pu briser les arcanes. Toujours est-il que nous avons organisé une défense dans le but de contrer les attaques humaines. Les éclaireurs nous rapportaient sans cesse que les chefs criaient à leurs soldats «Trouvez-là! Trouvez-là!» sans jamais pouvoir nous dire ce dont il s'agissait.
-Probablement leurs esprits étaient embrumé par on ne sait quel artifice, continua le hahren. Bientôt, tous nos efforts furent réduit à néant. Nous fûmes contraint de nous replier et de voir céder le dernier de nos Arbres.
Un voile de tristesse passa dans l'assemblée. Personne n'avait oublié.
-Les Anciens, trop liés à ces derniers, moururent et rejoignirent l'Immatériel. Nous quittâmes alors la forêt dans l'espoir de trouver refuge ailleurs et nous cachâmes dans les petites montagnes situées plus au loin. Les shemlens ne nous ont par poursuivi ce qui nous pousse à croire que ce n'était pas après nous qu'ils en voulaient. Nous sommes revenus il y a de cela deux semaines et avons commencé à rebâtir ce qui nous appartenait.
-Cependant, intervint Earän, lorsque je me promenais au limite de notre campement, j'y ai découvert que les shemlens étaient toujours présents. Ils s'étaient rassemblés autour de ruines que nous n'avions jamais vu auparavant....
Il s'interrompit après un bref regard lancé par le hahren.
Nous devrons parler de ça en privé Lifaën
Le Viéra opina du chef. Le hahren ouvrit alors ces bras en grands:
-Mais laissons-là ces sujets déplaisants. Nous avons l'un des nôtres qui est revenu. Fêtons cela comme il se doit !
Il frappa dans ses mains. Un groupe de Viéra se dispersa et revint les bras chargé de plateau en argent sur lesquelles étaient disposés des mets de toutes sortes. Salades de fruits, gâteaux de miels fourrés, tartes, tout ce dont on pouvait rêver. On avait du mal à imaginer que les Viéras venaient d'essuyer un tel échec vu la prestance avec laquelle ils avaient préparé ces plats. Elenwë passa à côté de Lifaën et l'entraina à sa suite avec un rire cristallin. Bientôt, ils furent entourés et la fête débuta. Un groupe de musicien commença un air de chanson et tous se mirent à danser ou chanter. Les plus calmes restaient assis à parler et à boire. Mais tous, sans exceptions passaient du bon temps. Une assiette géante fut disposée à l'écart, remplie d'une carcasse de sanglier. Le Mabari se rua dessus et s'empiffra de viande sous les regards amusés des Viéras. Lifaën fut bientôt prit dans un tourbillon de saveurs. Il perdit la notion du temps et de l'espace, il goutait à tous les plats, buvait avec tous le monde, chantait et dansait à tue-tête. Il en avait presque oublié le sens du mot «fête». A un moment de la soirée, alors qu'il était assis au sol, Elenwë lui demanda:
-Dis moi iëthallin, les humains ressemblent-il aux monstres que l'on raconte ?
-Tu n'en a jamais vu ? Je croyais pourtant qu'un camp s'était installé ici.
-Nous ne sommes jamais allez directement à leur rencontre. Seul leurs consciences nous assuraient de leurs présences.
Lifaën tenta de faire le point dans ses idées. C'étaient extrêmement difficile d'organiser ses pensées à pareil moment. Il se souvint de la première fois qu'il avait rencontré un humain, dans le petit village du Royaume de la Terre.
-Hé bien, répondit-il finalement, disons qu'ils n'en ont pas l'apparence.
Elenwë ria, ce qui provoqua l'hilarité parmi ceux qui écoutaient la conversation. La nuit passa ainsi, au rythme des instruments et des chants. La forêt semblait de nouveau s'éveiller et parfois, à l'ombre d'un arbre, Lifaën apercevait d'étranges animaux qui rodaient autour d'eux. Il ne s'en inquiéta pas. C'était monnaie courante de voir des animaux insolites dans cette forêt. Un peu plus tard, le Viéra décida de faire une pause. Il s'éloigna lentement de ses compagnons qui continuaient malgré tout à ripailler et s'assit sur une souche. Le Mabari le rejoignit peu de temps après et bailla, révélant une formidable rangée de dents, avant de s'affaler par terre.
-On dirait que je ne suis pas le seul à souffrir de la fête, plaisanta-t-il pour lui même.
Même sans boire une goutte d'alcool, on ressentait des effets secondaires d'une fête parmi les Viéras. D'ordinaire précautionneux en ce qui concerne leurs esprits, ils pouvaient rapidement abaisser leurs défenses mentales. Aussi, pour quelqu'un de tout à fait sobre, se retrouver prit dans tant d'émotions à pour effet d'amplifier les siennes et l'amener à son tour à être moins prudent. C'était un cercle vicieux. Et puis, Lifaën n'était plus habitué à autant de fluctuation d'énergie. Les échanges entre les Viéras et les arbres étaient d'une incroyable intensité. Plus encore lors d'une fête. Voilà pourquoi le Mabari ne se sentait probablement pas très bien, au même titre que son maître. Être un peu éloigné permettait de refaire le plein, pour mieux repartir généralement. Versipelle aussi semblait prendre du plaisir aux célébrations. Son énergie pulsait en Lifaën. Il avait du mal parfois à la contenir mais il s'y accoutumerait, pensait-il. Dans un élan de lucidité incroyable, il regarda le Mabari et déclara:
-Je crois que je t'ai trouvé un prénom.
L'animal releva la tête. Il semblait en effet comprendre le langage.
-Fenris. Je pense que c'est le nom qui convient.
Fen'ris signifiait «Crocs d'aciers». Sans savoir d'où il avait pu tirer un tel prénom, Lifaën avait conclut qu'il serait le plus adapté vu la taille de l'animal. Ce dernier aboya et se rendormi. Le Viéra quant à lui resta encore un peu assis et profita de ce moment de répit en écoutant la musique.
Lifaën- Age : 31
Messages : 23
Re: Chapitre 5 : La recherche de la Vérité
Vous croyiez vraiment que j'allais abandonner ? Nan mais sans rire. OMOMOM POSTAGE !
(jusqu'à 4:00, où le public applaudit quoi ...)
Après avoir passé dix bonnes minutes à se reposer, Lifaën décida de retourner s'amuser. Il se leva péniblement sous le regard de Fenris qui ne bougea pas et secoua ses cheveux blonds. Sa tête était encore un peu lourde mais il ne comptait pas passer sa soirée éloigné des siens. Pas aujourd'hui. Il s'apprêta à marcher lorsqu'il sentit une conscience derrière lui. Il se retourna vivement et aperçut à travers la pénombre une forme qui s'avançait. A mi-distance, une voix fit:
-Aneth ara Lifaën. Je suis contente de te savoir de retour.
Cette voix, le Viéra l'aurait reconnue entre mille. Il fit un pas en avant, hésitant:
-Melindë ?
La femme se découvrit totalement à la lumière d'une torche. C'était bien elle. Elle marcha dans sa direction et s'assit sur la souche. Lifaën fit de même. Pendant un temps, ni l'un ni l'autre ne parlait. Le jeune homme ne savait pas comment réagir. Cela faisait si longtemps qu'ils ne s'étaient pas vu. Melindë avait été son mentor pendant un temps avant de se retirer pour être la seconde du hahren. Elle avait été désignée pour être celle qui prendrait sa place le moment voulu. Pour l'heure, elle était trop jeune. Lifaën eut une question qui lui brulait la langue. Maintenant qu'ils étaient seuls, peut-être pourrait-il lever un mystère de plus.
-Sais-tu qui sont mes parents ?, demanda-t-il finalement.
La Viéra se tourna vers lui:
-Tu ne t'en souviens pas?
-Non, avoua-t-il. J'ai eu beau essayer, je n'ai vu que du noir.
Melindë baissa la tête. Lifaën avait vu juste, elle le savait. C'est pour ça que Versipelle lui avait montré une image de lui et d'Elenwë le consolant.
-Dans ce cas, répondit-elle, je ne te dirais rien.
La réponse le surpris autant que la fermeté avec laquelle elle l'avait dite.
-Pourquoi ? Qui a-t-il qui puisse m'être caché à ce point ? J'ai le droit de savoir qui était mes parents !
-Le principe n'est pas là, expliqua-t-elle, Si tu ne peux pas voir ton souvenir, c'est que tu l'a refoulé au point que ta mémoire refuse de le voir. Te le dire une seconde fois ne ferait qu'empirer les choses au vu de ta réaction.
Lifaën ne dit rien. C'était exactement ce qu'il avait déduit de sa rencontre avec Versipelle. Mais que même Melindë refuse de lui répondre ne faisait qu'ajouter à sa perplexité quant à la vérité concernant ses parents.
-Comment puis-je y avoir accès dans ce cas ? S'enquit-il.
-Il faut que tu trouves ton inhibition, que tu la combattes, et que tu la vainques. Ensuite seulement tu pourras voir ton souvenir, le comprendre, et l'accepter.
Les paroles étaient à ce point justes que Lifaën ne trouva rien à redire. Il avait seulement l'impression que le monde dans lequel il évoluait recelait tellement de secret, qu'il doutait parfois de la bonne foi des gens.
-Ta vie est un long chemin tortueux et difficile à arpenter Lifaën, fit-elle d'une voix douce. Je le ressens dans ta respiration. Je peux t'aider à ouvrir certaines portes, mais pas les franchir pour toi.
Melindë lui jeta un regard empli de compassion avant de se lever et de se diriger vers la fête. Lifaën préféra rester encore un peu. Ce qu'avait dit son ancien mentor était vrai, du moins de son point de vue. Il devait y arriver seul. Ce serait une preuve qu'il gagnerait en maturité. Une brise lui caressa le visage, lui apportant l'odeur de pin de Melindë.
-Tu l'aimes n'est-ce pas ? Fit une voix derrière lui.
Lifaën se retourna. Elenwë était appuyé contre un arbre, les bras croisés. Ses yeux noirs brillaient à la lumière de la flamme dansante. Le Viéra ne répondit pas, incertain de sa réponse. Son ami ria:
-Tu ferais mieux de te contrôler iëthallan. Tes émotions pulsent tellement fort de ton corps que je suis surpris qu'elle ne les ait pas encore ressenties.
Elenwë s'approcha et se plaça devant lui:
-Allez, ne fait pas cette tête. Cette soirée est ta soirée, profites-en. Tiens bois-ça.
Il lui tendit un gobelet de terre cuite. Le breuvage avait une odeur forte de baie et d'autres effluves enivrantes. Lifaën trempa ses lèvres et but une gorgée. Il eut l'impression qu'un feu liquide lui courrait dans la gorge.
-Qu'est-ce que c'est que ça ? S'étouffa-t-il
-Un peu fort hein ? C'est du Feywine, un nectar de jus de fleur mélangé avec du miel fermenté et un autre ingrédient que seul l'artisan connait. C'est ça qui te chatouille les papilles !
Lifaën se sentit tout à coup empli d'une nouvelle énergie. La boisson lui provoquait une agréable sensation de bien être. Une sorte de boule de chaleur s'était nichée au creux de son ventre.
-Il y en a encore une barrique pour toi si tu veux ! Allez viens t'amuser un peu !
Et il l'entraina de nouveau en plein cœur des festivités. Le Viéra ne croisa Melindë que quelques fois, cette dernière préférant rester avec le hahren à jouer d'un instrument. Tous les sens du Viéra était en éveil. Il sentait le parfum de la boisson, des plats multiples auxquelles il goutait même sans avoir faim, il voyait avec une netteté incroyable contrairement au début de la fête, il entendait les rires des siens, la musique enjouée, il frôlait la peau de nombre Viéras sans s'en soucier. Il lui semblait que la vie était enjouée. Le forêt battait au rythme des percutions, certains animaux inconnus, parfois mi-viéra mi autre chose, se joignaient à eux avant de repartir dans l'ombre. Certains évènements lui revenaient par flash lumineux, d'autres disparaissaient dans un trou noir avant de ressurgir discrètement. La nuit passa, et avec elle, l'énergie des Viéras. Bientôt, le nombre de participants diminua et ce fut au tour de Lifaën de quitter la fête. D'une démarche incertaine, il marcha vers sa chambre et s'étala sur son lit. Sa dernière vision était Fenris qui entrait à sa suite et qui s'allongeait.
Le lendemain, le Viéra ouvrit les yeux difficilement. Ses oreilles bourdonnaient encore de la musique de la veille et sa tête était lourde. Il avait l'impression d'avoir du plomb fondu dans le crâne. Lorsqu'il se redressa sur son lit, il fut prit de vertige et dut attendre un certain temps avant que cela ne cesse. Le Mabari était déjà réveillé et attendait patiemment devant la porte. Il était tout simplement magnifique avec son pelage gris-noir. Sur ses pattes, on pouvait croire à une nappe argentée brillante. Lifaën changea ses vêtements par de nouveaux disposés sur sa chaise et remarqua une lettre qu'il s'empressa d'ouvrir.
Rejoins-moi le plus vite possible dans mon bureau.
Surement devait-il s'agir du hahren. Le Viéra se leva en chancelant et agrippa un manteau de cachemire vert et ouvrit la porte. Personne n'était présent hormis deux Viéras qui gardaient ce qui devait être le bureau du hahren. Lifaën marcha vers eux et entra. La pièce était ronde et d'environ six mètres de diamètre. Au centre, un bureau ovale recouvert de parchemin ancien. Plusieurs étagères de-ci de-la. Au mur, plusieurs peintures représentant les grands évènements de la vie des Viéras. La découverte de la forêt, les premières maisons, la domestication des hahl, de grands cerf blanc aux bois d'airain. Le hahren était présent, ainsi que Earän, Melindë et Elenwë. Lifaën s'inclina.
-T'es-tu remis des célébrations da'len ? Demanda le Viéra à la chevelure d'argent.
-A peu près.
Il s'avança et remarqua que sur la table était disposé une carte de la forêt. Tout y était détaillé avec forces détails. La position des grandes maisons nobles, les arbres mères, et plus récemment, les ruines trouvées par les humains.
-Il est temps que je te parle plus avant de ces vestiges, décida le hahren.
Lifaën approuva.
-Mais avant de commencer, il faut que tu me dises tout ce que tu sais des humains.
Le Viéra afficha un air surpris. Pourquoi tant de volonté à en apprendre plus sur les hommes?
-Ce que je sais d'eux ne se résume qu'à se que j'en ai vu, hésita Lifaën.
-Cela suffira. Nous t'écoutons.
Le Viéra détailla ce qu'il savait des shemlens. Leur tailles semblables à celle des Viéras, leur absence de capacité à communiquer par pensées et aussi que certains d'entre eux pouvaient maitriser les éléments. Il expliqua aussi qu'ils s'intéressaient tout particulièrement à ce qu'ils nommaient «Vils», une monnaie qu'il fallait échanger contre des biens. Lorsqu'il sortit la bourse, le hahren l'ouvrit et saisit une pièce qu'il contempla d'un air soucieux:
-Les shemlens ont de bien curieuses inventions...
-Pourquoi vouloir savoir tout cela hahren ? s'insurgea Elenwë, Les shemlens ne sont que des êtres sans cœur. Inutile de tergiverser, qu'attendez-vous de nous ?
Melindë posa une main sur son épaule pour le calmer. La tension était presque palpable. Le hahren ne semblait pas avoir entendu, perdu dans ses pensées. Il se tourna vers l'elfe au cheveux jais:
-De ses ennemis le sage apprend bien des choses, disait Calion. Avant de partir au combat, il est bon de savoir qui va-t-on affronter.
Tout le monde fut surpris sauf Earän. Lifaën fut le seul à articuler une phrase:
-Vous ... vous voulez dire que ...
-Oui. Nous allons attaquer les humains dans notre forêt.
(jusqu'à 4:00, où le public applaudit quoi ...)
Après avoir passé dix bonnes minutes à se reposer, Lifaën décida de retourner s'amuser. Il se leva péniblement sous le regard de Fenris qui ne bougea pas et secoua ses cheveux blonds. Sa tête était encore un peu lourde mais il ne comptait pas passer sa soirée éloigné des siens. Pas aujourd'hui. Il s'apprêta à marcher lorsqu'il sentit une conscience derrière lui. Il se retourna vivement et aperçut à travers la pénombre une forme qui s'avançait. A mi-distance, une voix fit:
-Aneth ara Lifaën. Je suis contente de te savoir de retour.
Cette voix, le Viéra l'aurait reconnue entre mille. Il fit un pas en avant, hésitant:
-Melindë ?
La femme se découvrit totalement à la lumière d'une torche. C'était bien elle. Elle marcha dans sa direction et s'assit sur la souche. Lifaën fit de même. Pendant un temps, ni l'un ni l'autre ne parlait. Le jeune homme ne savait pas comment réagir. Cela faisait si longtemps qu'ils ne s'étaient pas vu. Melindë avait été son mentor pendant un temps avant de se retirer pour être la seconde du hahren. Elle avait été désignée pour être celle qui prendrait sa place le moment voulu. Pour l'heure, elle était trop jeune. Lifaën eut une question qui lui brulait la langue. Maintenant qu'ils étaient seuls, peut-être pourrait-il lever un mystère de plus.
-Sais-tu qui sont mes parents ?, demanda-t-il finalement.
La Viéra se tourna vers lui:
-Tu ne t'en souviens pas?
-Non, avoua-t-il. J'ai eu beau essayer, je n'ai vu que du noir.
Melindë baissa la tête. Lifaën avait vu juste, elle le savait. C'est pour ça que Versipelle lui avait montré une image de lui et d'Elenwë le consolant.
-Dans ce cas, répondit-elle, je ne te dirais rien.
La réponse le surpris autant que la fermeté avec laquelle elle l'avait dite.
-Pourquoi ? Qui a-t-il qui puisse m'être caché à ce point ? J'ai le droit de savoir qui était mes parents !
-Le principe n'est pas là, expliqua-t-elle, Si tu ne peux pas voir ton souvenir, c'est que tu l'a refoulé au point que ta mémoire refuse de le voir. Te le dire une seconde fois ne ferait qu'empirer les choses au vu de ta réaction.
Lifaën ne dit rien. C'était exactement ce qu'il avait déduit de sa rencontre avec Versipelle. Mais que même Melindë refuse de lui répondre ne faisait qu'ajouter à sa perplexité quant à la vérité concernant ses parents.
-Comment puis-je y avoir accès dans ce cas ? S'enquit-il.
-Il faut que tu trouves ton inhibition, que tu la combattes, et que tu la vainques. Ensuite seulement tu pourras voir ton souvenir, le comprendre, et l'accepter.
Les paroles étaient à ce point justes que Lifaën ne trouva rien à redire. Il avait seulement l'impression que le monde dans lequel il évoluait recelait tellement de secret, qu'il doutait parfois de la bonne foi des gens.
-Ta vie est un long chemin tortueux et difficile à arpenter Lifaën, fit-elle d'une voix douce. Je le ressens dans ta respiration. Je peux t'aider à ouvrir certaines portes, mais pas les franchir pour toi.
Melindë lui jeta un regard empli de compassion avant de se lever et de se diriger vers la fête. Lifaën préféra rester encore un peu. Ce qu'avait dit son ancien mentor était vrai, du moins de son point de vue. Il devait y arriver seul. Ce serait une preuve qu'il gagnerait en maturité. Une brise lui caressa le visage, lui apportant l'odeur de pin de Melindë.
-Tu l'aimes n'est-ce pas ? Fit une voix derrière lui.
Lifaën se retourna. Elenwë était appuyé contre un arbre, les bras croisés. Ses yeux noirs brillaient à la lumière de la flamme dansante. Le Viéra ne répondit pas, incertain de sa réponse. Son ami ria:
-Tu ferais mieux de te contrôler iëthallan. Tes émotions pulsent tellement fort de ton corps que je suis surpris qu'elle ne les ait pas encore ressenties.
Elenwë s'approcha et se plaça devant lui:
-Allez, ne fait pas cette tête. Cette soirée est ta soirée, profites-en. Tiens bois-ça.
Il lui tendit un gobelet de terre cuite. Le breuvage avait une odeur forte de baie et d'autres effluves enivrantes. Lifaën trempa ses lèvres et but une gorgée. Il eut l'impression qu'un feu liquide lui courrait dans la gorge.
-Qu'est-ce que c'est que ça ? S'étouffa-t-il
-Un peu fort hein ? C'est du Feywine, un nectar de jus de fleur mélangé avec du miel fermenté et un autre ingrédient que seul l'artisan connait. C'est ça qui te chatouille les papilles !
Lifaën se sentit tout à coup empli d'une nouvelle énergie. La boisson lui provoquait une agréable sensation de bien être. Une sorte de boule de chaleur s'était nichée au creux de son ventre.
-Il y en a encore une barrique pour toi si tu veux ! Allez viens t'amuser un peu !
Et il l'entraina de nouveau en plein cœur des festivités. Le Viéra ne croisa Melindë que quelques fois, cette dernière préférant rester avec le hahren à jouer d'un instrument. Tous les sens du Viéra était en éveil. Il sentait le parfum de la boisson, des plats multiples auxquelles il goutait même sans avoir faim, il voyait avec une netteté incroyable contrairement au début de la fête, il entendait les rires des siens, la musique enjouée, il frôlait la peau de nombre Viéras sans s'en soucier. Il lui semblait que la vie était enjouée. Le forêt battait au rythme des percutions, certains animaux inconnus, parfois mi-viéra mi autre chose, se joignaient à eux avant de repartir dans l'ombre. Certains évènements lui revenaient par flash lumineux, d'autres disparaissaient dans un trou noir avant de ressurgir discrètement. La nuit passa, et avec elle, l'énergie des Viéras. Bientôt, le nombre de participants diminua et ce fut au tour de Lifaën de quitter la fête. D'une démarche incertaine, il marcha vers sa chambre et s'étala sur son lit. Sa dernière vision était Fenris qui entrait à sa suite et qui s'allongeait.
Le lendemain, le Viéra ouvrit les yeux difficilement. Ses oreilles bourdonnaient encore de la musique de la veille et sa tête était lourde. Il avait l'impression d'avoir du plomb fondu dans le crâne. Lorsqu'il se redressa sur son lit, il fut prit de vertige et dut attendre un certain temps avant que cela ne cesse. Le Mabari était déjà réveillé et attendait patiemment devant la porte. Il était tout simplement magnifique avec son pelage gris-noir. Sur ses pattes, on pouvait croire à une nappe argentée brillante. Lifaën changea ses vêtements par de nouveaux disposés sur sa chaise et remarqua une lettre qu'il s'empressa d'ouvrir.
Rejoins-moi le plus vite possible dans mon bureau.
Surement devait-il s'agir du hahren. Le Viéra se leva en chancelant et agrippa un manteau de cachemire vert et ouvrit la porte. Personne n'était présent hormis deux Viéras qui gardaient ce qui devait être le bureau du hahren. Lifaën marcha vers eux et entra. La pièce était ronde et d'environ six mètres de diamètre. Au centre, un bureau ovale recouvert de parchemin ancien. Plusieurs étagères de-ci de-la. Au mur, plusieurs peintures représentant les grands évènements de la vie des Viéras. La découverte de la forêt, les premières maisons, la domestication des hahl, de grands cerf blanc aux bois d'airain. Le hahren était présent, ainsi que Earän, Melindë et Elenwë. Lifaën s'inclina.
-T'es-tu remis des célébrations da'len ? Demanda le Viéra à la chevelure d'argent.
-A peu près.
Il s'avança et remarqua que sur la table était disposé une carte de la forêt. Tout y était détaillé avec forces détails. La position des grandes maisons nobles, les arbres mères, et plus récemment, les ruines trouvées par les humains.
-Il est temps que je te parle plus avant de ces vestiges, décida le hahren.
Lifaën approuva.
-Mais avant de commencer, il faut que tu me dises tout ce que tu sais des humains.
Le Viéra afficha un air surpris. Pourquoi tant de volonté à en apprendre plus sur les hommes?
-Ce que je sais d'eux ne se résume qu'à se que j'en ai vu, hésita Lifaën.
-Cela suffira. Nous t'écoutons.
Le Viéra détailla ce qu'il savait des shemlens. Leur tailles semblables à celle des Viéras, leur absence de capacité à communiquer par pensées et aussi que certains d'entre eux pouvaient maitriser les éléments. Il expliqua aussi qu'ils s'intéressaient tout particulièrement à ce qu'ils nommaient «Vils», une monnaie qu'il fallait échanger contre des biens. Lorsqu'il sortit la bourse, le hahren l'ouvrit et saisit une pièce qu'il contempla d'un air soucieux:
-Les shemlens ont de bien curieuses inventions...
-Pourquoi vouloir savoir tout cela hahren ? s'insurgea Elenwë, Les shemlens ne sont que des êtres sans cœur. Inutile de tergiverser, qu'attendez-vous de nous ?
Melindë posa une main sur son épaule pour le calmer. La tension était presque palpable. Le hahren ne semblait pas avoir entendu, perdu dans ses pensées. Il se tourna vers l'elfe au cheveux jais:
-De ses ennemis le sage apprend bien des choses, disait Calion. Avant de partir au combat, il est bon de savoir qui va-t-on affronter.
Tout le monde fut surpris sauf Earän. Lifaën fut le seul à articuler une phrase:
-Vous ... vous voulez dire que ...
-Oui. Nous allons attaquer les humains dans notre forêt.
Dernière édition par Lifaën le Lun 15 Nov 2010 - 1:41, édité 1 fois
Lifaën- Age : 31
Messages : 23
Re: Chapitre 5 : La recherche de la Vérité
Les paroles résonnèrent dans la tête du jeune Viéra. Une guerre ? Après l'attaque de la forêt, une solution armée était de loin la pire des possibilités. Mais que le hahren ne veuille avoir recours à cette extrémité signifiait que toutes les autres avaient été épuisées.
-Avec le nombre que nous sommes ? Martela Elenwë, Nous courrons droit au massacre.
Earän fit un pas en avant et pointa la carte de ses doigts fins:
-Selon mes observations, les humains ne sont qu'une poignée. Ils se sont regroupés en cercle autour des ruines mais leurs rangs sont clairsemés. Nous n'aurons aucun mal à les forcer à capituler.
-Et après quoi ? S'exclama l'autre Viéra. D'autres viendront. Nous ne pourrons pas les contenir éternellement.
Lifaën était d'accord. Leur défaite en avait été la preuve. Même s'ils arrivaient à repousser les humains, d'autres pourraient très bien arriver en renfort. Cela ne pourrait que se terminer par une défaite du peuple de la forêt.
-Notre but est uniquement de fouiller ces ruines, souligna le hahren, Earän a détecté une très grande concentration d'énergie en son sein. De plus...
Ces yeux se baissèrent. Une expression de tristesse passa sur son visage. Earän l'encouragea en posant une main bienveillante sur son épaule. Le hahren releva la tête:
-Nous devons récupérer les Viéras que les humains ont enlevé.
Un frisson parcourut l'échine de Lifaën. Les shemlens avaient capturé des Viéras ? Dans quel but ?
-J'ignore pourquoi ils ont commis un tel acte, mais cela ne peut pas être décemment bon. Et ta sœur fait partie de ceux qu'ils ont emmené, Earän est formel sur ce point.
Le concerné approuva gravement. Cette fois-ci, ce fut l'horreur qui s'empara de son esprit. Il aurait préféré que Firiel n'ait péri plutôt que de rester avec ces humains. Qu'allait-il lui faire ? Sa tête bouillait sous les questions sans réponses qui se bousculaient dans sa tête. Au massacre les humains ajoutaient la séquestration. Il serra son poing si fort que ses articulations blanchirent.
-Quand partons-nous ? Demanda-t-il d'une voix froide.
-Dans une semaine, répondit Earän. Le temps de rassembler les hahl et de préparer les guerriers.
Lifaën s'inclina et sortit de la salle. Il était sur le point d'entrer dans sa chambre quand une main l'agrippa. Il se retourna et un frisson lui parcourut l'échine. Melindë le tenait fermement par le poignet et le força à la regarder dans les yeux:
-Pourquoi réagis-tu comme cela Lifaën ?
-Réagir comment ? Rétorqua-t-il. Parce que je suis parti sans dire au revoir ?
-Parce qu'avant, tu aurais répugné à l'idée d'ôter la vie à quelqu'un, même si cette personne a faire l'impensable. Alors que là...tu sembles prêt à les tuer jusqu'au dernier.
Le Viéra détourna les yeux. C'était vrai. Mais depuis peu, il avait des pulsions violentes qu'il avait de plus en plus de mal à contrôler. Et ce que le hahren lui avait dit ne faisait qu'empirer ces sentiments.
-C'est différent, éluda-t-il. Les humains ont dépassé ce que je pouvais imaginer. La forêt réclame vengeance. Je réclame vengeance. Je ne peux pas laisser ce qu'ils ont fait impuni.
-Tu serais prêt à abandonner ta nature par simple vengeance ?
Lifaën voulut partir mais Melindë serra plus fort. Elle attendait sa réponse. Il se tourna lentement vers elle et la regarda durement.
-Je suis prêt à faire ce qui est nécessaire pour protéger ce qui m'est cher.
Cette fois-ci, il réussit à se dégager en tirant violemment sur sa main et s'enferma dans sa chambre. Fenris leva la tête. Visiblement, il avait déjà entendu la discution. Lifaën l'ignora et s'assit sur son lit, et prit sa tête entre ses mains. C'était comme si un marteau frappait à chaque battement de son cœur, lui arrachant une grimace de souffrance. Était-ce l'Ombre ? Ou Versipelle ? Peut-être les deux ? Il n'en savait rien. Porter en lui un esprit et un Ombre était un lourd fardeau. Il devait luter à chaque instant pour que ni l'un, ni l'autre ne prenne le dessus sur lui. Il s'en voulait d'avoir parlé ainsi à Melindë. Son comportement était ridicule. De rage, il frappa le bord de son lit, provoquant un craquement sourd dans ses articulation. Il etouffa un cri de douleur en plongea la tête la première dans le matelas et se maudit d'avoir été aussi stupide. Il resta ainsi durant quelques instants, refusant de se mouvoir. Il craignit de s'être brisé un os mais réussi à bouger ses doigts. Au moins pensait-il, il avait les os plus solide qu'ils n'y paraissaient. Sa respiration se calma pour redevenir régulière. Lifaën tendit la main et attrapa un gâteau au miel sur sa table. Il croqua lentement dedans. Le sucré lui fit du bien. Il se massa l'autre main et la banda, humidifiant le linge avant de l'appliquer sur ses éraflures. Lorsqu'il eut finit de manger, il lança à l'attention du Mabari:
-Bon, il est temps pour toi d'avoir un petit-déjeuner.
L'animal se dressa sur ses pattes musclées et aboya. Il avait reçu le message. Lifaën se dirigea vers la sortie de l'arbre sans croiser personne. Dehors, les rares Viéras à l'extérieur vérifiaient la rigidité de leur arc ou s'entrainaient à jouer de l'épée. L'attaque avait donc belle et bien été planifiée. Le jeune homme traversa la place centrale et se retrouva bientôt en pleine forêt, Fenris à ses côtés. Il lui flatta le côté et l'animal s'élança avec une vitesse surprenante dans les bois. Le Viéra l'attendrait le temps qu'il n'ait fini.
Le lendemain, Lifaën se trouvait dans le bureau du hahren pour décider qui prendrait la tête des différentes parties des armées. Fenris était à ses côtés, en train de jouer avec un os du sanglier tué la veille. La concentration était à son maximum. Il fallait décider maintenant de comment organiser le peu de force disponible pour limiter le nombre de morts. Les informations recueillies par les éclaireurs ne laissaient que peu d'options. Les ruines avaient été entourées par des palissades construites à partir des arbres abattus lors de l'attaque. Le bois était d'excellente qualité. Aussi, il semblait que les hommes de TriAqua rassemblait des maîtres de toutes les nations. Après une attaque mentale sur les sentinelles, les Viéras avaient découvert que les captifs étaient retenus à l'intérieur même des ruines. Difficile donc de les approcher. Earän avait suggéré une diversion d'un côté tandis que le gros des forces attaqueraient à revers. Le hahren avait donné le commandement des troupes attirant l'attention des forces humaines à Elenwë tandis que le Viéra aveugle dirigerait le reste de l'armée. Lifaën s'était vu attribué le commandement des cavaliers afin de soutenir son ami. Il devait charger lorsque Elenwë et ses hommes auraient attirés les shemlens hors des ruines. Malgré sa réticence, Lifaën n'avait eu d'autre choix que d'accepter.
Le reste de la semaine passa lentement, au rythme des marteaux des forgerons et des bottes claquant sur le sol dur. Pour la seconde fois de sa vie, Lifaën voyait les siens dans un état d'agitation impressionnant. Tous était prêt à se battre, mais certains regrettaient d'avoir recours à une telle extrémité. Lui n'avait jamais participé à un combat tel que celui-ci. Il ne doutait pas de ses capacités, mais il ne pouvait s'empêcher de redouter ce qu'il allait se passer. Était-ce la bonne solution ? Il n'en savait rien.
La veille de l'attaque, il s'isola dans la forêt, seul. Il avait demandé à Fenris de rester dans sa chambre pour garder ses effets. Sur lui, il ne portait qu'une tunique marron et son arc. Soudain, il se releva, encocha une flèche, pivota sur lui même et banda son arc.
-Qui est-là?
Il n'arrivait pas à percevoir une conscience claire comme il en avait l'habitude. Cette dernière était disparate, comme masquée par un brouillard épais. Mais, n'importe qui fut la personne, elle n'avait pas pu tromper son ouïe. Il abaissa son arc lorsqu'il reconnu Melindë.
-Bon sang, souffla-t-il, ne me refait jamais une peur pareille.
La Viéra ne dit rien et s'assit à son côté. Elle semblait préoccupée. Lifaën la regarda avec insistance, attendant qu'elle ne présente la raison de sa venue. Après tout, il s'était volontairement éloigné du campement pour se poser des questions.
-Je ne voulais pas te déranger, s'excusa-t-elle, Il fallait juste que je parle à quelqu'un.
Le jeune homme leva un sourcil. C'était de loin la dernière chose à laquelle il s'attendait venant de sa part. Il attendit qu'elle ne termine ce qu'elle avait à dire. Comme elle ne parla pas, il s'étira et jeta une brindille au feu.
-Penses-tu que le hahren a pris la bonne décision en déclarant ouvertement un conflit avec les hommes ? Demanda-t-elle.
-Je crois qu'il a pris celle qui s'imposait vu les circonstances.
-Tu as sans doute raison.
Lifaën croisa les bras. Il essayait tant bien que mal de comprendre ce que Melindë venait faire ici. Après tout, ce n'était pas pour avoir une banale discution qu'elle était là. Il y avait autre chose et sa présence le mettait mal à l'aise. Comme toute les fois où ils se parlaient d'ailleurs.
-Pourtant, continua-t-elle, j'ai l'impression qu'il y a quelque chose d'autre. Jamais je n'aurai pensé en arriver à ce genre de cas de figure.
-Nous ne pouvons pas tout le temps être passif. Les shemlens ont fait une erreur en venant ici et il est temps pour eux de récolter ce qu'ils ont semé.
-Je comprends. Désolée pour tout à l'heure. Ce ne doit pas être simple pour toi ... avec ta soeur ... et ...
Melindë se tourna vers lui. L'expression de son visage était indéchiffrable. Lifaën détourna son visage et plongea son regard dans les flammes qui rongeaient petit à petit le bois. La Viéra posa une main tremblante sur son visage et le força à la regarder de nouveau. Ses yeux en amandes vertes semblaient miroiter la lumière du feu.
-Tâche simplement de revenir vivant.
Elle retira sa main et laissa Lifaën seul au milieu des bois. Lui n'avait pas bougé d'un pouce. Il était comme pétrifié. Sans comprendre pourquoi, il se sentait vidé de toutes ses forces, comme si il avait dû courir durant des heures. Il s'allongea sur le dos en soupirant et finit par tomber dans la rêverie qui remplaçait son sommeil en essayant de démêler les fils de son esprit.
Lifaën sortit de sa rêverie quatre heures après le départ de Melindë. Sa dernière phrase tournait encore dans sa tête. Doutait-elle de sa capacité à combattre ? Ou bien devait-il comprendre autre chose ? Il attendit volontairement que le soleil ne commence à descendre dans le ciel pour partir vers les habitations. Quand il arriva, tous les Viéras étaient prêt, les hahl arnachés. Lifaën les ignora et se dirigea vers sa chambre. Il nota qu'avec ses affaires étaient disposés quelques protections supplémentaires. Rien de bien extravagants toutefois. Il se dévêtit pour enfiler la totalité de son équipement. A son accoutrement noir il ajouta des épaulières de cuir et des gantelets pour protéger le haut de ses mains et de ses poignets. Son torse serait protégé par la cotte de maille qu'il portait toujours. Lorsqu'il voulut sortir, Fenris aboya. Lifaën se retourna et remarqua que le Mabari était assis devant des pièces d'armures aussi imposantes que lui. Il entreprit alors de lui enfiler ce que les siens lui avait gracieusement offert. Une plaque de métal sur la tête qui laissait la mâchoire libre de claquer, et une sorte de carapace que Lifaën dû passer tout autour de l'animal. Elle recouvrait le ventre et le dos de l'animal en laissant les pattes libres de leurs mouvements, ces dernières ne possédant qu'une légère protection. Sur le dos, une crête de piquant partait de l'arrière de la tête du Mabari pour s'arrêter à un endroit creux, fait uniquement de cuir. Sur le côté pendait deux étriers. Fenris jappa joyeusement. Même s'il avait déjà chevauché un hahl, monter sur un Mabari serait totalement différent. Soupirant, il ouvrit la porte, son compagnon le suivant dans des cliquetis métalliques hypnotisant. L'attendait le hahren, Elenwë ainsi que Melindë. Tous trois portaient une armure complète de cuir renforcé couleur hêtre avec une longue cape cendrée. Armés d'une épée et d'un arc, ils dégageaient une grande puissance. Lifaën marcha vers eux et s'inclina.
-Je vois que tu portes les quelques pièces que nous t'avons donné à toi ainsi qu'à ton Mabari, constata le hahren
-Je vous remercie.
Le hahren les invita à le suivre dehors où attendait les troupes. Il ouvrit la porte et tous les regards se tournèrent vers eux. L'heure était venue. Ils allaient enfin pouvoir faire payer aux humains. Le Viéra aux cheveux d'argent déclara d'une voix ferme:
-Mes amis, ce soir nous allons partir en guerre. Ce n'est pas sans une certaine appréhension que j'ai pris cette décision. Si jamais je venais à succomber sous les coups de l'ennemi, j'ai désigné Melindë pour prendre ma place.
Comme si elle s'y attendait, la principale intéressée s'avança d'un pas. En signe d'approbation les Viéras baissèrent leurs têtes. Lifaën eut du mal à se retenir de contester cette décision mais il s'abstint. Le situation exigeait que même si le successeur du hahren n'avait pas l'âge requis, il devait accomplir son devoir.
-Maintenant, marchons vers notre destin et que Versipelle nous sourisse.
Sur cette dernière phrase, Lifaën frémit. Il n'allait pas laisser cours à l'instinct de la Forêt, même s'il s'agissait de Versipelle. Sa puissance serait trop grande. Les troupes pivotèrent et la marche vers les ruines commença. Le Viéra se mit en selle sur Fenris. Ce dernier ne put cacher son contentement par un braillement de joie. Il se mit en tête des chevaucheurs de hahl et suivit le reste des siens.
-Avec le nombre que nous sommes ? Martela Elenwë, Nous courrons droit au massacre.
Earän fit un pas en avant et pointa la carte de ses doigts fins:
-Selon mes observations, les humains ne sont qu'une poignée. Ils se sont regroupés en cercle autour des ruines mais leurs rangs sont clairsemés. Nous n'aurons aucun mal à les forcer à capituler.
-Et après quoi ? S'exclama l'autre Viéra. D'autres viendront. Nous ne pourrons pas les contenir éternellement.
Lifaën était d'accord. Leur défaite en avait été la preuve. Même s'ils arrivaient à repousser les humains, d'autres pourraient très bien arriver en renfort. Cela ne pourrait que se terminer par une défaite du peuple de la forêt.
-Notre but est uniquement de fouiller ces ruines, souligna le hahren, Earän a détecté une très grande concentration d'énergie en son sein. De plus...
Ces yeux se baissèrent. Une expression de tristesse passa sur son visage. Earän l'encouragea en posant une main bienveillante sur son épaule. Le hahren releva la tête:
-Nous devons récupérer les Viéras que les humains ont enlevé.
Un frisson parcourut l'échine de Lifaën. Les shemlens avaient capturé des Viéras ? Dans quel but ?
-J'ignore pourquoi ils ont commis un tel acte, mais cela ne peut pas être décemment bon. Et ta sœur fait partie de ceux qu'ils ont emmené, Earän est formel sur ce point.
Le concerné approuva gravement. Cette fois-ci, ce fut l'horreur qui s'empara de son esprit. Il aurait préféré que Firiel n'ait péri plutôt que de rester avec ces humains. Qu'allait-il lui faire ? Sa tête bouillait sous les questions sans réponses qui se bousculaient dans sa tête. Au massacre les humains ajoutaient la séquestration. Il serra son poing si fort que ses articulations blanchirent.
-Quand partons-nous ? Demanda-t-il d'une voix froide.
-Dans une semaine, répondit Earän. Le temps de rassembler les hahl et de préparer les guerriers.
Lifaën s'inclina et sortit de la salle. Il était sur le point d'entrer dans sa chambre quand une main l'agrippa. Il se retourna et un frisson lui parcourut l'échine. Melindë le tenait fermement par le poignet et le força à la regarder dans les yeux:
-Pourquoi réagis-tu comme cela Lifaën ?
-Réagir comment ? Rétorqua-t-il. Parce que je suis parti sans dire au revoir ?
-Parce qu'avant, tu aurais répugné à l'idée d'ôter la vie à quelqu'un, même si cette personne a faire l'impensable. Alors que là...tu sembles prêt à les tuer jusqu'au dernier.
Le Viéra détourna les yeux. C'était vrai. Mais depuis peu, il avait des pulsions violentes qu'il avait de plus en plus de mal à contrôler. Et ce que le hahren lui avait dit ne faisait qu'empirer ces sentiments.
-C'est différent, éluda-t-il. Les humains ont dépassé ce que je pouvais imaginer. La forêt réclame vengeance. Je réclame vengeance. Je ne peux pas laisser ce qu'ils ont fait impuni.
-Tu serais prêt à abandonner ta nature par simple vengeance ?
Lifaën voulut partir mais Melindë serra plus fort. Elle attendait sa réponse. Il se tourna lentement vers elle et la regarda durement.
-Je suis prêt à faire ce qui est nécessaire pour protéger ce qui m'est cher.
Cette fois-ci, il réussit à se dégager en tirant violemment sur sa main et s'enferma dans sa chambre. Fenris leva la tête. Visiblement, il avait déjà entendu la discution. Lifaën l'ignora et s'assit sur son lit, et prit sa tête entre ses mains. C'était comme si un marteau frappait à chaque battement de son cœur, lui arrachant une grimace de souffrance. Était-ce l'Ombre ? Ou Versipelle ? Peut-être les deux ? Il n'en savait rien. Porter en lui un esprit et un Ombre était un lourd fardeau. Il devait luter à chaque instant pour que ni l'un, ni l'autre ne prenne le dessus sur lui. Il s'en voulait d'avoir parlé ainsi à Melindë. Son comportement était ridicule. De rage, il frappa le bord de son lit, provoquant un craquement sourd dans ses articulation. Il etouffa un cri de douleur en plongea la tête la première dans le matelas et se maudit d'avoir été aussi stupide. Il resta ainsi durant quelques instants, refusant de se mouvoir. Il craignit de s'être brisé un os mais réussi à bouger ses doigts. Au moins pensait-il, il avait les os plus solide qu'ils n'y paraissaient. Sa respiration se calma pour redevenir régulière. Lifaën tendit la main et attrapa un gâteau au miel sur sa table. Il croqua lentement dedans. Le sucré lui fit du bien. Il se massa l'autre main et la banda, humidifiant le linge avant de l'appliquer sur ses éraflures. Lorsqu'il eut finit de manger, il lança à l'attention du Mabari:
-Bon, il est temps pour toi d'avoir un petit-déjeuner.
L'animal se dressa sur ses pattes musclées et aboya. Il avait reçu le message. Lifaën se dirigea vers la sortie de l'arbre sans croiser personne. Dehors, les rares Viéras à l'extérieur vérifiaient la rigidité de leur arc ou s'entrainaient à jouer de l'épée. L'attaque avait donc belle et bien été planifiée. Le jeune homme traversa la place centrale et se retrouva bientôt en pleine forêt, Fenris à ses côtés. Il lui flatta le côté et l'animal s'élança avec une vitesse surprenante dans les bois. Le Viéra l'attendrait le temps qu'il n'ait fini.
Le lendemain, Lifaën se trouvait dans le bureau du hahren pour décider qui prendrait la tête des différentes parties des armées. Fenris était à ses côtés, en train de jouer avec un os du sanglier tué la veille. La concentration était à son maximum. Il fallait décider maintenant de comment organiser le peu de force disponible pour limiter le nombre de morts. Les informations recueillies par les éclaireurs ne laissaient que peu d'options. Les ruines avaient été entourées par des palissades construites à partir des arbres abattus lors de l'attaque. Le bois était d'excellente qualité. Aussi, il semblait que les hommes de TriAqua rassemblait des maîtres de toutes les nations. Après une attaque mentale sur les sentinelles, les Viéras avaient découvert que les captifs étaient retenus à l'intérieur même des ruines. Difficile donc de les approcher. Earän avait suggéré une diversion d'un côté tandis que le gros des forces attaqueraient à revers. Le hahren avait donné le commandement des troupes attirant l'attention des forces humaines à Elenwë tandis que le Viéra aveugle dirigerait le reste de l'armée. Lifaën s'était vu attribué le commandement des cavaliers afin de soutenir son ami. Il devait charger lorsque Elenwë et ses hommes auraient attirés les shemlens hors des ruines. Malgré sa réticence, Lifaën n'avait eu d'autre choix que d'accepter.
Le reste de la semaine passa lentement, au rythme des marteaux des forgerons et des bottes claquant sur le sol dur. Pour la seconde fois de sa vie, Lifaën voyait les siens dans un état d'agitation impressionnant. Tous était prêt à se battre, mais certains regrettaient d'avoir recours à une telle extrémité. Lui n'avait jamais participé à un combat tel que celui-ci. Il ne doutait pas de ses capacités, mais il ne pouvait s'empêcher de redouter ce qu'il allait se passer. Était-ce la bonne solution ? Il n'en savait rien.
La veille de l'attaque, il s'isola dans la forêt, seul. Il avait demandé à Fenris de rester dans sa chambre pour garder ses effets. Sur lui, il ne portait qu'une tunique marron et son arc. Soudain, il se releva, encocha une flèche, pivota sur lui même et banda son arc.
-Qui est-là?
Il n'arrivait pas à percevoir une conscience claire comme il en avait l'habitude. Cette dernière était disparate, comme masquée par un brouillard épais. Mais, n'importe qui fut la personne, elle n'avait pas pu tromper son ouïe. Il abaissa son arc lorsqu'il reconnu Melindë.
-Bon sang, souffla-t-il, ne me refait jamais une peur pareille.
La Viéra ne dit rien et s'assit à son côté. Elle semblait préoccupée. Lifaën la regarda avec insistance, attendant qu'elle ne présente la raison de sa venue. Après tout, il s'était volontairement éloigné du campement pour se poser des questions.
-Je ne voulais pas te déranger, s'excusa-t-elle, Il fallait juste que je parle à quelqu'un.
Le jeune homme leva un sourcil. C'était de loin la dernière chose à laquelle il s'attendait venant de sa part. Il attendit qu'elle ne termine ce qu'elle avait à dire. Comme elle ne parla pas, il s'étira et jeta une brindille au feu.
-Penses-tu que le hahren a pris la bonne décision en déclarant ouvertement un conflit avec les hommes ? Demanda-t-elle.
-Je crois qu'il a pris celle qui s'imposait vu les circonstances.
-Tu as sans doute raison.
Lifaën croisa les bras. Il essayait tant bien que mal de comprendre ce que Melindë venait faire ici. Après tout, ce n'était pas pour avoir une banale discution qu'elle était là. Il y avait autre chose et sa présence le mettait mal à l'aise. Comme toute les fois où ils se parlaient d'ailleurs.
-Pourtant, continua-t-elle, j'ai l'impression qu'il y a quelque chose d'autre. Jamais je n'aurai pensé en arriver à ce genre de cas de figure.
-Nous ne pouvons pas tout le temps être passif. Les shemlens ont fait une erreur en venant ici et il est temps pour eux de récolter ce qu'ils ont semé.
-Je comprends. Désolée pour tout à l'heure. Ce ne doit pas être simple pour toi ... avec ta soeur ... et ...
Melindë se tourna vers lui. L'expression de son visage était indéchiffrable. Lifaën détourna son visage et plongea son regard dans les flammes qui rongeaient petit à petit le bois. La Viéra posa une main tremblante sur son visage et le força à la regarder de nouveau. Ses yeux en amandes vertes semblaient miroiter la lumière du feu.
-Tâche simplement de revenir vivant.
Elle retira sa main et laissa Lifaën seul au milieu des bois. Lui n'avait pas bougé d'un pouce. Il était comme pétrifié. Sans comprendre pourquoi, il se sentait vidé de toutes ses forces, comme si il avait dû courir durant des heures. Il s'allongea sur le dos en soupirant et finit par tomber dans la rêverie qui remplaçait son sommeil en essayant de démêler les fils de son esprit.
Lifaën sortit de sa rêverie quatre heures après le départ de Melindë. Sa dernière phrase tournait encore dans sa tête. Doutait-elle de sa capacité à combattre ? Ou bien devait-il comprendre autre chose ? Il attendit volontairement que le soleil ne commence à descendre dans le ciel pour partir vers les habitations. Quand il arriva, tous les Viéras étaient prêt, les hahl arnachés. Lifaën les ignora et se dirigea vers sa chambre. Il nota qu'avec ses affaires étaient disposés quelques protections supplémentaires. Rien de bien extravagants toutefois. Il se dévêtit pour enfiler la totalité de son équipement. A son accoutrement noir il ajouta des épaulières de cuir et des gantelets pour protéger le haut de ses mains et de ses poignets. Son torse serait protégé par la cotte de maille qu'il portait toujours. Lorsqu'il voulut sortir, Fenris aboya. Lifaën se retourna et remarqua que le Mabari était assis devant des pièces d'armures aussi imposantes que lui. Il entreprit alors de lui enfiler ce que les siens lui avait gracieusement offert. Une plaque de métal sur la tête qui laissait la mâchoire libre de claquer, et une sorte de carapace que Lifaën dû passer tout autour de l'animal. Elle recouvrait le ventre et le dos de l'animal en laissant les pattes libres de leurs mouvements, ces dernières ne possédant qu'une légère protection. Sur le dos, une crête de piquant partait de l'arrière de la tête du Mabari pour s'arrêter à un endroit creux, fait uniquement de cuir. Sur le côté pendait deux étriers. Fenris jappa joyeusement. Même s'il avait déjà chevauché un hahl, monter sur un Mabari serait totalement différent. Soupirant, il ouvrit la porte, son compagnon le suivant dans des cliquetis métalliques hypnotisant. L'attendait le hahren, Elenwë ainsi que Melindë. Tous trois portaient une armure complète de cuir renforcé couleur hêtre avec une longue cape cendrée. Armés d'une épée et d'un arc, ils dégageaient une grande puissance. Lifaën marcha vers eux et s'inclina.
-Je vois que tu portes les quelques pièces que nous t'avons donné à toi ainsi qu'à ton Mabari, constata le hahren
-Je vous remercie.
Le hahren les invita à le suivre dehors où attendait les troupes. Il ouvrit la porte et tous les regards se tournèrent vers eux. L'heure était venue. Ils allaient enfin pouvoir faire payer aux humains. Le Viéra aux cheveux d'argent déclara d'une voix ferme:
-Mes amis, ce soir nous allons partir en guerre. Ce n'est pas sans une certaine appréhension que j'ai pris cette décision. Si jamais je venais à succomber sous les coups de l'ennemi, j'ai désigné Melindë pour prendre ma place.
Comme si elle s'y attendait, la principale intéressée s'avança d'un pas. En signe d'approbation les Viéras baissèrent leurs têtes. Lifaën eut du mal à se retenir de contester cette décision mais il s'abstint. Le situation exigeait que même si le successeur du hahren n'avait pas l'âge requis, il devait accomplir son devoir.
-Maintenant, marchons vers notre destin et que Versipelle nous sourisse.
Sur cette dernière phrase, Lifaën frémit. Il n'allait pas laisser cours à l'instinct de la Forêt, même s'il s'agissait de Versipelle. Sa puissance serait trop grande. Les troupes pivotèrent et la marche vers les ruines commença. Le Viéra se mit en selle sur Fenris. Ce dernier ne put cacher son contentement par un braillement de joie. Il se mit en tête des chevaucheurs de hahl et suivit le reste des siens.
Lifaën- Age : 31
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Re: Chapitre 5 : La recherche de la Vérité
La guerre. Une étrange situation. La plupart du temps, on faisait la guerre pour des territoires, des biens, et plus rarement pour des personnes. Pourtant, la guerre avait ceci de bon qu'elle resserrait les liens entre les hommes. Il en était totalement différents pour les Viéras. Lifaën ne connaissait aucun évènements qui faisait état d'une guerre ayant déjà impliquée directement ce peuple pacifique. Leur respect de la vie était trop grand pour oser l'ôter à un être vivant. Pourtant, ils marchaient. Ils partaient tous en guerre, au combat, en un lieu qui sera peut-être le dernier pour certains d'entre eux, peut-être lui. Ils partaient pour défendre le peu qu'ils le restaient. C'est précisément ceci qui rendait les Viéras dangereux. Plus encore que leurs facultés particulières, le fait qu'ils n'aient plus rien à perdre les rendaient déterminés. Ce que redoutait le plus Lifaën, c'était les conséquences d'un tel acte. Désormais, tous s'affichaient au monde, au regard méprisant des humains qui souillaient le monde. Peut-être une coalition naitrait-elle de cette escapade armée, entrainant de ce fait la fin totale des Viéras. Les humains ne resteraient assurément passifs. Ils enverraient d'autres troupes. Le seul moyen de leur échapper était de retourner dans «leur» monde, celui duquel ils venaient selon Hermès. Les Anciens se trompaient-ils donc en affirmant qu'un Axe les avaient crée ? Ou alors savaient-ils la vérité mais était-elle trop dure à supporter, trop complexe à imaginer ? Lifaën tenta de faire le vide dans son esprit. Sa nature le poussait sans cesse à se poser des questions, à chercher un semblant de vérité dans ce monde, et pourtant, il savait que cela ne faisait qu'ajouter à son inconfort personnel. Il talonna légèrement Fenris et se plaça au côté du hahren. Ce dernier, lui aussi plongé dans ses réflexions, n'avait pas vu le jeune Viéra avant qu'il ne lui pose une question :
-Hahren, existe-t-il d'autres mondes à part le nôtre ?
Le hahren cligna des yeux plusieurs fois comme pour chasser une poussière incrustée dans le coin de l'œil et se tourna vers Lifaën qui attendait toujours sa réponse :
-Pourquoi cette question da'len ?
-Hé bien, hésita-t-il, je n'ai jamais eu le sentiment que nous soyons … d'ici. Les humains ne nous ressemblent pas vraiment et il n'y a nulle trace de Viéras alors j'ai pensé que peut-être …
-Que peut-être d'autres mondes que celui-ci existait ?
Lifaën approuva d'un signe de la tête. Il préférait taire que cette révélation lui venait d'Hermès afin de juger de la réponse du hahren. Surement savait-il quelque chose.
-Ce pourrait être une explication à l'attaque des humains. S'ils cherchaient un passage vers les autres mondes, alors peut-être que cette forêt abrite-t-elle un passage …
-Mais comment sommes-nous arrivés ici ? S'enquit Lifaën.
C'était une simple question qui s'imposait d'elle même. De tels passages sous-entendaient forcément qu'ils étaient bien gardés. Alors que seulement une poignée de Viéras puissent les traverser ne pouvait pas être du au hasard.
-Surement par accident, répondit le Viéras aux cheveux d'argent. Un passage à du être ouvert par inadvertance et les plus vieux d'entre nous l'ont peut-être emprunté.
Lifaën resta silencieux. Alors, les Axes n'étaient pas leur origine. Ils seraient tous natifs d'une autre terre et sans le savoir, ils auraient émergés ici ? «Ces gens ne peuvent pas tous se leurrer ...» pensa-t-il avec amertume. Lui même s'était toujours plu à se penser différent des humains depuis qu'il les avait rencontrés. Mais le fait de comprendre qu'ils pouvaient tous provenir d'autre part était déroutant. A ce point même que cela signifiait remettre en question une foule de savoir et de coutumes. Après tout, cela ne voulait-il pas dire que les «vrais» Viéras se trouvaient quelque part et qu'ils attendaient le retour de ceux qui étaient partis ? Et puis, comment plusieurs mondes pouvaient cohabiter ? L'équilibre entre eux pouvait être détruit en un battement de cil. De telles perspectives maintinrent longtemps Lifaën en profonde méditation. Il n'arrivait pas à le concevoir tellement c'en était saugrenu. Il n'en avait pas même remarqué que plus il avançait, et plus les espaces entre les arbres étaient marqués. Leurs troncs étaient moins larges, leurs branches moins ramifiées et moins couvertes de feuille. Les Viéras constataient se spectacle non sans cacher leur colère, certains allant même jusqu'à insulter les hommes dans leur langue natale. La troupe s'arrêta en un endroit où aucun arbre ne poussait. Seul un rocher était dressé au milieu d'un cercle d'herbe verte, ceinturé par de rares hêtres encore debout. Earän qui était à la tête de l'armée se tourna vers le hahren et fit un signe de la tête.
-A partir de maintenant, dit le hahren, nous nous séparons. Vous serez seuls maîtres de vos destins. Accomplissez votre devoir avec fierté !
Les Viéras baissèrent la tête et les troupes se séparent en deux groupes. Le plus important, dirigé par Earän et le hahren prit la direction du sud-est afin de contourner la palissade. L'autre continua sa route afin de jouer le rôle d'appât. La colonne de cavaliers serra les rangs derrière Lifaën et Elenwë ordonna la remise en marche. Le jeune Viéra sentit le poids des responsabilités sur ses épaules. Il n'avait jamais eu pour autre soucis que lui même, et ce voir confier la vie d'autrui le mettait mal à l'aise. Il savait qu'une directive mal donnée ou une erreur d'exécution pouvait couter la vie à tous les Viéras. La pression du combat venant s'ajouter à ceci, Lifaën n'était plus vraiment sur de vouloir partir en guerre. Ce n'était pas pour lui. Il n'était pas fait pour ça, même s'il tentait de puiser en la perspective de sauver sa sœur la force nécessaire pour avancer.
Durant une heure, il remua ses sombres pensées, ne faisant même plus attention à ce qui l'entourait. Parfois quand certains soldats venaient lui parler, il répondait évasivement, voire pas du tout. Son attitude maussade n'échappa pas à Melindë qui s'approcha de lui :
-Quelque chose te tracasse ? Lui demanda-t-elle.
-Rien ... Ce n'est rien … Un peu de fatigue je suppose.
-Lifaën, reprit-elle doucement, je sais quand tu ne vas pas bien. Et c'est précisément ce qu'il se passe en ce moment.
Lifaën ne répondit pas immédiatement. C'était vrai et il le savait. Il savait que pour survivre, il fallait avoir recours aux extrémités les plus drastiques, mais il était loin de s'imaginer à chevaucher pour partir en guerre avec les siens. Et puis il croulait de plus en plus sous les responsabilités. Il était assailli de toute part. La guerre, Versipelle, sans compter l'Ombre et le combat qui se passait à l'intérieur de lui-même.
-C'est une évidence non ?, lâcha-t-il dans un accès de colère, Je croyais que je pourrais trouver la force de me battre avec ce qu'il est arrivé à Firiel, mais je m'apperçois que je ne suis pas fait pour la guerre … Je n'arrive pas à voir la fin de tout ceci. Je suis juste dépassé par …
Il s'interrompit. Sans s'en apercevoir, il avait crié à plein poumon, éveillant la curiosité des soldats l'entourant. Melindë avait posé une main douce sur sa joue pour le réconforter :
-Je suis soulagée que tu n'aies pas oublié nos principes, fit-elle en tentant de le calmer, Mais tu te souviens de ce que tu m'as dit l'autre jour ? J'y ai réfléchi et je pense comme toi que les shems doivent récolter ce qu'ils ont semé. Chacun de nous sait ce qui lui en coute de tuer, mais nous faisons partis d'un tout et nous nous battons pour ce tout. Il ne s'agit plus seulement d'une seule personne, mais d'une entité toute entière qu'il faut protéger, tu comprends ?
Lifaën ne trouva rien à redire. Elle faisait surement référence à ce qu'il s'était passé juste après la décision du hahren, où il avait affirmer pouvoir briser ce qu'il était uniquement par soif de vengeance. C'était un but égoïste. La Forët transcendait l'ensemble des Viéras et c'était en son nom que la guerre allait être menée. Cette perspective le réconforta quelque peu. Peut-être avait-il enfin trouvé la justification qu'il lui fallait pour se battre. Il baissa légèrement la tête :
-Tu as raison comme toujours. Je ne devrais pas me laisser emporter par mes sentiments, c'est ridicule.
-Il faudrait que tu sois de marbre pour ne rien éprouver.
-Pourtant, les nôtre cachent …
-Exactement, l'interrompit Melindë, Nous sommes passés maître dans l'art de dissimuler nos pensées et nos émotions. Mais cela ne signifie pas que nous en somme totalement dénués.
Elle se détourna, visiblement gênée d'en avoir tant dit et laissa Lifaën réfléchir sur ses paroles. Le jeune Viéra jouait nerveusement avec une touffe de poils rebelles de Fenris. Il était toujours aussi qu'un animal aussi noble ait pu décider de le choisir lui, surement le plus jeune d'entre les Viéras désormais. «Dommage que tu ne puisses pas parler ...» Même si les Mabari était une race très intelligente, leur apprendre totalement une langue relevait de la folie. Cependant, Lifaën ne pouvait cesser de penser que Fenris comprenait ce qu'il disait. Sans répondre, il se contentait de boire ses paroles.
-J'espère que tu comptes tout lui dire avant le début du combat !
La voix familière d'Elenwë le fit revenir à lui. Le Viéra à la chevelure brune trotta à son côté, un sourire béat flottant sur son visage.
-Quoi ?
-Allons iëthallan, si tu meurs sans lui avoir déclaré ta flamme, tu t'en mordras les doigts dans l'Après !
L'Après, comme l'appelait Elenwë, était l'autre nom donné à l'Immatériel. Ce terme était plutôt usité par les Anciens, qui voyait l'Immatériel comme la suite de la vie physique.
-C'est … c'est ridicule, bafouilla Lifaën, je ne suis pas … amoureux !
-Je te l'ai dit non ? Ria de bon cœur son ami, ça crève les yeux. Il émane de telle pulsion de ton corps que toute la Forêt semble répondre à ton appel.
Fenris aboya joyeusement. Lui aussi semblait être sensible à l'aura qui se dégageait du jeune Viéra. Une douce odeur de jasmin flottait dans l'air et les arbres semblaient danser sous le rythme lent et régulier de la caresse du vent. On entendait même des petits oiseaux roucouler de joie, souvent par deux, et virevolter autour de la troupe et les rayons du soleil perçaient à travers les feuilles des arbres, baignant l'air de paillettes multicolores et rendant la marche presque surnaturelle. Toute la troupe poussait des exclamations de joie et d'émerveillement. Tous sauf Lifaën qui était gêné plus qu'autre chose. Il baissa la tête et soupira. Pendant leur avancée, Elenwë lui appris qu'ils devaient attendre un message du hahren afin quand lancer leur attaque au meilleur moment. La coordination serait leur meilleure alliée s'ils voulaient essuyer le moins de perte possible et forcer les humains à se soumettre. A mesure qu'ils se rapprochaient des ruines, la tension montait. On n'entendait plus que les bruits de pas et la respiration des hahl, sensibles à cette atmosphère. La Forêt semblait leur ouvrir un passage et bientôt, il n'y eut plus aucun arbre vivant. Une terre grisâtre s'étendait devant eux, recouvrant l'herbe verte qui avait jadis poussée ici. Les rares ruines d'habitations qui parsemaient le paysage semblaient se désagréger lentement, tombant en poussière sur le sol et provoquant de petits nuages de cendre. Lifaën détourna le regard. Cette vision cauchemardesque lui retournait le cœur et ravivait chez lui une foule de souvenirs qu'il ne voulait pas voir ressurgir.
-Les shems paieront pour ce sacrilège, fit un des Viéras.
Elenwë ordonna aux soldats de s'arrêter et pointa l'horizon du doigt. On distinguait encore quelques rares arbres encore debout de façon éparses et qui formait une sorte de couronne autour de l'endroit qui s'étendait au pied des Viéras. Plus loin, une colonne de fumée s'élevait dans le ciel et se dispersait au gré des courants d'air.
-Nous avancerons sous le couvert de ces quelques arbres, indiqua Elenwë, Les shems nous remarqueront trop tard et nous pourrons ouvrir une brèche dans la palissade.
Il se tourna vers Lifaën, le regard plein d'attente et d'espérance :
-Je compte sur toi pour prendre de flanc les humains qui sortiront de ce guêpier. Ensuite, il ne nous restera qu'à tenir jusqu'à ce que Earän et le hahren pénètre à l'intérieur du fort.
Le jeune Viéra acquiesça et descendit de Fenris. Il comptait se dégourdir les jambes avant de lancer l'attaque malgré que l'idée d'un massacre le révulsait toujours autant. Pourtant, une partie de lui, enfouie au plus profond de son être, réclamait du sang. Une soif de bataille grandissait en lui depuis qu'il avait quitté la Forêt. Au début, il pensait pouvoir la contrôler, mais plusieurs fois il se laissa aveugler par la rage, ce qui produisait inexorablement une libération partielle de sa marque. Dans ces moments là, il éprouvait du plaisir à tuer, à ôter la vie et à voir Alastor trancher la chair de ses ennemis. La seule conclusion qu'il avait pu en tirer, c'est que c'était l'Ombre en lui qui provoquait ce genre de comportement. Mais qu'en était-il désormais ? Il n'avait jamais tenté de recontacter l'Ombre depuis que Versipelle lui était apparu à Nimong. L'esprit lui laisserait-il seulement approcher de l'être maudit ? Ou bien ce dernier avait-il tout simplement disparu ? Il sentit la désapprobation de Versipelle mais n'en fit pas cas. L'ensemble des Viéras occupés à guetter le signal, quel qu'il soit, Lifaën s'isola dans un coin et s'assit en tailleur. Il posa sa main droite sur sa main gauche, paume ouverte vers le sol et se redressa, le buste droit comme une flèche. Il ferma les yeux et se laissa emporter par les souvenirs. Le seul moyen de s'assurer de la présence de l'Ombre, c'était de pénétrer l'Immatériel. Chose que seuls ceux qui avaient passés leur Union était capable de faire seul. Seulement, Lifaën avait un accès privilégié avec le monde des esprits grâce nettement à la présence de Versipelle. Il sentit le Voile dans un recoin sombre de son esprit, tendu comme une peau de tambour, et s'infiltra à l'intérieur. Un flash aveuglant s'en suivit, le propulsant violemment dans l'Immatériel. Il tomba exactement au même endroit que lors de sa première rencontre avec l'Ombre. Ce dernier était enchainé à quelques mètres du sol par de lourdes chaines d'acier qui ne semblait pas avoir de point d'accroche apparent. Sa tête baissé, Lifaën ne put savoir s'il était vivant ou mort.
-Tu es de retour alors …
La voix glaciale de l'Ombre suffit à lui répondre.
-Et toi tu es toujours en vie, rétorqua le jeune Viéra.
-On ne se débarrasse pas d'un Ombre aussi facilement. Surtout quand il est ancré au plus profond de soi. Que veux-tu ?
Lifaën s'approcha de l'Ombre qui se redressa. Il était toujours autant frappé par leur ressemblance. Ses traits étaient exactement les mêmes. On aurait dit deux jumeaux se contemplant.
-Des réponses.
-Des réponses ? Répéta l'Ombre. Et qu'est-ce qui te dit que j'ai des réponses ?
-Tout simplement car tu as eu un lien avec les Arbres Mères.
-Ce n'est pas si simple …
Il paraissait désemparé, vidé de l'énergie qui semblait l'animé la dernière fois qu'il s'était vu. Versipelle était surement la cause de sa captivité.
-Que sont exactement les Ombres ? Demanda Lifaën.
-Je te l'ai dit non ? Des Viéras qui ont tenté de découvrir la Vérité. Sur nous, sur la Forêt, sur notre présence en ce monde.
-Ce n'est que cela ? Vous n'êtes que des archivistes du savoir perdu ?
-Tu ne peux pas imaginer ce que j'ai enduré. Tu ne peux même pas comprendre ce qui sépare Ombre et Viéra. Nous sommes en guerre larvée depuis notre venu ici.
Lifaën eut un mouvement de recul. Une guerre entre les Viéras ? Et «notre venu ici» signifiait donc qu'ils venaient effectivement d'un autre monde. L'Ombre était-il le seul au courant ?
-Explique toi ! Ordonna sèchement Lifaën, Qu'entends-tu par guerre larvée ?
-Pour te répondre, il faudrait que je remonte très, très loin dans le temps. Es-tu sûr de vouloir entendre la vérité Viéra ? Parfois, il est bon de ne pas remuer les choses du passé.
-Peut-être, mais nous vivons pour retrouver nos origines. Tu devrais le savoir.
L'Ombre sourit, visiblement surpris par une telle répartie. D'un bref signe de tête, il fit signe à Lifaën se s'approcher. Ce dernier resta un moment sur place. Comment pouvait-il être sûr que l'Ombre ne tenterait pas de prendre son contrôle une fois à portée ? Puis, la présence de Versipelle à ses côtés le rassura. Les chaînes qui le maintenaient en l'air étaient le fruit d'une puissance qui le dépassait, et qui sapait toute énergie de celui ou celle qui était pris dans leurs gonds. Il s'approcha alors, lentement, calculant chaque pas qu'il faisait. La recherche de la Vérité avait parfois un prix. Lourd. Les siens avaient appris à s'accommoder des souffrances du passé et peut-être n'était-ce pas sans raison que la Vérité était cachée, mais Lifaën voulait savoir. Il serait surement le seul, ou bien le hahren et les Anciens le savaient-ils aussi, cependant, il s'en moquait. Arrivé au niveau de l'ombre, il tendit sa main, obéissant à quelque chose qu'il ne contrôlait pas. Progressivement, la présence de Versipelle s'atténua et l'Ombre avança la tête. Lorsque la main de Lifaën entra en contact avec le front anormalement froid du prisonnier, son esprit fut propulsé en dehors de son corps pour atterrir violemment dans celui de l'Ombre. Sa structure était quasiment la même, mais il manquait quelque chose. Quelque chose auquel le jeune Viéra n'arrivait pas à mettre un nom, mais quelque chose qui faisait toute la différence, qui était vitale. Une sorte de lumière, de chaleur de la vie était absente.
Observe jeune Lifaën, et comprend ce que nous sommes …
La voix de l'Ombre résonnait partout autour de lui. Soudain, un décor se matérialisa. Il représentait une vaste forêt que Lifaën ne reconnut pas. Une assemblée était disposée en cercle, et des êtres, qui ressemblaient en tous points à des Viéras, semblaient ternir un discours pour le moins virulent. Lifaën observait la scène du ciel et pouvait se mouvoir dans ce milieu éthéré. La chose qui le marqua le plus, c'était la colère qui brillait dans les yeux de la plupart des Viéras. Ils martelaient du poing, n'hésitaient pas à menacer ceux qui s'opposaient à eux et criaient à plein poumon. La plupart vociféraient contre un seul Viéra à l'allure noble et à la chevelure d'airain. Sans entendre ce qu'il disait, Lifaën savait ce qu'il défendait. Il voulait éviter une guerre contre un autre peuple, et refusait d'en appeler à une «magie trop puissante pour être contrôlée». Le jeune Viéra ne comprenait pas ce que cela voulait dire. Toujours est-il qu'une femme se leva alors à son tour et fit taire tous les autres. Elle s'adressa à l'ensemble de l'assemblée avec un discours visiblement enfiévré et, lorsqu'elle eut fini, la majorité de ceux qui étaient présents applaudirent. Celui qui était au centre baissa la tête, résigné. Lorsqu'un autre s'approcha avec un parchemin et récita des paroles incompréhensible, une lumière rouge s'éleva en tube et recouvrit totalement le champs de vision de Lifaën. Il se retrouva dans le noir total, avant d'atterrir à la berge d'un lac, ou plusieurs autres Viéras étaient rassemblés, la plupart pris de sanglots, tenant leur genoux contre leur torse et se balançant nerveusement. Ils avaient la peau pâle et les yeux dénués de vie. Tous avaient le regard perdu et vide. Lifaën reconnu parmi eux l'Ombre qui était en lui et qui consolait une autre Viéra, plus vieille que lui, probablement une proche parente. Il se toucha le visage instinctivement. La ressemblance entre la femme et lui le choquait autant que celle qui le liait à l'Ombre. Avec horreur, il comprit que ceux qu'il avait pris pour des Viéras étaient en fait des Ombres. Mais comment était-il devenu ainsi ? Comme si quelqu'un souhaitait répondre à sa question, un chant retentit. Avec une voix claire et puissante, douce et enivrante. Elle redonna vie aux autres qui se rapprochèrent petit à petit, lentement, comme pour s'assurer qu'ils étaient bien ensemble. La langue de ce chant rappelait à Lifaën l'ancien langage et, il le comprit dans les grandes lignes. Il racontait comment des «Elfes» avaient été banni pour s'être opposé à la guerre et à l'usage de la magie des «Démons» et comment ils s'étaient retrouvés privé de la lumière des Arbres Mères et du réconfort de la forêt. Des êtres maudits en somme. Nouveau flash, et Lifaën se trouva au pied d'une immense tour en mur noir, qui dégageait une formidable aura de puissance. Il vit l'Ombre qu'il reconnut s'adonnant à des expériences étranges sur des corps recroquevillés à la peau luisante. L'être croissait au fur et à mesure que l'Ombre lui donnait de la puissance et finit par se redresser. Puis, sans comprendre pourquoi et sans avoir eu le temps d'observer le corps nouvellement formé, il se retrouva devant une arche de pierre enserrant un miroir de presque deux toises de haut. Une statue de femme tenait une coupe remplie de flamme noire trônait au sommet de l'arche. Des Ombres bataillaient furieusement contre des Viéras, autrement appelés «Elfes» selon certains. Des pluies de coup volaient dans tous les sens, des boules de feu s'écrasaient contre les murs luisants d'une caverne où ils étaient. Soudain, un Viéra passa devant lui. Lifaën eut un sursaut. C'était Calion ! Plus jeune de quelques années, mais bien présent. Il repoussa un Ombre à l'aide d'une boule d'énergie et posa sa main sur le miroir. La salle de pierre trembla, le sol sembla se dérober sous les pieds des combattants et tout s'effondra dans un torrent de lumière aveuglant.
-Hahren, existe-t-il d'autres mondes à part le nôtre ?
Le hahren cligna des yeux plusieurs fois comme pour chasser une poussière incrustée dans le coin de l'œil et se tourna vers Lifaën qui attendait toujours sa réponse :
-Pourquoi cette question da'len ?
-Hé bien, hésita-t-il, je n'ai jamais eu le sentiment que nous soyons … d'ici. Les humains ne nous ressemblent pas vraiment et il n'y a nulle trace de Viéras alors j'ai pensé que peut-être …
-Que peut-être d'autres mondes que celui-ci existait ?
Lifaën approuva d'un signe de la tête. Il préférait taire que cette révélation lui venait d'Hermès afin de juger de la réponse du hahren. Surement savait-il quelque chose.
-Ce pourrait être une explication à l'attaque des humains. S'ils cherchaient un passage vers les autres mondes, alors peut-être que cette forêt abrite-t-elle un passage …
-Mais comment sommes-nous arrivés ici ? S'enquit Lifaën.
C'était une simple question qui s'imposait d'elle même. De tels passages sous-entendaient forcément qu'ils étaient bien gardés. Alors que seulement une poignée de Viéras puissent les traverser ne pouvait pas être du au hasard.
-Surement par accident, répondit le Viéras aux cheveux d'argent. Un passage à du être ouvert par inadvertance et les plus vieux d'entre nous l'ont peut-être emprunté.
Lifaën resta silencieux. Alors, les Axes n'étaient pas leur origine. Ils seraient tous natifs d'une autre terre et sans le savoir, ils auraient émergés ici ? «Ces gens ne peuvent pas tous se leurrer ...» pensa-t-il avec amertume. Lui même s'était toujours plu à se penser différent des humains depuis qu'il les avait rencontrés. Mais le fait de comprendre qu'ils pouvaient tous provenir d'autre part était déroutant. A ce point même que cela signifiait remettre en question une foule de savoir et de coutumes. Après tout, cela ne voulait-il pas dire que les «vrais» Viéras se trouvaient quelque part et qu'ils attendaient le retour de ceux qui étaient partis ? Et puis, comment plusieurs mondes pouvaient cohabiter ? L'équilibre entre eux pouvait être détruit en un battement de cil. De telles perspectives maintinrent longtemps Lifaën en profonde méditation. Il n'arrivait pas à le concevoir tellement c'en était saugrenu. Il n'en avait pas même remarqué que plus il avançait, et plus les espaces entre les arbres étaient marqués. Leurs troncs étaient moins larges, leurs branches moins ramifiées et moins couvertes de feuille. Les Viéras constataient se spectacle non sans cacher leur colère, certains allant même jusqu'à insulter les hommes dans leur langue natale. La troupe s'arrêta en un endroit où aucun arbre ne poussait. Seul un rocher était dressé au milieu d'un cercle d'herbe verte, ceinturé par de rares hêtres encore debout. Earän qui était à la tête de l'armée se tourna vers le hahren et fit un signe de la tête.
-A partir de maintenant, dit le hahren, nous nous séparons. Vous serez seuls maîtres de vos destins. Accomplissez votre devoir avec fierté !
Les Viéras baissèrent la tête et les troupes se séparent en deux groupes. Le plus important, dirigé par Earän et le hahren prit la direction du sud-est afin de contourner la palissade. L'autre continua sa route afin de jouer le rôle d'appât. La colonne de cavaliers serra les rangs derrière Lifaën et Elenwë ordonna la remise en marche. Le jeune Viéra sentit le poids des responsabilités sur ses épaules. Il n'avait jamais eu pour autre soucis que lui même, et ce voir confier la vie d'autrui le mettait mal à l'aise. Il savait qu'une directive mal donnée ou une erreur d'exécution pouvait couter la vie à tous les Viéras. La pression du combat venant s'ajouter à ceci, Lifaën n'était plus vraiment sur de vouloir partir en guerre. Ce n'était pas pour lui. Il n'était pas fait pour ça, même s'il tentait de puiser en la perspective de sauver sa sœur la force nécessaire pour avancer.
Durant une heure, il remua ses sombres pensées, ne faisant même plus attention à ce qui l'entourait. Parfois quand certains soldats venaient lui parler, il répondait évasivement, voire pas du tout. Son attitude maussade n'échappa pas à Melindë qui s'approcha de lui :
-Quelque chose te tracasse ? Lui demanda-t-elle.
-Rien ... Ce n'est rien … Un peu de fatigue je suppose.
-Lifaën, reprit-elle doucement, je sais quand tu ne vas pas bien. Et c'est précisément ce qu'il se passe en ce moment.
Lifaën ne répondit pas immédiatement. C'était vrai et il le savait. Il savait que pour survivre, il fallait avoir recours aux extrémités les plus drastiques, mais il était loin de s'imaginer à chevaucher pour partir en guerre avec les siens. Et puis il croulait de plus en plus sous les responsabilités. Il était assailli de toute part. La guerre, Versipelle, sans compter l'Ombre et le combat qui se passait à l'intérieur de lui-même.
-C'est une évidence non ?, lâcha-t-il dans un accès de colère, Je croyais que je pourrais trouver la force de me battre avec ce qu'il est arrivé à Firiel, mais je m'apperçois que je ne suis pas fait pour la guerre … Je n'arrive pas à voir la fin de tout ceci. Je suis juste dépassé par …
Il s'interrompit. Sans s'en apercevoir, il avait crié à plein poumon, éveillant la curiosité des soldats l'entourant. Melindë avait posé une main douce sur sa joue pour le réconforter :
-Je suis soulagée que tu n'aies pas oublié nos principes, fit-elle en tentant de le calmer, Mais tu te souviens de ce que tu m'as dit l'autre jour ? J'y ai réfléchi et je pense comme toi que les shems doivent récolter ce qu'ils ont semé. Chacun de nous sait ce qui lui en coute de tuer, mais nous faisons partis d'un tout et nous nous battons pour ce tout. Il ne s'agit plus seulement d'une seule personne, mais d'une entité toute entière qu'il faut protéger, tu comprends ?
Lifaën ne trouva rien à redire. Elle faisait surement référence à ce qu'il s'était passé juste après la décision du hahren, où il avait affirmer pouvoir briser ce qu'il était uniquement par soif de vengeance. C'était un but égoïste. La Forët transcendait l'ensemble des Viéras et c'était en son nom que la guerre allait être menée. Cette perspective le réconforta quelque peu. Peut-être avait-il enfin trouvé la justification qu'il lui fallait pour se battre. Il baissa légèrement la tête :
-Tu as raison comme toujours. Je ne devrais pas me laisser emporter par mes sentiments, c'est ridicule.
-Il faudrait que tu sois de marbre pour ne rien éprouver.
-Pourtant, les nôtre cachent …
-Exactement, l'interrompit Melindë, Nous sommes passés maître dans l'art de dissimuler nos pensées et nos émotions. Mais cela ne signifie pas que nous en somme totalement dénués.
Elle se détourna, visiblement gênée d'en avoir tant dit et laissa Lifaën réfléchir sur ses paroles. Le jeune Viéra jouait nerveusement avec une touffe de poils rebelles de Fenris. Il était toujours aussi qu'un animal aussi noble ait pu décider de le choisir lui, surement le plus jeune d'entre les Viéras désormais. «Dommage que tu ne puisses pas parler ...» Même si les Mabari était une race très intelligente, leur apprendre totalement une langue relevait de la folie. Cependant, Lifaën ne pouvait cesser de penser que Fenris comprenait ce qu'il disait. Sans répondre, il se contentait de boire ses paroles.
-J'espère que tu comptes tout lui dire avant le début du combat !
La voix familière d'Elenwë le fit revenir à lui. Le Viéra à la chevelure brune trotta à son côté, un sourire béat flottant sur son visage.
-Quoi ?
-Allons iëthallan, si tu meurs sans lui avoir déclaré ta flamme, tu t'en mordras les doigts dans l'Après !
L'Après, comme l'appelait Elenwë, était l'autre nom donné à l'Immatériel. Ce terme était plutôt usité par les Anciens, qui voyait l'Immatériel comme la suite de la vie physique.
-C'est … c'est ridicule, bafouilla Lifaën, je ne suis pas … amoureux !
-Je te l'ai dit non ? Ria de bon cœur son ami, ça crève les yeux. Il émane de telle pulsion de ton corps que toute la Forêt semble répondre à ton appel.
Fenris aboya joyeusement. Lui aussi semblait être sensible à l'aura qui se dégageait du jeune Viéra. Une douce odeur de jasmin flottait dans l'air et les arbres semblaient danser sous le rythme lent et régulier de la caresse du vent. On entendait même des petits oiseaux roucouler de joie, souvent par deux, et virevolter autour de la troupe et les rayons du soleil perçaient à travers les feuilles des arbres, baignant l'air de paillettes multicolores et rendant la marche presque surnaturelle. Toute la troupe poussait des exclamations de joie et d'émerveillement. Tous sauf Lifaën qui était gêné plus qu'autre chose. Il baissa la tête et soupira. Pendant leur avancée, Elenwë lui appris qu'ils devaient attendre un message du hahren afin quand lancer leur attaque au meilleur moment. La coordination serait leur meilleure alliée s'ils voulaient essuyer le moins de perte possible et forcer les humains à se soumettre. A mesure qu'ils se rapprochaient des ruines, la tension montait. On n'entendait plus que les bruits de pas et la respiration des hahl, sensibles à cette atmosphère. La Forêt semblait leur ouvrir un passage et bientôt, il n'y eut plus aucun arbre vivant. Une terre grisâtre s'étendait devant eux, recouvrant l'herbe verte qui avait jadis poussée ici. Les rares ruines d'habitations qui parsemaient le paysage semblaient se désagréger lentement, tombant en poussière sur le sol et provoquant de petits nuages de cendre. Lifaën détourna le regard. Cette vision cauchemardesque lui retournait le cœur et ravivait chez lui une foule de souvenirs qu'il ne voulait pas voir ressurgir.
-Les shems paieront pour ce sacrilège, fit un des Viéras.
Elenwë ordonna aux soldats de s'arrêter et pointa l'horizon du doigt. On distinguait encore quelques rares arbres encore debout de façon éparses et qui formait une sorte de couronne autour de l'endroit qui s'étendait au pied des Viéras. Plus loin, une colonne de fumée s'élevait dans le ciel et se dispersait au gré des courants d'air.
-Nous avancerons sous le couvert de ces quelques arbres, indiqua Elenwë, Les shems nous remarqueront trop tard et nous pourrons ouvrir une brèche dans la palissade.
Il se tourna vers Lifaën, le regard plein d'attente et d'espérance :
-Je compte sur toi pour prendre de flanc les humains qui sortiront de ce guêpier. Ensuite, il ne nous restera qu'à tenir jusqu'à ce que Earän et le hahren pénètre à l'intérieur du fort.
Le jeune Viéra acquiesça et descendit de Fenris. Il comptait se dégourdir les jambes avant de lancer l'attaque malgré que l'idée d'un massacre le révulsait toujours autant. Pourtant, une partie de lui, enfouie au plus profond de son être, réclamait du sang. Une soif de bataille grandissait en lui depuis qu'il avait quitté la Forêt. Au début, il pensait pouvoir la contrôler, mais plusieurs fois il se laissa aveugler par la rage, ce qui produisait inexorablement une libération partielle de sa marque. Dans ces moments là, il éprouvait du plaisir à tuer, à ôter la vie et à voir Alastor trancher la chair de ses ennemis. La seule conclusion qu'il avait pu en tirer, c'est que c'était l'Ombre en lui qui provoquait ce genre de comportement. Mais qu'en était-il désormais ? Il n'avait jamais tenté de recontacter l'Ombre depuis que Versipelle lui était apparu à Nimong. L'esprit lui laisserait-il seulement approcher de l'être maudit ? Ou bien ce dernier avait-il tout simplement disparu ? Il sentit la désapprobation de Versipelle mais n'en fit pas cas. L'ensemble des Viéras occupés à guetter le signal, quel qu'il soit, Lifaën s'isola dans un coin et s'assit en tailleur. Il posa sa main droite sur sa main gauche, paume ouverte vers le sol et se redressa, le buste droit comme une flèche. Il ferma les yeux et se laissa emporter par les souvenirs. Le seul moyen de s'assurer de la présence de l'Ombre, c'était de pénétrer l'Immatériel. Chose que seuls ceux qui avaient passés leur Union était capable de faire seul. Seulement, Lifaën avait un accès privilégié avec le monde des esprits grâce nettement à la présence de Versipelle. Il sentit le Voile dans un recoin sombre de son esprit, tendu comme une peau de tambour, et s'infiltra à l'intérieur. Un flash aveuglant s'en suivit, le propulsant violemment dans l'Immatériel. Il tomba exactement au même endroit que lors de sa première rencontre avec l'Ombre. Ce dernier était enchainé à quelques mètres du sol par de lourdes chaines d'acier qui ne semblait pas avoir de point d'accroche apparent. Sa tête baissé, Lifaën ne put savoir s'il était vivant ou mort.
-Tu es de retour alors …
La voix glaciale de l'Ombre suffit à lui répondre.
-Et toi tu es toujours en vie, rétorqua le jeune Viéra.
-On ne se débarrasse pas d'un Ombre aussi facilement. Surtout quand il est ancré au plus profond de soi. Que veux-tu ?
Lifaën s'approcha de l'Ombre qui se redressa. Il était toujours autant frappé par leur ressemblance. Ses traits étaient exactement les mêmes. On aurait dit deux jumeaux se contemplant.
-Des réponses.
-Des réponses ? Répéta l'Ombre. Et qu'est-ce qui te dit que j'ai des réponses ?
-Tout simplement car tu as eu un lien avec les Arbres Mères.
-Ce n'est pas si simple …
Il paraissait désemparé, vidé de l'énergie qui semblait l'animé la dernière fois qu'il s'était vu. Versipelle était surement la cause de sa captivité.
-Que sont exactement les Ombres ? Demanda Lifaën.
-Je te l'ai dit non ? Des Viéras qui ont tenté de découvrir la Vérité. Sur nous, sur la Forêt, sur notre présence en ce monde.
-Ce n'est que cela ? Vous n'êtes que des archivistes du savoir perdu ?
-Tu ne peux pas imaginer ce que j'ai enduré. Tu ne peux même pas comprendre ce qui sépare Ombre et Viéra. Nous sommes en guerre larvée depuis notre venu ici.
Lifaën eut un mouvement de recul. Une guerre entre les Viéras ? Et «notre venu ici» signifiait donc qu'ils venaient effectivement d'un autre monde. L'Ombre était-il le seul au courant ?
-Explique toi ! Ordonna sèchement Lifaën, Qu'entends-tu par guerre larvée ?
-Pour te répondre, il faudrait que je remonte très, très loin dans le temps. Es-tu sûr de vouloir entendre la vérité Viéra ? Parfois, il est bon de ne pas remuer les choses du passé.
-Peut-être, mais nous vivons pour retrouver nos origines. Tu devrais le savoir.
L'Ombre sourit, visiblement surpris par une telle répartie. D'un bref signe de tête, il fit signe à Lifaën se s'approcher. Ce dernier resta un moment sur place. Comment pouvait-il être sûr que l'Ombre ne tenterait pas de prendre son contrôle une fois à portée ? Puis, la présence de Versipelle à ses côtés le rassura. Les chaînes qui le maintenaient en l'air étaient le fruit d'une puissance qui le dépassait, et qui sapait toute énergie de celui ou celle qui était pris dans leurs gonds. Il s'approcha alors, lentement, calculant chaque pas qu'il faisait. La recherche de la Vérité avait parfois un prix. Lourd. Les siens avaient appris à s'accommoder des souffrances du passé et peut-être n'était-ce pas sans raison que la Vérité était cachée, mais Lifaën voulait savoir. Il serait surement le seul, ou bien le hahren et les Anciens le savaient-ils aussi, cependant, il s'en moquait. Arrivé au niveau de l'ombre, il tendit sa main, obéissant à quelque chose qu'il ne contrôlait pas. Progressivement, la présence de Versipelle s'atténua et l'Ombre avança la tête. Lorsque la main de Lifaën entra en contact avec le front anormalement froid du prisonnier, son esprit fut propulsé en dehors de son corps pour atterrir violemment dans celui de l'Ombre. Sa structure était quasiment la même, mais il manquait quelque chose. Quelque chose auquel le jeune Viéra n'arrivait pas à mettre un nom, mais quelque chose qui faisait toute la différence, qui était vitale. Une sorte de lumière, de chaleur de la vie était absente.
Observe jeune Lifaën, et comprend ce que nous sommes …
La voix de l'Ombre résonnait partout autour de lui. Soudain, un décor se matérialisa. Il représentait une vaste forêt que Lifaën ne reconnut pas. Une assemblée était disposée en cercle, et des êtres, qui ressemblaient en tous points à des Viéras, semblaient ternir un discours pour le moins virulent. Lifaën observait la scène du ciel et pouvait se mouvoir dans ce milieu éthéré. La chose qui le marqua le plus, c'était la colère qui brillait dans les yeux de la plupart des Viéras. Ils martelaient du poing, n'hésitaient pas à menacer ceux qui s'opposaient à eux et criaient à plein poumon. La plupart vociféraient contre un seul Viéra à l'allure noble et à la chevelure d'airain. Sans entendre ce qu'il disait, Lifaën savait ce qu'il défendait. Il voulait éviter une guerre contre un autre peuple, et refusait d'en appeler à une «magie trop puissante pour être contrôlée». Le jeune Viéra ne comprenait pas ce que cela voulait dire. Toujours est-il qu'une femme se leva alors à son tour et fit taire tous les autres. Elle s'adressa à l'ensemble de l'assemblée avec un discours visiblement enfiévré et, lorsqu'elle eut fini, la majorité de ceux qui étaient présents applaudirent. Celui qui était au centre baissa la tête, résigné. Lorsqu'un autre s'approcha avec un parchemin et récita des paroles incompréhensible, une lumière rouge s'éleva en tube et recouvrit totalement le champs de vision de Lifaën. Il se retrouva dans le noir total, avant d'atterrir à la berge d'un lac, ou plusieurs autres Viéras étaient rassemblés, la plupart pris de sanglots, tenant leur genoux contre leur torse et se balançant nerveusement. Ils avaient la peau pâle et les yeux dénués de vie. Tous avaient le regard perdu et vide. Lifaën reconnu parmi eux l'Ombre qui était en lui et qui consolait une autre Viéra, plus vieille que lui, probablement une proche parente. Il se toucha le visage instinctivement. La ressemblance entre la femme et lui le choquait autant que celle qui le liait à l'Ombre. Avec horreur, il comprit que ceux qu'il avait pris pour des Viéras étaient en fait des Ombres. Mais comment était-il devenu ainsi ? Comme si quelqu'un souhaitait répondre à sa question, un chant retentit. Avec une voix claire et puissante, douce et enivrante. Elle redonna vie aux autres qui se rapprochèrent petit à petit, lentement, comme pour s'assurer qu'ils étaient bien ensemble. La langue de ce chant rappelait à Lifaën l'ancien langage et, il le comprit dans les grandes lignes. Il racontait comment des «Elfes» avaient été banni pour s'être opposé à la guerre et à l'usage de la magie des «Démons» et comment ils s'étaient retrouvés privé de la lumière des Arbres Mères et du réconfort de la forêt. Des êtres maudits en somme. Nouveau flash, et Lifaën se trouva au pied d'une immense tour en mur noir, qui dégageait une formidable aura de puissance. Il vit l'Ombre qu'il reconnut s'adonnant à des expériences étranges sur des corps recroquevillés à la peau luisante. L'être croissait au fur et à mesure que l'Ombre lui donnait de la puissance et finit par se redresser. Puis, sans comprendre pourquoi et sans avoir eu le temps d'observer le corps nouvellement formé, il se retrouva devant une arche de pierre enserrant un miroir de presque deux toises de haut. Une statue de femme tenait une coupe remplie de flamme noire trônait au sommet de l'arche. Des Ombres bataillaient furieusement contre des Viéras, autrement appelés «Elfes» selon certains. Des pluies de coup volaient dans tous les sens, des boules de feu s'écrasaient contre les murs luisants d'une caverne où ils étaient. Soudain, un Viéra passa devant lui. Lifaën eut un sursaut. C'était Calion ! Plus jeune de quelques années, mais bien présent. Il repoussa un Ombre à l'aide d'une boule d'énergie et posa sa main sur le miroir. La salle de pierre trembla, le sol sembla se dérober sous les pieds des combattants et tout s'effondra dans un torrent de lumière aveuglant.
Lifaën- Age : 31
Messages : 23
Re: Chapitre 5 : La recherche de la Vérité
-Je ne comprends pas …
L'esprit de Lifaën était en proie aux pires tourments qu'il pouvait imaginer. Il avait vu des choses, compris certaines, qui dépassait son entendement. Il refusait d'y croire. C'était impossible.
-Laisse moi éclairer ta lanterne dans ce cas …
L'Ombre s'agita, faisant cliqueter les chaînes qui le maintenaient prisonnier :
-Le souvenir que tu viens de voir remonte à extrêmement longtemps. Je ne peux pas te cacher non plus que ce n'est pas en ce monde que l'assemblée s'est tenue.
Le sang de Lifaën se figea. Alors c'était vrai. Il y avait bel et bien d'autres mondes et les Viéras ne venaient pas de celui-ci, ce qui impliquait une foule de complications.
-Tu n'as pas l'air surpris. Aurais-tu compris par toi-même que nous ne venions pas d'ici ?
-J'avais … des informations, souffla Lifaën.
-Je vois … Tu as dû aussi te rendre compte de la similitude entre les Viéras et les Ombres ?
Lifaën approuva d'un bref signe de la tête. C'était la première chose qu'il avait remarqué lorsqu'il avait rencontré l'Ombre. Tout portait à croire qu'ils n'étaient que la même facette d'un miroir, vue de deux côtés différents.
-La raison la voicie. Dans le monde d'où nous venons, Viéras et Ombres étaient une seule et même race. Nous étions des Elfes. L'assemblée à laquelle tu as assisté a provoqué la scission de nos destins respectifs. Ceux qui ont été banni sont devenus les Elfes Noirs. A cause de la privation de la vitalité des Arbres Mères et du réconfort de la terre, nous sommes devenus des coquilles vides, sans espoirs ni rêves d'aucune sorte, des ombres en somme.
Le jeune Viéra tressaillit. Il savait ce qu'impliquait la destruction des Arbres Mères et la perte indescriptible que cela engendrait, mais être privé de ce contact pour toujours, en sachant qu'il était tout de même existant, l'aurait rendu fou. De chagrin et de colère envers ceux qui lui aurait ôté ce à quoi il tenait.
-Mais pourquoi ? Demanda Lifaën, Pourquoi avoir fait une telle chose ?
-L'opposition seulement, répondit l'Ombre, Nous étions divisés en cette époque. Une partie d'entre-nous voulaient la guerre totale, usant de tous les moyens possibles pour l'emporter, tandis que les autres, dont je faisais parti, prônaient la paix et le dialogue. Pour cette raison, nous avons été écrasés et maudits jusqu'au dernier.
Lifaën redressa son visage. Il crut apercevoir des larmes couler sur le visage pâle de son interlocuteur. Il n'eut pas le temps de dire quoique ce soit que l'Ombre avait continué :
-Nous avons néanmoins continué à vivre, refusant de nous soumettre, et dans cette quête de liberté, certains d'entre-nous ont découvert un passage vers les autres mondes. Le miroir que tu as vu, je ne sais pas comment il était arrivé là, mais nous y avons vu une porte de salut, une possibilité de recommencer nos vies brisées. Hélas, d'autres Elfes avaient eux aussi découverts ce miroir et comptaient le détruire. Au lieu de ça, nous avons tous été transportés dans ce monde-ci, Elfes et Elfes Noirs. Nous avons alors été traqué comme toujours, et alors que nous pensions que la mort allait nous libérer, certains Elfes nous ont puni encore plus durement, si c'était possible, pour notre vanité.
Lifaën revoyait alors Calion poser sa main sur le miroir. L'avait-il fait consciemment ? Ou bien n'était-ce qu'un accident comme le prétendait le hahren ? L'Ombre eut un rire moqueur et sa voix était déformée par le ressentiment et la colère :
-Tu crois que «l'Immatériel» ou «l'Après» est un lieu unique qui dépasse le monde physique ? En réalité, ce n'est qu'un nom que les vôtres ont donné à ce lieu où les esprits vont lorsque vous rêvez où lorsque vous mourrez. L'Immatériel n'existe pas en soi. Lorsque tu rêves, tu penses que ce que tu vois est réel, que ce n'est pas une illusion. Voilà ce qu'est l'Immatériel, un lieu qui n'a de sens que pour ceux qui y sont. Il diffère selon chacun, éternellement façonné par vos pensées et vos idées lorsque vous rêvez.
-Mais …, articula Lifaën, les esprits le traversent pour aller aux Arbres Mères, ce n'est pas qu'une illusion !
-Tu ne m'as pas écouté, se moqua l'Ombre, Ce n'est qu'un nom mais cela ne veux pas dire qu'il «n'existe» pas. Tout comme vous vous êtes nommé Viéra ou tout comme vous avez crée une langue pour vous persuader que ce monde est bien le vôtre, l'Immatériel n'existe que parce que vous l'avez décidé. Personne n'est jamais revenu après s'être lié aux Arbres Mères pour témoigner d'une zone «tampon». De même, vous êtes incapables de donner une définition concrète de ce qu'est l'Immatériel pour la bonne et simple raison que ce serait tenter d'expliquer pourquoi nous avons les oreilles pointues. Le nom lui-même exprime votre insuffisance en la matière. Ce lieu est indéfinissable. Il est et n'est pas en même temps. C'est un concept qui vous glisse entre les doigts auquel vous avez tentez d'accoler un nom pour vous façonner une nouvelle culture après avoir lâchement abandonné le culte de vos dieux.
Lifaën était effaré. Il ne savait pas s'il devait croire ce qu'il entendait, où s'il devait se raccrocher à ce qu'il savait. Malgré ses doutes, il ne pouvait s'empêcher de déceler une parcelle de vérité dans ce que disait l'Ombre. Personne n'avait vraiment expliqué ce qu'était l'Immatériel. Lui-même s'était persuadé qu'il s'agissait d'un monde, d'un lieu spirituel, alors que finalement, ce n'était qu'une chimère, un rêve illusoire.
-Le Voile que tu penses traverser, c'est ton esprit qui l'a inventé. Il est capable de se persuader des pires calomnies du moment qu'on y passe le temps et l'énergie. Vous avez été cantonné dès votre enfance pour croire à ces choses. Et c'est dans ce non-lieu que nous ont enfermé les Elfes qui sont venus ici. Ceux qui leur avaient résisté ont été dépouillés de leur corps pour terminer comme des esprits oniriques, contraints de n'être que des souvenirs, des êtres éthérés et sans but. Pour être sûr que nous n'en réchapperont pas, ils ont scellé nos corps avec la magie des Arbres Mères. Tant qu'ils étaient debout, il nous était impossible d'y retourner.
-Mais, Versipelle …
-Arrête avec ce stupide Versipelle, s'exclama l'Ombre en colère, Il n'existe pas non plus ! Tu ne comprends donc pas ? Tout ce que tu pensais vrai n'est que mensonge. Vos Anciens vous ont inculqué le culte de Versipelle pour oublier vos anciens dieux, pour retenter de bâtir de nouvelles légendes et de nouveaux contes, conscient qu'ils ne pourraient rentrer chez eux. Vos esprits ainsi confinés ont imaginé un mythe, un esprit bienveillant de la forêt, esprit qui a prit forme dans ta tête dès le moment où Calion a infusé les dernières énergies des Arbres Mères en toi !
L'Ombre ricana de nouveau. Il semblait jouir de l'impact qu'avait ses paroles sur Lifaën. Tout ce qu'il disait, il l'avait contenu durant tout ce temps et aujourd'hui, il avait la possibilité de tout dévoiler et de détruire le seul qui se tenait encore devant lui.
-Cette énergie qui s'est matérialisée en Versipelle, que tu pensais réelle, était une sorte de bouclier m'empêchant de prendre ton contrôle. Car contrairement à ce que tu pourrais croire, nous n'avons pas cessé de nous battre. Nous voulions récupérer le semblant de vie qui nous avait été retiré. Pour cela, dès que vous vous ouvriez au rêve, nous tentions de nous infiltrer dans vos esprits pour en prendre le contrôle. D'après toi, pourquoi si peu des tiens dorment réellement ? Parce qu'ils ont peur de nous ! Et ne crois pas que nous en ignorions les conséquences. La transformation en «Abomination» comme vous vous plaisez à les appeler, était l'action des Arbres Mères pour s'assurer que vous tuiez ceux qui étaient contrôlés. Un sacrifice honorable en soi. Mais, ils nous permettaient de nous faire craindre alors même que nous étions intouchable. La punition des Anciens nous a finalement été profitable tu vois. Nous existions dans vos cauchemars sans que vous puissiez affirmer réellement notre présence.
-Tu as donc menti, comprit Lifaën en se redressant d'avantage, Tu as menti quand tu as prétendu vouloir nous prévenir de notre destruction !
-Il faut croire que tu n'es pas encore devenu fou par ces révélations, pouffa l'Ombre, Oui j'ai menti. La seule chose qui nous importait, c'était de vivre, même toi tu peux le comprendre ! Lors, la destruction des Arbres Mères nous a permis de retourner à nos corps.
Cette fois-ci, l'Ombre baissa le visage, mu par une tristesse aussi soudaine qu'impensable :
-Ce que nous n'avions pas pensé, c'était pourquoi les Arbres Mères avaient cessé de maintenir nos corps sous scellé. Étaient-ils morts ? Nous n'en savions rien, mais nous avons tenté notre chance, sauf moi. Tous mes amis ont retrouvé leur corps, mais à quel prix ? La plupart se retrouvaient avec un corps brûlé, mutilé, et certains se réveillaient en train de se faire dévorer par des bêtes sauvages …
Lifaën essayait de s'imaginer ce que l'ont pouvait ressentir lorsque l'on retrouvait son corps après avoir passé des années sous la forme d'esprit, mais que celui-ci n'était plus en mesure de nous supporter. Ils avaient dû mourir dans d'atroce souffrances.
-Mais pourquoi n'es-tu pas retourné au tien ?
-Pourquoi ? Répéta l'Ombre avec une pointe de folie de la voix, Parce que j'avais encore une chose à faire. Il fallait que je m'assure que la seule famille qui me restait soit encore en vie.
Sans prévenir, une violente douleur irradia l'arrière du crâne de Lifaën. Il tentait de la maîtriser, de garder le contrôle sur lui, mais il n'y parvenait pas. Et la présence de l'Ombre à ses côtés qui lui murmurait «Oui, rappelle-toi qui tu es ...» n'était pas pour l'aider. D'abord, il vit la femme que consolait l'Ombre, puis, un homme qui la tenait par la taille. Ils étaient encore Elfes à juger par leur teint et leur allure. A leurs côtés, un enfant qui rayonnait de joie. Puis, l'enfant, devenu adulte, se retrouva à côté de la femme qui était enceinte et tentait de l'apaiser après que la malédiction eut été prononcée. Le père était absent. Lorsque Lifaën revint à lui, il se rendit compte qu'il était étendu au sol et que ses joues étaient humidifiées par les larmes. Les siennes jugea-t-il. Il se releva, non sans mal, et nota que les chaînes qui retenait l'Ombre était plus petite qu'auparavant, mais qu'elles l'empêchaient toujours de se mouvoir.
-Alors ? N'est-ce pas là ce que tu voulais jeune Lifaën, fit l'Ombre d'une voix de nouveau glaciale, savoir qui étaient tes parents ? La femme que tu as vu, c'était ma mère. Et l'enfant, ce n'était pas toi, c'était moi.
-J... Je ne vois pas … Je ne vois pas en quoi cela me concerne …
-Mais en tout voyons. N'as-tu pas remarqué que ma mère était enceinte ? Et devine qui était l'enfant à l'intérieur ?
Lifaën tomba à la renverse, ses jambes ne le soutenant plus. Alors voilà. C'était la raison qui avait fait qu'il avait refoulé ce souvenir. Ses parents étaient des Elfes Noirs ! Mais comment ? Pourquoi n'en était-il pas un lui aussi ?
-Et oui Lifaën, je suis ton frère.
Sous le choc, il se sentit nauséeux. Il voulait que la torture de son esprit cesse. C'était impossible. Tant de choses à remettre en cause. Il s'y refusait et pourtant, le pieux de la vérité s'abattait sur lui avec la force d'un titan, l'écrasant et ne lui laissant aucun échappatoire.
-Notre père, reprit l'Ombre, ce lâche, nous a abandonné lorsqu'il a vu la tournure des évènements. Il avait de la famille parmi ceux qui cautionnaient la guerre, et il a pu en réchapper, nous abandonnant tous les trois à notre sort. Tu ne peux pas même imaginer ma joie lorsque j'ai découvert que notre mère était enceinte. Un enfant, don si rare, allait être mon frère. Je m'étais juré de te protéger quoiqu'il arriverait par la suite, d'être le meilleur frère qu'il pouvait exister et de ne jamais te faire de mal. C'est cette promesse qui est la cause de ma présence ici. Elle me rattache à toi, car je l'avais faite dans une langue qui ne tolère pas le parjure.
-Mais tu as tenté de me tuer ! Hurla Lifaën décomposé, Tu as voulu … me contrôler à …
-Encore un mensonge, coupa l'Ombre, Je n'ai jamais voulu ton mal. Ou du moins, je ne pouvais t'en faire. C'est toi même qui te battait, seul contre cette marque de la forêt. L'Ombre qui lutte contre l'Ombre …
Il laisse un bref silence, le temps de reprendre sa respiration, et reprit :
-Tu te demandes peut-être pourquoi tu n'es pas un Ombre ? Peut-être à cause de notre père. S'il en avait été un, tu en serais un aussi. Mais comme il nous a jeté comme de la vulgaire piétaille, conservant de ce fait le statut d'Elfe, il semblerait que cela ai «contré» la malédiction si je puis dire … Honnêtement, je pense plutôt que c'est à cause de cette marque. Lorsqu'elle t'a été faite, ce que tu as cru comme le passage de Versipelle dans ton corps, était en réalité les dernières réserves des Arbres Mères allant dans ton corps. Et comme je te l'ai dit, ce sont eux qui nous entravaient. Par effet de causalité, la part d'Ombre en toi présente à cause de la malédiction qui t'a affectée à moitié a dû combattre ces énergies pour se répandre. Moi-même étant Ombre, je n'ai pu que suivre le mouvement car j'étais intégré par cette partie, et non pas dans un souvenir comme je l'ai prétendu auparavant.
Lifaën se masqua le visage avec ses mains. Melindë le savait-elle réellement ? Et les Anciens ? Était-ce pour cela que Calion lui avait donné l'énergie de la forêt ? Par crainte qu'il ne devienne ceux qu'il avait combattu jadis ?
-Pourquoi ne me l'as-tu jamais dit avant ? Pourquoi tous ces mensonges ?
-Et bien vois-tu, je pensais qu'ils finiraient par te ronger au point de te faire devenir très exactement ce que je suis. Je t'aurais tout de même tout expliqué et peut-être que nous aurions pu devenir de vrais frères. Mais maintenant dis-moi, que comptes-tu faire ? Continueras-tu à combattre pour les tiens en sachant ce qu'ils ont fait ? Ou bien l'histoire prendra-t-elle un autre tournant ?
La question était à ce point rhétorique que Lifaën s'étonna que l'Ombre la lui posa. Il tenta de faire le point sur ce qu'il avait appris. Toutes ces années, il avait cherché la vérité, comme le voulait la tradition parmi les siens. C'était un but que leur avait donné les Anciens : découvrir qui ils étaient vraiment. Ironique puisqu'eux même le savaient mais qu'ils cachaient cette vérité. Et maintenant, il ignorait jusqu'à sa propre nature. Qui était-il ? Quelle race ? De même, la langue qu'il avait crû comme étant la sienne, les coutumes qu'il avait apprises, tout ceci n'était donc qu'une façade ? Et à quel point celle des Elfes qu'ils avaient quittés était différents ? De telles perspectives l'effrayaient. Comment oser retourner parmi les siens alors même qu'il en ignorait tout ? Il avait l'impression de se retrouver à ses premières leçons, où il lui fallait tout découvrir par soi-même, par tâtonnement, uniquement guidé par son instinct. C'était déroutant, ce prix qu'avait la vérité. Elle avait remise en cause tout ce à quoi il croyait.
Et pourtant ... Lifaën se sentait libéré d'un poids qui lui pesait depuis de nombreuses années. Au moins comprenait-il la motivation de ceux qu'il avait combattu et haï, de ceux qui avaient été des mentors, des exemples à suivre. Désormais, il avait accès à toutes les réponses mais de nouvelles semblaient à chaque fois se présenter à lui. Il sentait en son fort intérieur qu'il devait tenter d'y répondre, même s'il était conscient que posséder ces réponses ne le rendrait pas plus heureux, parfois même au contraire comme dans le cas présent, mais cela lui donnait un but. Trouver des réponses définissait ce qu'il était le mieux. Il n'était pas un guerrier, ni un poète ou un artisan, mais il trouvait dans le fait de découvrir des vérités cachées un point d'attache d'où il pouvait s'envoler. Son chemin lui apparaissait désormais plus clair et pour la première fois de sa vie, il comprit que, depuis toujours, il était à ses pieds. Il lui restait de nombreuses portes à ouvrir mais sa route ne faisait plus aucun doute. Oui il aiderait les siens. Le temps de terminer cette histoire était arrivé, le temps de retourner de là où il venait et de découvrir de nouvelles choses arrivait. Il ne comprenait pas très bien les implications que pourrait avoir son lien avec les Ombres dans son monde d'origine, ni son rôle éventuel dans une guerre, mais peut importe qui avaient été ses parents, une famille l'avait recueilli en sachant ce qu'il était, une sœur avait été pour lui le meilleur des remèdes, et il se refusait à leur tourner le dos.
-Ce n'est pas ma naissance qui détermine qui je suis, conclut-il, mais les choix que j'ai fait.
Il se redressa et tendit sa main en avant. Aussitôt, Alastor se matérialisa et il l'empoigna fermement. De deux gestes secs, il brisa les chaînes qui retenaient prisonnier son frère et celui-ci tomba à genoux. Lifaën lui tendit une main :
-Il en est de même pour toi. Je comprends la guerre qui fait rage entre nos deux peuples, mais j'y suis étranger, et ce que j'ai vu de toi ne reflète pas l'ennemi que les Elfes combattent. La paix est peut-être impossible dans l'autre monde, mais pas entre nous mon frère.
-Qu'attends-tu de moi ? railla l'Ombre encore sûr de lui.
-Que tu vives. Tu ne mérites pas ce qui t'es arrivé, pas plus que notre mère ou notre père. Même si nous n'avons aucune influence sur ce que nous sommes à la naissance, tu n'as pas à souffrir pour une promesse faite il y a des années de cela. Tu n'as plus à veiller sur moi.
L'Ombre écarquilla les yeux, redoutant la suite des évènements. Lifaën y décela une once d'un quelque chose qui lui était étranger en temps normal, mais il ne sut quel mot mettre dessus ce sentiment.
-En contrepartie, je te demande de devenir mon guide lorsque nous serons retourné chez nous. Acceptes-tu ?
L'esprit de Lifaën était en proie aux pires tourments qu'il pouvait imaginer. Il avait vu des choses, compris certaines, qui dépassait son entendement. Il refusait d'y croire. C'était impossible.
-Laisse moi éclairer ta lanterne dans ce cas …
L'Ombre s'agita, faisant cliqueter les chaînes qui le maintenaient prisonnier :
-Le souvenir que tu viens de voir remonte à extrêmement longtemps. Je ne peux pas te cacher non plus que ce n'est pas en ce monde que l'assemblée s'est tenue.
Le sang de Lifaën se figea. Alors c'était vrai. Il y avait bel et bien d'autres mondes et les Viéras ne venaient pas de celui-ci, ce qui impliquait une foule de complications.
-Tu n'as pas l'air surpris. Aurais-tu compris par toi-même que nous ne venions pas d'ici ?
-J'avais … des informations, souffla Lifaën.
-Je vois … Tu as dû aussi te rendre compte de la similitude entre les Viéras et les Ombres ?
Lifaën approuva d'un bref signe de la tête. C'était la première chose qu'il avait remarqué lorsqu'il avait rencontré l'Ombre. Tout portait à croire qu'ils n'étaient que la même facette d'un miroir, vue de deux côtés différents.
-La raison la voicie. Dans le monde d'où nous venons, Viéras et Ombres étaient une seule et même race. Nous étions des Elfes. L'assemblée à laquelle tu as assisté a provoqué la scission de nos destins respectifs. Ceux qui ont été banni sont devenus les Elfes Noirs. A cause de la privation de la vitalité des Arbres Mères et du réconfort de la terre, nous sommes devenus des coquilles vides, sans espoirs ni rêves d'aucune sorte, des ombres en somme.
Le jeune Viéra tressaillit. Il savait ce qu'impliquait la destruction des Arbres Mères et la perte indescriptible que cela engendrait, mais être privé de ce contact pour toujours, en sachant qu'il était tout de même existant, l'aurait rendu fou. De chagrin et de colère envers ceux qui lui aurait ôté ce à quoi il tenait.
-Mais pourquoi ? Demanda Lifaën, Pourquoi avoir fait une telle chose ?
-L'opposition seulement, répondit l'Ombre, Nous étions divisés en cette époque. Une partie d'entre-nous voulaient la guerre totale, usant de tous les moyens possibles pour l'emporter, tandis que les autres, dont je faisais parti, prônaient la paix et le dialogue. Pour cette raison, nous avons été écrasés et maudits jusqu'au dernier.
Lifaën redressa son visage. Il crut apercevoir des larmes couler sur le visage pâle de son interlocuteur. Il n'eut pas le temps de dire quoique ce soit que l'Ombre avait continué :
-Nous avons néanmoins continué à vivre, refusant de nous soumettre, et dans cette quête de liberté, certains d'entre-nous ont découvert un passage vers les autres mondes. Le miroir que tu as vu, je ne sais pas comment il était arrivé là, mais nous y avons vu une porte de salut, une possibilité de recommencer nos vies brisées. Hélas, d'autres Elfes avaient eux aussi découverts ce miroir et comptaient le détruire. Au lieu de ça, nous avons tous été transportés dans ce monde-ci, Elfes et Elfes Noirs. Nous avons alors été traqué comme toujours, et alors que nous pensions que la mort allait nous libérer, certains Elfes nous ont puni encore plus durement, si c'était possible, pour notre vanité.
Lifaën revoyait alors Calion poser sa main sur le miroir. L'avait-il fait consciemment ? Ou bien n'était-ce qu'un accident comme le prétendait le hahren ? L'Ombre eut un rire moqueur et sa voix était déformée par le ressentiment et la colère :
-Tu crois que «l'Immatériel» ou «l'Après» est un lieu unique qui dépasse le monde physique ? En réalité, ce n'est qu'un nom que les vôtres ont donné à ce lieu où les esprits vont lorsque vous rêvez où lorsque vous mourrez. L'Immatériel n'existe pas en soi. Lorsque tu rêves, tu penses que ce que tu vois est réel, que ce n'est pas une illusion. Voilà ce qu'est l'Immatériel, un lieu qui n'a de sens que pour ceux qui y sont. Il diffère selon chacun, éternellement façonné par vos pensées et vos idées lorsque vous rêvez.
-Mais …, articula Lifaën, les esprits le traversent pour aller aux Arbres Mères, ce n'est pas qu'une illusion !
-Tu ne m'as pas écouté, se moqua l'Ombre, Ce n'est qu'un nom mais cela ne veux pas dire qu'il «n'existe» pas. Tout comme vous vous êtes nommé Viéra ou tout comme vous avez crée une langue pour vous persuader que ce monde est bien le vôtre, l'Immatériel n'existe que parce que vous l'avez décidé. Personne n'est jamais revenu après s'être lié aux Arbres Mères pour témoigner d'une zone «tampon». De même, vous êtes incapables de donner une définition concrète de ce qu'est l'Immatériel pour la bonne et simple raison que ce serait tenter d'expliquer pourquoi nous avons les oreilles pointues. Le nom lui-même exprime votre insuffisance en la matière. Ce lieu est indéfinissable. Il est et n'est pas en même temps. C'est un concept qui vous glisse entre les doigts auquel vous avez tentez d'accoler un nom pour vous façonner une nouvelle culture après avoir lâchement abandonné le culte de vos dieux.
Lifaën était effaré. Il ne savait pas s'il devait croire ce qu'il entendait, où s'il devait se raccrocher à ce qu'il savait. Malgré ses doutes, il ne pouvait s'empêcher de déceler une parcelle de vérité dans ce que disait l'Ombre. Personne n'avait vraiment expliqué ce qu'était l'Immatériel. Lui-même s'était persuadé qu'il s'agissait d'un monde, d'un lieu spirituel, alors que finalement, ce n'était qu'une chimère, un rêve illusoire.
-Le Voile que tu penses traverser, c'est ton esprit qui l'a inventé. Il est capable de se persuader des pires calomnies du moment qu'on y passe le temps et l'énergie. Vous avez été cantonné dès votre enfance pour croire à ces choses. Et c'est dans ce non-lieu que nous ont enfermé les Elfes qui sont venus ici. Ceux qui leur avaient résisté ont été dépouillés de leur corps pour terminer comme des esprits oniriques, contraints de n'être que des souvenirs, des êtres éthérés et sans but. Pour être sûr que nous n'en réchapperont pas, ils ont scellé nos corps avec la magie des Arbres Mères. Tant qu'ils étaient debout, il nous était impossible d'y retourner.
-Mais, Versipelle …
-Arrête avec ce stupide Versipelle, s'exclama l'Ombre en colère, Il n'existe pas non plus ! Tu ne comprends donc pas ? Tout ce que tu pensais vrai n'est que mensonge. Vos Anciens vous ont inculqué le culte de Versipelle pour oublier vos anciens dieux, pour retenter de bâtir de nouvelles légendes et de nouveaux contes, conscient qu'ils ne pourraient rentrer chez eux. Vos esprits ainsi confinés ont imaginé un mythe, un esprit bienveillant de la forêt, esprit qui a prit forme dans ta tête dès le moment où Calion a infusé les dernières énergies des Arbres Mères en toi !
L'Ombre ricana de nouveau. Il semblait jouir de l'impact qu'avait ses paroles sur Lifaën. Tout ce qu'il disait, il l'avait contenu durant tout ce temps et aujourd'hui, il avait la possibilité de tout dévoiler et de détruire le seul qui se tenait encore devant lui.
-Cette énergie qui s'est matérialisée en Versipelle, que tu pensais réelle, était une sorte de bouclier m'empêchant de prendre ton contrôle. Car contrairement à ce que tu pourrais croire, nous n'avons pas cessé de nous battre. Nous voulions récupérer le semblant de vie qui nous avait été retiré. Pour cela, dès que vous vous ouvriez au rêve, nous tentions de nous infiltrer dans vos esprits pour en prendre le contrôle. D'après toi, pourquoi si peu des tiens dorment réellement ? Parce qu'ils ont peur de nous ! Et ne crois pas que nous en ignorions les conséquences. La transformation en «Abomination» comme vous vous plaisez à les appeler, était l'action des Arbres Mères pour s'assurer que vous tuiez ceux qui étaient contrôlés. Un sacrifice honorable en soi. Mais, ils nous permettaient de nous faire craindre alors même que nous étions intouchable. La punition des Anciens nous a finalement été profitable tu vois. Nous existions dans vos cauchemars sans que vous puissiez affirmer réellement notre présence.
-Tu as donc menti, comprit Lifaën en se redressant d'avantage, Tu as menti quand tu as prétendu vouloir nous prévenir de notre destruction !
-Il faut croire que tu n'es pas encore devenu fou par ces révélations, pouffa l'Ombre, Oui j'ai menti. La seule chose qui nous importait, c'était de vivre, même toi tu peux le comprendre ! Lors, la destruction des Arbres Mères nous a permis de retourner à nos corps.
Cette fois-ci, l'Ombre baissa le visage, mu par une tristesse aussi soudaine qu'impensable :
-Ce que nous n'avions pas pensé, c'était pourquoi les Arbres Mères avaient cessé de maintenir nos corps sous scellé. Étaient-ils morts ? Nous n'en savions rien, mais nous avons tenté notre chance, sauf moi. Tous mes amis ont retrouvé leur corps, mais à quel prix ? La plupart se retrouvaient avec un corps brûlé, mutilé, et certains se réveillaient en train de se faire dévorer par des bêtes sauvages …
Lifaën essayait de s'imaginer ce que l'ont pouvait ressentir lorsque l'on retrouvait son corps après avoir passé des années sous la forme d'esprit, mais que celui-ci n'était plus en mesure de nous supporter. Ils avaient dû mourir dans d'atroce souffrances.
-Mais pourquoi n'es-tu pas retourné au tien ?
-Pourquoi ? Répéta l'Ombre avec une pointe de folie de la voix, Parce que j'avais encore une chose à faire. Il fallait que je m'assure que la seule famille qui me restait soit encore en vie.
Sans prévenir, une violente douleur irradia l'arrière du crâne de Lifaën. Il tentait de la maîtriser, de garder le contrôle sur lui, mais il n'y parvenait pas. Et la présence de l'Ombre à ses côtés qui lui murmurait «Oui, rappelle-toi qui tu es ...» n'était pas pour l'aider. D'abord, il vit la femme que consolait l'Ombre, puis, un homme qui la tenait par la taille. Ils étaient encore Elfes à juger par leur teint et leur allure. A leurs côtés, un enfant qui rayonnait de joie. Puis, l'enfant, devenu adulte, se retrouva à côté de la femme qui était enceinte et tentait de l'apaiser après que la malédiction eut été prononcée. Le père était absent. Lorsque Lifaën revint à lui, il se rendit compte qu'il était étendu au sol et que ses joues étaient humidifiées par les larmes. Les siennes jugea-t-il. Il se releva, non sans mal, et nota que les chaînes qui retenait l'Ombre était plus petite qu'auparavant, mais qu'elles l'empêchaient toujours de se mouvoir.
-Alors ? N'est-ce pas là ce que tu voulais jeune Lifaën, fit l'Ombre d'une voix de nouveau glaciale, savoir qui étaient tes parents ? La femme que tu as vu, c'était ma mère. Et l'enfant, ce n'était pas toi, c'était moi.
-J... Je ne vois pas … Je ne vois pas en quoi cela me concerne …
-Mais en tout voyons. N'as-tu pas remarqué que ma mère était enceinte ? Et devine qui était l'enfant à l'intérieur ?
Lifaën tomba à la renverse, ses jambes ne le soutenant plus. Alors voilà. C'était la raison qui avait fait qu'il avait refoulé ce souvenir. Ses parents étaient des Elfes Noirs ! Mais comment ? Pourquoi n'en était-il pas un lui aussi ?
-Et oui Lifaën, je suis ton frère.
Sous le choc, il se sentit nauséeux. Il voulait que la torture de son esprit cesse. C'était impossible. Tant de choses à remettre en cause. Il s'y refusait et pourtant, le pieux de la vérité s'abattait sur lui avec la force d'un titan, l'écrasant et ne lui laissant aucun échappatoire.
-Notre père, reprit l'Ombre, ce lâche, nous a abandonné lorsqu'il a vu la tournure des évènements. Il avait de la famille parmi ceux qui cautionnaient la guerre, et il a pu en réchapper, nous abandonnant tous les trois à notre sort. Tu ne peux pas même imaginer ma joie lorsque j'ai découvert que notre mère était enceinte. Un enfant, don si rare, allait être mon frère. Je m'étais juré de te protéger quoiqu'il arriverait par la suite, d'être le meilleur frère qu'il pouvait exister et de ne jamais te faire de mal. C'est cette promesse qui est la cause de ma présence ici. Elle me rattache à toi, car je l'avais faite dans une langue qui ne tolère pas le parjure.
-Mais tu as tenté de me tuer ! Hurla Lifaën décomposé, Tu as voulu … me contrôler à …
-Encore un mensonge, coupa l'Ombre, Je n'ai jamais voulu ton mal. Ou du moins, je ne pouvais t'en faire. C'est toi même qui te battait, seul contre cette marque de la forêt. L'Ombre qui lutte contre l'Ombre …
Il laisse un bref silence, le temps de reprendre sa respiration, et reprit :
-Tu te demandes peut-être pourquoi tu n'es pas un Ombre ? Peut-être à cause de notre père. S'il en avait été un, tu en serais un aussi. Mais comme il nous a jeté comme de la vulgaire piétaille, conservant de ce fait le statut d'Elfe, il semblerait que cela ai «contré» la malédiction si je puis dire … Honnêtement, je pense plutôt que c'est à cause de cette marque. Lorsqu'elle t'a été faite, ce que tu as cru comme le passage de Versipelle dans ton corps, était en réalité les dernières réserves des Arbres Mères allant dans ton corps. Et comme je te l'ai dit, ce sont eux qui nous entravaient. Par effet de causalité, la part d'Ombre en toi présente à cause de la malédiction qui t'a affectée à moitié a dû combattre ces énergies pour se répandre. Moi-même étant Ombre, je n'ai pu que suivre le mouvement car j'étais intégré par cette partie, et non pas dans un souvenir comme je l'ai prétendu auparavant.
Lifaën se masqua le visage avec ses mains. Melindë le savait-elle réellement ? Et les Anciens ? Était-ce pour cela que Calion lui avait donné l'énergie de la forêt ? Par crainte qu'il ne devienne ceux qu'il avait combattu jadis ?
-Pourquoi ne me l'as-tu jamais dit avant ? Pourquoi tous ces mensonges ?
-Et bien vois-tu, je pensais qu'ils finiraient par te ronger au point de te faire devenir très exactement ce que je suis. Je t'aurais tout de même tout expliqué et peut-être que nous aurions pu devenir de vrais frères. Mais maintenant dis-moi, que comptes-tu faire ? Continueras-tu à combattre pour les tiens en sachant ce qu'ils ont fait ? Ou bien l'histoire prendra-t-elle un autre tournant ?
La question était à ce point rhétorique que Lifaën s'étonna que l'Ombre la lui posa. Il tenta de faire le point sur ce qu'il avait appris. Toutes ces années, il avait cherché la vérité, comme le voulait la tradition parmi les siens. C'était un but que leur avait donné les Anciens : découvrir qui ils étaient vraiment. Ironique puisqu'eux même le savaient mais qu'ils cachaient cette vérité. Et maintenant, il ignorait jusqu'à sa propre nature. Qui était-il ? Quelle race ? De même, la langue qu'il avait crû comme étant la sienne, les coutumes qu'il avait apprises, tout ceci n'était donc qu'une façade ? Et à quel point celle des Elfes qu'ils avaient quittés était différents ? De telles perspectives l'effrayaient. Comment oser retourner parmi les siens alors même qu'il en ignorait tout ? Il avait l'impression de se retrouver à ses premières leçons, où il lui fallait tout découvrir par soi-même, par tâtonnement, uniquement guidé par son instinct. C'était déroutant, ce prix qu'avait la vérité. Elle avait remise en cause tout ce à quoi il croyait.
Et pourtant ... Lifaën se sentait libéré d'un poids qui lui pesait depuis de nombreuses années. Au moins comprenait-il la motivation de ceux qu'il avait combattu et haï, de ceux qui avaient été des mentors, des exemples à suivre. Désormais, il avait accès à toutes les réponses mais de nouvelles semblaient à chaque fois se présenter à lui. Il sentait en son fort intérieur qu'il devait tenter d'y répondre, même s'il était conscient que posséder ces réponses ne le rendrait pas plus heureux, parfois même au contraire comme dans le cas présent, mais cela lui donnait un but. Trouver des réponses définissait ce qu'il était le mieux. Il n'était pas un guerrier, ni un poète ou un artisan, mais il trouvait dans le fait de découvrir des vérités cachées un point d'attache d'où il pouvait s'envoler. Son chemin lui apparaissait désormais plus clair et pour la première fois de sa vie, il comprit que, depuis toujours, il était à ses pieds. Il lui restait de nombreuses portes à ouvrir mais sa route ne faisait plus aucun doute. Oui il aiderait les siens. Le temps de terminer cette histoire était arrivé, le temps de retourner de là où il venait et de découvrir de nouvelles choses arrivait. Il ne comprenait pas très bien les implications que pourrait avoir son lien avec les Ombres dans son monde d'origine, ni son rôle éventuel dans une guerre, mais peut importe qui avaient été ses parents, une famille l'avait recueilli en sachant ce qu'il était, une sœur avait été pour lui le meilleur des remèdes, et il se refusait à leur tourner le dos.
-Ce n'est pas ma naissance qui détermine qui je suis, conclut-il, mais les choix que j'ai fait.
Il se redressa et tendit sa main en avant. Aussitôt, Alastor se matérialisa et il l'empoigna fermement. De deux gestes secs, il brisa les chaînes qui retenaient prisonnier son frère et celui-ci tomba à genoux. Lifaën lui tendit une main :
-Il en est de même pour toi. Je comprends la guerre qui fait rage entre nos deux peuples, mais j'y suis étranger, et ce que j'ai vu de toi ne reflète pas l'ennemi que les Elfes combattent. La paix est peut-être impossible dans l'autre monde, mais pas entre nous mon frère.
-Qu'attends-tu de moi ? railla l'Ombre encore sûr de lui.
-Que tu vives. Tu ne mérites pas ce qui t'es arrivé, pas plus que notre mère ou notre père. Même si nous n'avons aucune influence sur ce que nous sommes à la naissance, tu n'as pas à souffrir pour une promesse faite il y a des années de cela. Tu n'as plus à veiller sur moi.
L'Ombre écarquilla les yeux, redoutant la suite des évènements. Lifaën y décela une once d'un quelque chose qui lui était étranger en temps normal, mais il ne sut quel mot mettre dessus ce sentiment.
-En contrepartie, je te demande de devenir mon guide lorsque nous serons retourné chez nous. Acceptes-tu ?
Lifaën- Age : 31
Messages : 23
Re: Chapitre 5 : La recherche de la Vérité
«Tu es malin.
-Pourquoi donc ?
-Tu t'assures de mon aide sans me délier totalement de ma promesse. Tu joues finement avec les mots pour quelqu'un qui ne connait pas ses origines.
-J'ai simplement appris. Et même si je t'avais libéré totalement, j'ose croire que tu m'aurais montré de la gratitude.
-Gratitude … Voilà un bien étrange mot. Espérons que tu n'aies pas à le regretter.
-Je l'espère aussi.»
Lifaën ressassait sans cesse ce qu'il avait appris durant son passage dans son esprit. Car après tout, c'était bien là la cause du problème : l'esprit. Il avait une prise incroyable sur le reste du corps et restait néanmoins la partie que l'on connaissait le moins. De même, il sentait en lui que Versipelle n'était plus aussi présent qu'à l'ordinaire. L'Ombre avait donc raison. C'est lui qui s'était façonné cette image. Il savait que l'énergie de la forêt était présente, mais il la ressentait comme un fleuve calme et tranquille, sans forme apparente, et cela le soulageait dans un certains sens : il se sentait libéré. Il n'avait plus à se soucier de l'esprit ou de toutes les autres croyances de siens. Pour le moment, il pouvait enfin agir selon ce que lui-même jugeait bon, et non pas pour plaire à une entité supérieure. Mais lorsqu'il repensait à tous ceux qui continuaient de se baigner dans ces illusions, il se demandait s'ils ne deviendraient pas fous lorsqu'ils apprendraient la vérité. Tous croyaient dur comme fer à leur dogme, mais ce n'était que mensonge. Lifaën avait croisé quelques habitations d'humains qui semblaient vouer un culte à quelques dieux supérieurs lors de son séjour à Nimong. Et si c'en était de même pour eux ? Pour tout le monde ? La foi imposerait donc force aveuglement sans rien donner en retour ? Ce serait ça, la «religion» ? Dans ce cas jugea-t-il, l'auto-persuasion était assurément un moyen des plus efficaces pour s'assurer de la fidélité des croyants qui interprétaient chaque fait hors du commun comme étant un miracle ou le fruit d'une intervention divine. Il repoussa fermement l'idée de son ascendance et les questions concernant ce qu'il était vraiment dans un coin de sa tête pour y répondre plus tard, et il ne se rendit pas même compte qu'à force de marcher en réfléchissant, il était arrivé au pied de l'arbre ou Elenwë attendait le signal.
-Tu es de retour iethallän ! lança-t-il guilleret, Pas de traces du messager ?
-Vous n'avez toujours pas reçu de signal depuis tout ce temps ? Répliqua Lifaën en s'asseyant à côté de son ami.
«Lui aussi y croit» pensa-t-il alors. Pourrait-il supporter la vérité comme lui l'avait fait ? Et était-il au courant pour sa «nature» ? Lifaën se promit d'aller voir Melindë pour lui en toucher deux mots avant le début de la bataille.
-Tout ce temps ? Répéta Elenwë en souriant, Ton voyage chez les shems t'a fait perdre la tête iethallän ! Cela ne fait que dix minutes que tu t'es absenté.
Lifaën eut du mal à croire que cela faisait aussi peu de temps qu'il était parti. Lui avait plutôt eu l'impression d'y passer plusieurs heures mais lorsqu'il regarda la course du soleil dans le ciel et qu'il s'aperçut qu'il n'avait pratiquement pas bougé, il dû convenir de son erreur.
-Peut-être, soupira-t-il enfin.
-Ça ne va pas ? Tu es bien pâle.
-Un peu de lassitude surement, assura-t-il sans conviction, Ce n'est rien.
Elenwë arqua une réponse mais se tut lorsque Fenris vint se poser aux pieds de Lifaën. Il avait le ventre rebondi, témoin d'une chasse fructueuse. Il le caressa avec un air ébahi après avoir attendu que l'animal le flaire et fit :
-Tu as bien de la chance d'avoir pareil compagnon iethallän. Les Mabaris sont de vrais foudres de guerre selon les Anciens.
Lifaën garda le silence. Tout ce qui avait lien avec la culture ou les connaissances des Anciens sur les Viéras qu'il était, ou n'était pas, le mettait mal à l'aise et il ne savait plus comment réagir. Opiner ou bien ne rien dire. Pour ne pas blesser son ami d'une certaine indifférence, il répondit :
-Il sera surement meilleur que moi en tout cas.
-Allons, allons ! Toi aussi tu sais te démener quand il le faut ! J'espère seulement que nous pourrons limiter les pertes.
-Moi aussi …
Tous deux ne dirent plus un mot durant plusieurs minutes. Elenwë se penchait de temps à autre pour tenter d'apercevoir le moindre signe d'un message. Le hahren n'avait pas donné de précisions sur la nature de ce message pour garder un coup d'avance sur les humains, mais que feraient-ils si rien ne leur parvenait ? Lifaën annonça qu'il allait retrouver Melindë et son ami l'informa qu'elle était probablement en train de calmer les hahl.
-Si tu veux des conseils, n'hésite pas ! Plaisanta-t-il volontairement à forte voix tandis que Lifaën s'éloignait.
Ce dernier ne releva pas mais il s'empourpra dans une branche et manqua de tomber au sol, provoquant une crise de fou rire chez son ami. Pour se cacher de son embarra autant que pour se hâter avant le début de la bataille, Lifaën accéléra le pas à la recherche du troupeau des hahl. Il les trouva ainsi que Melindë un peu plus loin dans le reste de la forêt en train de brouter les quelques herbes rances qui arrivaient à percer la terre. Il s'approcha lentement, talonné par Fenris, en se triturant les doigts et se fit remarquer par un hahl qui poussa un gémissement.
-Je vois que tu n'as quand même pas perdu ton habitude de voir les hahl, constata Melindë en se retournant.
-C'est … oui.
Il voulait lui cacher que c'était principalement pour elle qu'il était là. Il fut un temps où il passait beaucoup de temps en compagnie de ces superbes créatures, à caresser leur doux pelage ou simplement à s'allonger à côté d'elles en regardant les nuages. Aujourd'hui, c'était différent. Il tentait de se détacher progressivement de tout ce qu'il avait connu afin de supporter plus facilement le retour dans leur monde et mieux repartir de zéro.
-Mais je pense que tu ne viens pas que pour cela, reprit-elle, Quelque chose ne va pas ?
Elle s'assit par terre et invita Lifaën à la rejoindre. Ce dernier avança lentement et finit par s'assoir à son tour.
-Hé bien … Je ne sais pas vraiment par où commencer en fait.
-Vide ton esprit de tout ce qui ne concerne pas l'essentiel et tu y verras plus clair, conseilla Melindë.
-Si seulement il y avait autre chose que «l'essentiel».
Il joua nerveusement avec une brindille sèche et ocre, cherchant l'inspiration, un point d'accroche par où partir. Et essayer de se vider la tête n'y arrangerait rien. A chaque fois qu'il essayait, il revoyait les souvenir de l'Ombre jaillir. Finalement, à court d'idée, il prit une profonde inspiration et dit :
-Mes parents, je sais ce qu'ils sont. Qui ils sont.
Melindë ne répondit pas tout de suite, se contentant simplement de le regarder bien dans les yeux.
-Comment l'as-tu découvert ? Demanda-t-elle finalement.
-Ce … n'est pas simple à expliquer. Je peux juste te dire que je sais qu'ils étaient … enfin … des Ombres. Ma mère en tout cas. Et … que mon père …
-Était un simple Viéra ?
-Oui. Oui, c'est ça.
Lifaën brisa sa brindille sous l'émotion. Il devait jouer avec les non-dits comme jamais et ce n'était pas une chose facile. Il se refusait à lui mentir, mais ne pouvait pas lui dire entièrement la vérité. Comment être sûr qu'elle le croirait ? Et puis, ils n'avaient pas le temps pour ça. Il voulait simplement se délester partiellement de son fardeau, se confier à quelqu'un qu'il connaissait bien.
-Je suis désolée de ne rien t'avoir dit, fit Melindë en baissant la tête, Les Anciens nous avaient fait promettre à Elenwë et à moi de ne rien te révéler jusqu'à ce que tu le découvres par toi-même.
-Je suppose que cela faisait parti de leur rite d'initiation, ironisa-t-il.
Melindë redressa vivement la tête, une expression d'une certaine incompréhension sur le visage. Lifaën ne sut que hausser des épaules et détourner le regard. Ils restèrent ainsi silencieux, écoutant le braillement des hahl dont la nervosité avançait avec l'heure de la bataille approchant ou encore la lente et profonde respiration de Fenris qui, au contraire, ne semblait pas s'en inquiéter outre mesure.
-Fenarel et Velanna … Le savaient-ils ?
Fenarel et Velanna avaient été les parents de Lifaën durant sa vie dans la forêt. Ils les avaient toujours considéré comme ses géniteurs, de même que Firiel comme étant sa sœur, et jamais il n'avait tenté d'en voir autrement. Aujourd'hui, les différences qu'il avait avec eux apparaissaient avec plus de clarté.
-Non. Ils t'ont recueilli bébé après que Calion t'ai retrouvé dans la forêt. Il revenait de chasse. Je m'en souviens car même si j'étais très jeune à l'époque, la chose qui m'avait le plus marquée, c'était qu'il était vêtu de son armure et qu'il était couvert de sang. Elenwë et moi avons surpris une conversation des Anciens alors que nous nous entrainions tous les trois. Et avant qu'ils aient pu nous faire jurer de ne rien dire, nous t'avions annoncés que tu étais le fils d'une Ombre. Ta réaction était … incroyable. Tu as tout nié en bloc et tu as cessé de parler durant plusieurs semaines. Au final, plus personne n'a jamais évoqué le sujet depuis.
Lifaën resta coi. Il se souvenait désormais de la tournure des évènements. Il s'entrainait avec son ami qui s'absenta quelques instants plus tard avec Melindë. Puis, ils revenaient, la mine sombre, et lui annonçaient la nouvelle. C'était effectivement ce jour là qu'il avait vu dans ses souvenirs, ce jour là qu'il avait refoulé l'information. Cela le sidérait. Lui qui pensait si bien connaître ses amis, voilà qu'il découvrait qu'eux en savait plus sur son passé que lui. Il n'était pas mécontent d'avoir désormais une longueur d'avance, mais que toutes ses années son ami Elenwë lui ai caché la vérité le laissait sans voix. Il comprenait davantage Melindë. Son rôle de seconde du hahren nécessitait de cacher des secrets, même si elle aussi était masquée par des illusions, et elle fut néanmoins une professeur attentive. La plus jeune qu'il eut connu d'ailleurs. Elle n'avait que quelques dizaine d'année de plus que lui, mais restait un élément extrêmement doué parmi les siens. Lifaën se sentit alors extrêmement décontracté. Plus que d'ordinaire. C'était quelque peu troublant juste avant une bataille, mais il n'y pouvait rien. Il aurait voulu que cette paix, cette sérénité ne s'arrête jamais, qu'elle n'ait jamais cessée d'être. Il dû avoir du mal à se contrôler car Melindë, gênée par ce silence, se releva et détourna la conversation :
-Bon, et bien il est temps d'arnacher les hahl. Le signal ne devrait pas tarder.
Lifaën se triturait les mains, ne sachant que faire ou plutôt, si ce qu'il avait en tête devait être fait. Finalement, il se ravisa et quitta Melindë avec un goût de cendre dans la bouche.
«Tu es un lâche», railla l'Ombre dans un coin de sa tête.
Lifaën l'expulsa aussi loin qu'il le put avec une force incroyable et se hâta là où se trouvait Elenwë. Fenris avait emboité le pas, lançant des jappement joyeux. Il ressemblait vraiment à son ami dans ce genre de situation : moqueur et dérangeant. Lifaën trouva Elenwë assit en train de contempler le tranchant de son épée. En temps normal, il aurait lancé des commentaires d'approbation quant à la qualité d'une telle lame, courbée et brillante comme l'argent, mais lorsqu'il vit Lifaën arriver en courant suivi de près par son compagnon, il explosa de rire :
-Alors … ça y est …, gloussa-t-il entre deux fous rire, Tu t'es …
Il n'eut même pas terminé sa phrase que Fenris gronda pour le faire taire. L'effet fut immédiat et à la vue des canines impressionnantes du Mabari, l'hilarité d'Elenwë s'envola aussi vite qu'elle était apparue.
-Désolé iethallän, mais tu dégages tellement d'ondes contradictoires qu'il n'est pas difficile de savoir ce que tu as fait ! Alors, c'était comment ?
-Il ne s'est rien passé, répondit Lifaën en s'installant prêt de lui.
-Vraiment ? Hé bien on ne dirait pas pourtant.
D'autres Viéras étaient apparus pour voir d'où émanait une telle aura et lorsqu'ils virent Lifaën, il se détournèrent sans poser de question, certains choqués par ce manque de contrôle, d'autres au contraire amusé par l'ironie de la situation, mais tous évitèrent soigneusement les crocs de Fenris.
Elenwë lui tendit une outre en cuir et lorsque Lifaën avala une gorgée, il reconnut d'emblée le Feywine qui lui brula le gosier. Malgré tout, il en avala une seconde avec une grimace en espérant que ses jambes ne cessent de flageoler et surtout, pour oublier. Ses mains humides tremblaient toujours et son cœur battait encore à un rythme infernal.
-En tout cas, il faudra de décider à un moment où à un autre, fit Elenwë en buvant à son tour, Enfouir ses sentiments n'est jamais bon.
Lifaën opina et organisa ses pensée en se calmant progressivement. Il se rappela alors les quelques visions qu'il avait eu et qui semblaient corroborer avec ce qu'il ressentait. Deux fois il lui semblait avoir vu Melindë près de lui. Lorsqu'il avait parlé à «Versipelle» et lorsqu'il s'était réveillé après la fête des siens. Mais peut-être n'était-ce que la matérialisation de ses désirs les plus profonds. Ou alors, la fatigue qui lui faisait s'imaginer des choses impensables. Il n'en savait rien et décida d'aviser après la bataille, si toutefois il était en vie. Puis, il décida de penser à autre chose. Il voulait éloigner ses pensées de ce moment troublant et demanda à Elenwë :
-Tu savais toi aussi pour mes parents pas vrai ?
Elenwë arrêta de boire. Il avait l'air plus soucieux d'aborder ce sujet que lorsqu'il l'avait fait la première fois. L'âge et le gain de maturité y était surement pour quelque chose.
-Tu as dû en parler à Melindë.
-Oui. Et elle m'a dit que tu étais aussi au courant. Depuis longtemps en fait.
-Tu sais aussi qu'on t'en a parlé, se défendit-il, et nous avons voulu recommencer après. Mais nous étions tenu … c'est difficile à expliquer mais la promesse que nous avions faite, nous ne pouvions pas s'en délier. Nous avions peur de ce qui arriverait si nous essayions. Tu ne nous en veux pas ?
Lifaën doutait de sa réponse. Une partie de lui ne pouvait pas leur en tenir rigueur. Il avait appris la vérité mais c'était uniquement sa faute s'il ne put s'en rappeler par la suite. Il l'avait caché par honte. De l'autre, il ne comprenait pas ce que signifiait cette promesse. Avait-elle un pouvoir particulier pour empêcher quelqu'un de la briser ?
«C'est exactement la même chose que j'ai faite à notre mère, expliqua l'Ombre, Vos Anciens ont dû la faire prononcer dans leur langue natale»
Un tel pouvoir dans une simple langue ? Décidément, il avait encore de nombreuses choses à apprendre sur son monde d'origine.
-Non, bien sûr que non, répondit-il finalement, Ce n'est pas vous qui avez fait ce que je suis.
-Tant mieux, soupira Elenwë rassuré, Nous avions peur que tu nous maudisses après l'avoir découvert par toi-même. Mais ne t'inquiète pas, cela n'a jamais changé ce que je pensais de toi iethallän. Après tout, je suis devenu ton ami avant de savoir ce que tu étais puisque je n'étais encore qu'un bébé aussi quand Calion t'a ramené.
A peine Elenwë avait-il finit de parler qu'une flèche vint se planter juste à ses pieds. Un rouleau de papier blanc était enroulé autour et il s'en empara rapidement pour le lire. Après une rapide inspection, un sourire farouche étira son visage et il lança :
-Va prévenir les autres, voici enfin le message que nous attendions.
-Pourquoi donc ?
-Tu t'assures de mon aide sans me délier totalement de ma promesse. Tu joues finement avec les mots pour quelqu'un qui ne connait pas ses origines.
-J'ai simplement appris. Et même si je t'avais libéré totalement, j'ose croire que tu m'aurais montré de la gratitude.
-Gratitude … Voilà un bien étrange mot. Espérons que tu n'aies pas à le regretter.
-Je l'espère aussi.»
Lifaën ressassait sans cesse ce qu'il avait appris durant son passage dans son esprit. Car après tout, c'était bien là la cause du problème : l'esprit. Il avait une prise incroyable sur le reste du corps et restait néanmoins la partie que l'on connaissait le moins. De même, il sentait en lui que Versipelle n'était plus aussi présent qu'à l'ordinaire. L'Ombre avait donc raison. C'est lui qui s'était façonné cette image. Il savait que l'énergie de la forêt était présente, mais il la ressentait comme un fleuve calme et tranquille, sans forme apparente, et cela le soulageait dans un certains sens : il se sentait libéré. Il n'avait plus à se soucier de l'esprit ou de toutes les autres croyances de siens. Pour le moment, il pouvait enfin agir selon ce que lui-même jugeait bon, et non pas pour plaire à une entité supérieure. Mais lorsqu'il repensait à tous ceux qui continuaient de se baigner dans ces illusions, il se demandait s'ils ne deviendraient pas fous lorsqu'ils apprendraient la vérité. Tous croyaient dur comme fer à leur dogme, mais ce n'était que mensonge. Lifaën avait croisé quelques habitations d'humains qui semblaient vouer un culte à quelques dieux supérieurs lors de son séjour à Nimong. Et si c'en était de même pour eux ? Pour tout le monde ? La foi imposerait donc force aveuglement sans rien donner en retour ? Ce serait ça, la «religion» ? Dans ce cas jugea-t-il, l'auto-persuasion était assurément un moyen des plus efficaces pour s'assurer de la fidélité des croyants qui interprétaient chaque fait hors du commun comme étant un miracle ou le fruit d'une intervention divine. Il repoussa fermement l'idée de son ascendance et les questions concernant ce qu'il était vraiment dans un coin de sa tête pour y répondre plus tard, et il ne se rendit pas même compte qu'à force de marcher en réfléchissant, il était arrivé au pied de l'arbre ou Elenwë attendait le signal.
-Tu es de retour iethallän ! lança-t-il guilleret, Pas de traces du messager ?
-Vous n'avez toujours pas reçu de signal depuis tout ce temps ? Répliqua Lifaën en s'asseyant à côté de son ami.
«Lui aussi y croit» pensa-t-il alors. Pourrait-il supporter la vérité comme lui l'avait fait ? Et était-il au courant pour sa «nature» ? Lifaën se promit d'aller voir Melindë pour lui en toucher deux mots avant le début de la bataille.
-Tout ce temps ? Répéta Elenwë en souriant, Ton voyage chez les shems t'a fait perdre la tête iethallän ! Cela ne fait que dix minutes que tu t'es absenté.
Lifaën eut du mal à croire que cela faisait aussi peu de temps qu'il était parti. Lui avait plutôt eu l'impression d'y passer plusieurs heures mais lorsqu'il regarda la course du soleil dans le ciel et qu'il s'aperçut qu'il n'avait pratiquement pas bougé, il dû convenir de son erreur.
-Peut-être, soupira-t-il enfin.
-Ça ne va pas ? Tu es bien pâle.
-Un peu de lassitude surement, assura-t-il sans conviction, Ce n'est rien.
Elenwë arqua une réponse mais se tut lorsque Fenris vint se poser aux pieds de Lifaën. Il avait le ventre rebondi, témoin d'une chasse fructueuse. Il le caressa avec un air ébahi après avoir attendu que l'animal le flaire et fit :
-Tu as bien de la chance d'avoir pareil compagnon iethallän. Les Mabaris sont de vrais foudres de guerre selon les Anciens.
Lifaën garda le silence. Tout ce qui avait lien avec la culture ou les connaissances des Anciens sur les Viéras qu'il était, ou n'était pas, le mettait mal à l'aise et il ne savait plus comment réagir. Opiner ou bien ne rien dire. Pour ne pas blesser son ami d'une certaine indifférence, il répondit :
-Il sera surement meilleur que moi en tout cas.
-Allons, allons ! Toi aussi tu sais te démener quand il le faut ! J'espère seulement que nous pourrons limiter les pertes.
-Moi aussi …
Tous deux ne dirent plus un mot durant plusieurs minutes. Elenwë se penchait de temps à autre pour tenter d'apercevoir le moindre signe d'un message. Le hahren n'avait pas donné de précisions sur la nature de ce message pour garder un coup d'avance sur les humains, mais que feraient-ils si rien ne leur parvenait ? Lifaën annonça qu'il allait retrouver Melindë et son ami l'informa qu'elle était probablement en train de calmer les hahl.
-Si tu veux des conseils, n'hésite pas ! Plaisanta-t-il volontairement à forte voix tandis que Lifaën s'éloignait.
Ce dernier ne releva pas mais il s'empourpra dans une branche et manqua de tomber au sol, provoquant une crise de fou rire chez son ami. Pour se cacher de son embarra autant que pour se hâter avant le début de la bataille, Lifaën accéléra le pas à la recherche du troupeau des hahl. Il les trouva ainsi que Melindë un peu plus loin dans le reste de la forêt en train de brouter les quelques herbes rances qui arrivaient à percer la terre. Il s'approcha lentement, talonné par Fenris, en se triturant les doigts et se fit remarquer par un hahl qui poussa un gémissement.
-Je vois que tu n'as quand même pas perdu ton habitude de voir les hahl, constata Melindë en se retournant.
-C'est … oui.
Il voulait lui cacher que c'était principalement pour elle qu'il était là. Il fut un temps où il passait beaucoup de temps en compagnie de ces superbes créatures, à caresser leur doux pelage ou simplement à s'allonger à côté d'elles en regardant les nuages. Aujourd'hui, c'était différent. Il tentait de se détacher progressivement de tout ce qu'il avait connu afin de supporter plus facilement le retour dans leur monde et mieux repartir de zéro.
-Mais je pense que tu ne viens pas que pour cela, reprit-elle, Quelque chose ne va pas ?
Elle s'assit par terre et invita Lifaën à la rejoindre. Ce dernier avança lentement et finit par s'assoir à son tour.
-Hé bien … Je ne sais pas vraiment par où commencer en fait.
-Vide ton esprit de tout ce qui ne concerne pas l'essentiel et tu y verras plus clair, conseilla Melindë.
-Si seulement il y avait autre chose que «l'essentiel».
Il joua nerveusement avec une brindille sèche et ocre, cherchant l'inspiration, un point d'accroche par où partir. Et essayer de se vider la tête n'y arrangerait rien. A chaque fois qu'il essayait, il revoyait les souvenir de l'Ombre jaillir. Finalement, à court d'idée, il prit une profonde inspiration et dit :
-Mes parents, je sais ce qu'ils sont. Qui ils sont.
Melindë ne répondit pas tout de suite, se contentant simplement de le regarder bien dans les yeux.
-Comment l'as-tu découvert ? Demanda-t-elle finalement.
-Ce … n'est pas simple à expliquer. Je peux juste te dire que je sais qu'ils étaient … enfin … des Ombres. Ma mère en tout cas. Et … que mon père …
-Était un simple Viéra ?
-Oui. Oui, c'est ça.
Lifaën brisa sa brindille sous l'émotion. Il devait jouer avec les non-dits comme jamais et ce n'était pas une chose facile. Il se refusait à lui mentir, mais ne pouvait pas lui dire entièrement la vérité. Comment être sûr qu'elle le croirait ? Et puis, ils n'avaient pas le temps pour ça. Il voulait simplement se délester partiellement de son fardeau, se confier à quelqu'un qu'il connaissait bien.
-Je suis désolée de ne rien t'avoir dit, fit Melindë en baissant la tête, Les Anciens nous avaient fait promettre à Elenwë et à moi de ne rien te révéler jusqu'à ce que tu le découvres par toi-même.
-Je suppose que cela faisait parti de leur rite d'initiation, ironisa-t-il.
Melindë redressa vivement la tête, une expression d'une certaine incompréhension sur le visage. Lifaën ne sut que hausser des épaules et détourner le regard. Ils restèrent ainsi silencieux, écoutant le braillement des hahl dont la nervosité avançait avec l'heure de la bataille approchant ou encore la lente et profonde respiration de Fenris qui, au contraire, ne semblait pas s'en inquiéter outre mesure.
-Fenarel et Velanna … Le savaient-ils ?
Fenarel et Velanna avaient été les parents de Lifaën durant sa vie dans la forêt. Ils les avaient toujours considéré comme ses géniteurs, de même que Firiel comme étant sa sœur, et jamais il n'avait tenté d'en voir autrement. Aujourd'hui, les différences qu'il avait avec eux apparaissaient avec plus de clarté.
-Non. Ils t'ont recueilli bébé après que Calion t'ai retrouvé dans la forêt. Il revenait de chasse. Je m'en souviens car même si j'étais très jeune à l'époque, la chose qui m'avait le plus marquée, c'était qu'il était vêtu de son armure et qu'il était couvert de sang. Elenwë et moi avons surpris une conversation des Anciens alors que nous nous entrainions tous les trois. Et avant qu'ils aient pu nous faire jurer de ne rien dire, nous t'avions annoncés que tu étais le fils d'une Ombre. Ta réaction était … incroyable. Tu as tout nié en bloc et tu as cessé de parler durant plusieurs semaines. Au final, plus personne n'a jamais évoqué le sujet depuis.
Lifaën resta coi. Il se souvenait désormais de la tournure des évènements. Il s'entrainait avec son ami qui s'absenta quelques instants plus tard avec Melindë. Puis, ils revenaient, la mine sombre, et lui annonçaient la nouvelle. C'était effectivement ce jour là qu'il avait vu dans ses souvenirs, ce jour là qu'il avait refoulé l'information. Cela le sidérait. Lui qui pensait si bien connaître ses amis, voilà qu'il découvrait qu'eux en savait plus sur son passé que lui. Il n'était pas mécontent d'avoir désormais une longueur d'avance, mais que toutes ses années son ami Elenwë lui ai caché la vérité le laissait sans voix. Il comprenait davantage Melindë. Son rôle de seconde du hahren nécessitait de cacher des secrets, même si elle aussi était masquée par des illusions, et elle fut néanmoins une professeur attentive. La plus jeune qu'il eut connu d'ailleurs. Elle n'avait que quelques dizaine d'année de plus que lui, mais restait un élément extrêmement doué parmi les siens. Lifaën se sentit alors extrêmement décontracté. Plus que d'ordinaire. C'était quelque peu troublant juste avant une bataille, mais il n'y pouvait rien. Il aurait voulu que cette paix, cette sérénité ne s'arrête jamais, qu'elle n'ait jamais cessée d'être. Il dû avoir du mal à se contrôler car Melindë, gênée par ce silence, se releva et détourna la conversation :
-Bon, et bien il est temps d'arnacher les hahl. Le signal ne devrait pas tarder.
Lifaën se triturait les mains, ne sachant que faire ou plutôt, si ce qu'il avait en tête devait être fait. Finalement, il se ravisa et quitta Melindë avec un goût de cendre dans la bouche.
«Tu es un lâche», railla l'Ombre dans un coin de sa tête.
Lifaën l'expulsa aussi loin qu'il le put avec une force incroyable et se hâta là où se trouvait Elenwë. Fenris avait emboité le pas, lançant des jappement joyeux. Il ressemblait vraiment à son ami dans ce genre de situation : moqueur et dérangeant. Lifaën trouva Elenwë assit en train de contempler le tranchant de son épée. En temps normal, il aurait lancé des commentaires d'approbation quant à la qualité d'une telle lame, courbée et brillante comme l'argent, mais lorsqu'il vit Lifaën arriver en courant suivi de près par son compagnon, il explosa de rire :
-Alors … ça y est …, gloussa-t-il entre deux fous rire, Tu t'es …
Il n'eut même pas terminé sa phrase que Fenris gronda pour le faire taire. L'effet fut immédiat et à la vue des canines impressionnantes du Mabari, l'hilarité d'Elenwë s'envola aussi vite qu'elle était apparue.
-Désolé iethallän, mais tu dégages tellement d'ondes contradictoires qu'il n'est pas difficile de savoir ce que tu as fait ! Alors, c'était comment ?
-Il ne s'est rien passé, répondit Lifaën en s'installant prêt de lui.
-Vraiment ? Hé bien on ne dirait pas pourtant.
D'autres Viéras étaient apparus pour voir d'où émanait une telle aura et lorsqu'ils virent Lifaën, il se détournèrent sans poser de question, certains choqués par ce manque de contrôle, d'autres au contraire amusé par l'ironie de la situation, mais tous évitèrent soigneusement les crocs de Fenris.
Elenwë lui tendit une outre en cuir et lorsque Lifaën avala une gorgée, il reconnut d'emblée le Feywine qui lui brula le gosier. Malgré tout, il en avala une seconde avec une grimace en espérant que ses jambes ne cessent de flageoler et surtout, pour oublier. Ses mains humides tremblaient toujours et son cœur battait encore à un rythme infernal.
-En tout cas, il faudra de décider à un moment où à un autre, fit Elenwë en buvant à son tour, Enfouir ses sentiments n'est jamais bon.
Lifaën opina et organisa ses pensée en se calmant progressivement. Il se rappela alors les quelques visions qu'il avait eu et qui semblaient corroborer avec ce qu'il ressentait. Deux fois il lui semblait avoir vu Melindë près de lui. Lorsqu'il avait parlé à «Versipelle» et lorsqu'il s'était réveillé après la fête des siens. Mais peut-être n'était-ce que la matérialisation de ses désirs les plus profonds. Ou alors, la fatigue qui lui faisait s'imaginer des choses impensables. Il n'en savait rien et décida d'aviser après la bataille, si toutefois il était en vie. Puis, il décida de penser à autre chose. Il voulait éloigner ses pensées de ce moment troublant et demanda à Elenwë :
-Tu savais toi aussi pour mes parents pas vrai ?
Elenwë arrêta de boire. Il avait l'air plus soucieux d'aborder ce sujet que lorsqu'il l'avait fait la première fois. L'âge et le gain de maturité y était surement pour quelque chose.
-Tu as dû en parler à Melindë.
-Oui. Et elle m'a dit que tu étais aussi au courant. Depuis longtemps en fait.
-Tu sais aussi qu'on t'en a parlé, se défendit-il, et nous avons voulu recommencer après. Mais nous étions tenu … c'est difficile à expliquer mais la promesse que nous avions faite, nous ne pouvions pas s'en délier. Nous avions peur de ce qui arriverait si nous essayions. Tu ne nous en veux pas ?
Lifaën doutait de sa réponse. Une partie de lui ne pouvait pas leur en tenir rigueur. Il avait appris la vérité mais c'était uniquement sa faute s'il ne put s'en rappeler par la suite. Il l'avait caché par honte. De l'autre, il ne comprenait pas ce que signifiait cette promesse. Avait-elle un pouvoir particulier pour empêcher quelqu'un de la briser ?
«C'est exactement la même chose que j'ai faite à notre mère, expliqua l'Ombre, Vos Anciens ont dû la faire prononcer dans leur langue natale»
Un tel pouvoir dans une simple langue ? Décidément, il avait encore de nombreuses choses à apprendre sur son monde d'origine.
-Non, bien sûr que non, répondit-il finalement, Ce n'est pas vous qui avez fait ce que je suis.
-Tant mieux, soupira Elenwë rassuré, Nous avions peur que tu nous maudisses après l'avoir découvert par toi-même. Mais ne t'inquiète pas, cela n'a jamais changé ce que je pensais de toi iethallän. Après tout, je suis devenu ton ami avant de savoir ce que tu étais puisque je n'étais encore qu'un bébé aussi quand Calion t'a ramené.
A peine Elenwë avait-il finit de parler qu'une flèche vint se planter juste à ses pieds. Un rouleau de papier blanc était enroulé autour et il s'en empara rapidement pour le lire. Après une rapide inspection, un sourire farouche étira son visage et il lança :
-Va prévenir les autres, voici enfin le message que nous attendions.
Lifaën- Age : 31
Messages : 23
Re: Chapitre 5 : La recherche de la Vérité
Lifaën ne se le fit pas dire deux fois. Il se redressa en même temps que son ami et alla à la rencontre de tous les siens. Bientôt, tous furent prêts au combat, cachés derrières les troncs éparses qui jalonnaient l'ancienne forêt luxuriante.
-Pourquoi le messager a-t-il tant tardé ? Demandait l'un d'eux.
-Aucune idée, répondait un autre, Mais qu'importe désormais, l'heure de la bataille est arrivée !
Lifaën monta Fenris qui grognait d'impatience. Il rejoignit le groupe de cavalier et attendit les directives. Ils ne devaient charger qu'une fois que les troupes humaines auraient été attirées hors de leur campement. Elenwë le rejoignit alors, arnaché comme le jour de leur départ :
-Il est temps d'y aller iethallän. Puisse le combat t'être propice.
-A toi aussi mon ami.
Elenwë lui adressa un sourire radieux avant d'enfiler son casque de cuir clouté. Il retrouva ses soldats et commença son avancée vers les défenses humaines. Lifaën se mit lui aussi en ordre de marche et décida de décrire un large cercle pour mieux atteindre les flancs lorsque l'assaut serait donné. On entendit alors que les claquements des hahl étouffés par les cendres et la respiration des guerriers qui allaient en s'accélérant. Ils croisèrent plusieurs restes d'habitations, ainsi que des lambeaux de cadavres en putréfaction, et Lifaën se demanda si certains d'entre eux étaient des Ombres qui étaient retournés à leur corps après la chute des Arbres Mères. Il ne chercha pas à retrouver ses marques parmi ce milieu désolé car sinon, il savait qu'il serait tenté de retourner là où il habitait avant de quitter la forêt. Il avait surement laissé des choses qui méritaient d'être récupérées. Il se promit de fouiller les décombres s'il en avait le temps, et s'il survivait à cette bataille. Au loin, on entendit clairement un cor retentir, suivi rapidement par un cri de guerre et un craquement sinistre indiquant que la palissade de bois avait cédée. L'attaque avait été lancée. Lifaën talonna Fenris, aussitôt imité par les autres cavaliers et serra la poigne d'Alastor plus fort encore si c'était possible. Ils ne purent cependant plus avancer, bloqués par un amoncellement de bois morts et brulés qui s'étendait devant eux. Lifaën tourna la tête et, au travers des arbres, distingua les combats qui faisaient déjà rage. Il dû résister à la tentation de voler au secours de son ami mais se résolut à attendre. Au début, les troupes des siens avaient avancées en profondeur à l'intérieur du camp mais bientôt, ils croulèrent sous le nombre de l'ennemi et durent se replier.
Lifaën comprit alors que c'était à son tour d'agir. Il dégaina rapidement Alastor et lança à voix haute :
-Pour l'honneur de la Forêt !
Il frappa le flanc de Fenris qui s'élança alors entre les arbres. Contrairement à ses craintes, il ne fut pas désarçonné et ce, malgré les brusques changements de direction du Mabari. Avec un cri de rage, il plongea sa lame dans le torse du premier assaillant qu'il rencontra et le vit la mort emplir son regard. Cette fois-ci, il n'en éprouva nul remord. Tandis qu'il aurait d'ordinaire évité de tuer, cette fois, il ne pouvait se résoudre à la pitié. Il avait barricadé son esprit pour se couper de ses émotions et était devenu une véritable machine à tuer. Une énergie sauvage battait furieusement en lui et Alastor sembla répondre à cet appel impétueux, brillant de mille feux. Il se retourna et para une lame qui tentait de percer la carapace de Fenris. Ce dernier fit volte-face et l'humain fut déchiqueté par ses puissantes griffes. Les autres guerriers arrivèrent à leur tour, enfonçant la ligne des troupes humaines et provoquant une panique incroyable parmi eux. La confusion gagnait leur rang, les généraux hurlaient des ordres sans être écoutés et ils durent eux aussi entrer dans la bataille. Des projectiles enflammés volaient dans tous les sens, des colonnes de terre s'élevaient comme de véritables remparts avant d'être explosées par un choc psychique. Lifaën dévia plusieurs fois d'énormes boules de feu grâce à un écran invisible et fut étonné de constater autant de puissance parmi les humains.
-Par là ! Cria-t-il à l'intention de Fenris en montrant l'intérieur du camps.
Le Mabari fléchit les pattes et bondit dessus les gardes humains, stupéfaits, et atterrit devant un des commandants des armées. Lifaën se rendit compte que son visage était affreusement mutilé, couvert de cicatrice et de croûte, mais ne se laissa pas impressionner. Il taillada sa jugulaire, Alastor tranchant la chair comme du beurre, et profita d'un moment de répit pour observer les environs. Il n'y avait nulle trace des soldats du hahren et Earän était lui aussi absent. Ils étaient les seuls à se battre, les seuls à subir les assauts ininterrompus des armées humaines. Pourtant, l'attaque du gros des forces des siens aurait dû se passer peu après leur entrée dans le fort. Il n'y avait pas non plus trace de prisonniers. Quelque chose clochait. Le grognement de Fenris le ramena à la réalité. Sa patte saignait, touchée par l'épée d'un soldat ennemi. Lifaën projeta contre son assaillant une onde de choc et le pauvre homme s'écrasa comme un pantin désarticulé contre la palissade. Il descendit de sa monture mais n'eut pas le temps de s'occuper de sa blessure. D'autres arrivaient et il dut combattre pas moins de cinq soldats en même temps. Malgré ses réflexes, il ne put éviter un coup d'estoc visant sa hanche et gémit lorsqu'il sentit la lame traverser son armure et s'enfoncer dans sa cotte de maille. Il repoussa le soldat avant de lui trancher la tête d'un revers du poignet, répandant une flasque rougeâtre sur le sol gris. Il repartit à l'attaque, luttant contre la douleur, et retrouva Elenwë combattant avec quatre autres des siens une dizaine d'humains. Lifaën perça leur ligne et tua deux soldats rapidement, dégageant le passage pour les autres.
-Pourquoi le hahren n'est-il pas là ? Demanda Elenwë lorsqu'il se fut débarrassé de son ennemi.
-Il est peut-être tombé dans une embuscande, suggéra l'un des soldats.
-Avec Earän à ses côtés ?, rétorqua Elenwë, C'est impossible. Lifaën, va avec Fenris pour savoir ce qu'ils font et dit leur que nous avons gagné du terrain.
Il se pencha juste à temps pour éviter un pic de glace et d'un geste vif de la main, comprima le maître de l'eau qui mourut étouffé.
-Quoi ?, protesta vivement Lifaën, Non ! Je veux rester et me battre !
-Si tu n'y vas pas, nous courrons droit au massacre, répondit Elenwë d'un ton sans réplique, Nous allons renforcer nos positions et prier pour qu'il ne soit rien arrivé au hahren.
-Et si c'est le cas ? Que feras-tu ? M'empêcheras-tu de combattre encore ?
-Si c'est le cas, soupira Elenwë en baissant la voix, Je ne préfère pas avoir à penser de ce qu'il faudra faire ou ne pas faire. Maintenant va !
Sans chercher à argumenter, Lifaën courut retrouver Fenris. Ce dernier léchait sa patte qui d'où s'écoulait un ruisseau de sang. Il s'agenouilla à ses côtés et pressa la blessure, désolé de ne pas pouvoir faire mieux. Il monta rapidement en selle, et Fenris s'élança hors du campement et avisa un virage pour contourner la palissade à la recherche des troupes du hahren. Une écume blanche se forma sur le coin de sa bouche mais il ne se plaignit pas, à l'image de son maître qui grimaçait à cause de sa blessure. Lifaën chercha rapidement du regard Melindë et l'aperçut qui montait des remparts de fortune avec l'aide de soldats pour tenir leurs positions. Il la perdit du regard en quelques instants alors que Fenris évitait un arbre mais fut néanmoins soulagé de la savoir en vie. Puis, il en revint à ce qu'il devait faire. Comment se faisait-il que le hahren n'ai pas lancé l'attaque ? La possibilité d'une embuscade était à prévoir mais avec Earän à ses côtés, c'était presque impossible. Il avait en effet la faculté, malgré son handicap, de percevoir beaucoup plus nettement les consciences que les autres des siens. A moins que les humains n'aient pu soustraire leur conscience, il les aurait senti. Fenris courut durant quelques minutes qui parurent une éternité à Lifaën. Il ne savait pas ce qu'il allait découvrir et cela le mettait dans un état de nervosité extrême. Le Mabari s'arrêta alors brusquement et retroussa ses babines. Il grogna et se ploya sur ses jambes, prêt à l'attaque. Puis, se découpant progressivement, une silhouette apparue. Lifaën ne reconnut pas celui des siens qui s'avançait, mais son apparence laissa penser du pire. Son armure avait été enfoncée à plusieurs endroits et il arrivait à peine à tenir debout. Il laissait une large trace de sang en s'avançant et ses yeux gris étaient marqués par la souffrance. Il s'effondra finalement aux pieds de Fenris sans dire un mot. Lifaën se porta à son secours en boitillant et le retourna. Il avait une balafre du haut du crâne jusqu'à la lèvre et son œil gauche était poché.
-Tr.... traître, murmura-t-il, Il … il y a un … un traître …
-Un traître ?, répéta Lifaën en se penchant d'avantage pour mieux entendre, Comment ça ? Que s'est-il passé !
Le râle du soldat ressemblait plus au souffle de celui qui expirait son âme et il arrivait à peine à parler :
-Ils savaient … Tous morts … Je ...
Il rendit son dernier soupir après avoir versé des larmes de tristesse et Lifaën sentit la vie le quitter peu à peu. Ses yeux se ternirent et il mourut. Fenris poussa un gémissement de tristesse et donna un coup de museau à Lifaën pour l'exhorter à partir. Ce dernier resta un moment sans bouger en contemplant le corps inerte de son camarade. Il se résolut enfin à partir, à quitter cet endroit maudit pour prévenir les autres. Non. Il devait savoir. Il devait découvrir ce qu'il était advenu du hahren et des autres. Il resta quelques instants indécis, ne sachant que faire, quelle décision prendre et finalement, il s'élança dans la forêt, suivant la marre de sang qu'avait laissé le soldat et qui allait en s'épaississant. Le spectacle qui s'offrit à ses yeux l'horrifia.
Partout, des corps mutilés gisaient sur le sol. Partout, le sang poisseux se mêlait à la terre grise et les premiers charognards s'occupaient de nettoyer les cadavres. Une odeur de mort emplissait l'atmosphère. Tous avait été massacrés, sans exception. Lifaën était tétanisé. Il n'arrivait plus à commander à ses muscles et il tomba à genou. Comment vouloir se battre après avoir vu pareil chose ? Ses yeux balayaient inutilement la scène, gravant chaque détail au fer rouge, tout comme la nuit où la forêt avait été détruite. Nulle trace d'humain cependant. Lifaën reconnut le corps du hahren, écrasé par un tronc, et se précipita, ses bottes collant sur le sol noyé par le sang. Il espérait. Il voulait qu'il soit en vie. A l'aide de sa maîtrise, il déplaça le tronc et contempla le hahren sans vie. Ses traits étaient crispés par la douleur, ses jambes étaient tordues, broyées par l'arbre qui lui était tombé dessus, et son armure elle aussi enfoncée à plusieurs endroits. A côté, Earän gisait aussi, à la seule différence que son armure avait été entaillée, et non percée de trou. Lifaën pleura la mort d'un des siens. Il avait espéré que cette bataille se passerait pour le mieux. Qui avait osé faire une chose pareille ? Qui avait vendu les siens aux humains ! Il pesta contre les humains, maudissant le traître et s'effondra sur le corps du hahren, ignorant les signaux de douleur de son flanc. Il ne voulait plus continuer. C'en était trop. Fenris lui mordit la cuisse, le regard compatissant. Lifaën comprit ce qu'il voulait. Lui non plus ne supportait pas un tel spectacle, et rester ici n'arrangerait rien. Il monta en scelle non sans avoir jeté un dernier regard embué de larmes à ceux qui gisait sans vie et talonna le Mabari qui s'élança à une vitesse folle à travers la Forêt, puisant dans sa volonté pour surmonter le mal de sa plaie, mais cette fois en pleine ligne droite. Il concentra son énergie et la propulsa contre la palissade qui se dressait encore debout. Le bois se plia, craqua, mais ne céda pas. Avec une seconde impulsion, Lifaën réussit à la faire céder et chargea parmi les troupes humaines. Il ressentait une forte colère qu'il n'arrivait à contrôler qu'en la redirigeant contre ses ennemis. Il se délectait de voir les humains tomber sous ses coups et il crachait sur chacun de leur cadavre qu'il voyait. Finalement, Elenwë vint à sa rencontre, suivit par quelques soldats.
-Iethallän ! Qu'est-ce que tu fais ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Où sont le hahren et ses troupes ?
-Morts, répondit brièvement Lifaën en s'essuyant le visage d'un revers de la manche, Les humains savaient pour l'attaque. Ils savaient pour le plan !
-Morts ? Répéta Elenwë effaré, C'est … Comment est-ce arrivé ?
-Je ne sais pas. Un des nôtres à tout juste eut le temps de m'annoncer que nous avions été trahi qu'il est mort.
Les autres autour gardaient le silence. Certains toutefois tombaient à genoux et psalmodiaient pour rendre hommage à ceux qui étaient tombés au combat, tandis que d'autres allaient pour répandre la nouvelle parmi les soldats encore en vie.
-Les shems ont agi étrangement quand tu es parti iethallän. Les commandants donnaient des ordres incohérents à leurs troupes et nous avons pu mater la plupart d'entre eux. Nous contrôlons le camps désormais.
Lifaën s'en moquait. Il ne pensait pas que leur pseudo-victoire lui laisserait un goût aussi amer. Fenris s'affala à terre, sa patte ankylosée, et son chevaucheur descendit. Sa colère retombée, ses jambes vacillèrent dangereusement et il tomba à terre à son tour, expulsant chaque souffle comme de l'air putride qui lui bloquait les poumons. Il payait le coup de sa témérité. En voulant détruire la palissade, il avait dépensé trop d'énergie d'un coup. Sa vue se troubla. Il vit Elenwë qui se penchait sur lui mais ne voyait pas avec netteté son visage. Son flanc tailladé le fit souffrir de nouveau et il vit la flaque de sang qui se répandait autour de lui. Avait-il aggravé sa blessure ? Fenris s'approcha à son tour et il sentit sa douce chaleur contre son corps et de ses poils luisants. Sa tête le tournait, ravivant sans cesse la scène qu'il avait vu. Jamais il n'avait penser voir pareil spectacle. La seule chose qui lui importait désormais, c'était de dormir, de se reposer, de sombrer dans le néant et d'oublier. Il aurait bien reprit du Feywine, pensa-t-il. Soudain, un courant d'air chaud lui parvint, suivi d'une lumière aveuglante. Fenris hurla et Elenwë fut propulsé au loin. Lifaën sentit son visage le bruler horriblement et ses yeux le lançaient violemment. Il se protégea instinctivement le visage et ses mains se couvrirent d'un tapis rouge orangé. Son cerveau s'embruma. Il ne parvenait plus à réfléchir convenablement. Des odeurs de chairs brûlés lui parvinrent. Il regarda son bras sans voir. Des bouffées toxiques pénétrèrent ses poumons et la dernière chose qu'il vit, c'était Melindë qui lui prenait le visage. Il sourit et ferma les yeux, heureux de la savoir vivante alors que lui même ignorait ce qu'il se passait.
-Pourquoi le messager a-t-il tant tardé ? Demandait l'un d'eux.
-Aucune idée, répondait un autre, Mais qu'importe désormais, l'heure de la bataille est arrivée !
Lifaën monta Fenris qui grognait d'impatience. Il rejoignit le groupe de cavalier et attendit les directives. Ils ne devaient charger qu'une fois que les troupes humaines auraient été attirées hors de leur campement. Elenwë le rejoignit alors, arnaché comme le jour de leur départ :
-Il est temps d'y aller iethallän. Puisse le combat t'être propice.
-A toi aussi mon ami.
Elenwë lui adressa un sourire radieux avant d'enfiler son casque de cuir clouté. Il retrouva ses soldats et commença son avancée vers les défenses humaines. Lifaën se mit lui aussi en ordre de marche et décida de décrire un large cercle pour mieux atteindre les flancs lorsque l'assaut serait donné. On entendit alors que les claquements des hahl étouffés par les cendres et la respiration des guerriers qui allaient en s'accélérant. Ils croisèrent plusieurs restes d'habitations, ainsi que des lambeaux de cadavres en putréfaction, et Lifaën se demanda si certains d'entre eux étaient des Ombres qui étaient retournés à leur corps après la chute des Arbres Mères. Il ne chercha pas à retrouver ses marques parmi ce milieu désolé car sinon, il savait qu'il serait tenté de retourner là où il habitait avant de quitter la forêt. Il avait surement laissé des choses qui méritaient d'être récupérées. Il se promit de fouiller les décombres s'il en avait le temps, et s'il survivait à cette bataille. Au loin, on entendit clairement un cor retentir, suivi rapidement par un cri de guerre et un craquement sinistre indiquant que la palissade de bois avait cédée. L'attaque avait été lancée. Lifaën talonna Fenris, aussitôt imité par les autres cavaliers et serra la poigne d'Alastor plus fort encore si c'était possible. Ils ne purent cependant plus avancer, bloqués par un amoncellement de bois morts et brulés qui s'étendait devant eux. Lifaën tourna la tête et, au travers des arbres, distingua les combats qui faisaient déjà rage. Il dû résister à la tentation de voler au secours de son ami mais se résolut à attendre. Au début, les troupes des siens avaient avancées en profondeur à l'intérieur du camp mais bientôt, ils croulèrent sous le nombre de l'ennemi et durent se replier.
Lifaën comprit alors que c'était à son tour d'agir. Il dégaina rapidement Alastor et lança à voix haute :
-Pour l'honneur de la Forêt !
Il frappa le flanc de Fenris qui s'élança alors entre les arbres. Contrairement à ses craintes, il ne fut pas désarçonné et ce, malgré les brusques changements de direction du Mabari. Avec un cri de rage, il plongea sa lame dans le torse du premier assaillant qu'il rencontra et le vit la mort emplir son regard. Cette fois-ci, il n'en éprouva nul remord. Tandis qu'il aurait d'ordinaire évité de tuer, cette fois, il ne pouvait se résoudre à la pitié. Il avait barricadé son esprit pour se couper de ses émotions et était devenu une véritable machine à tuer. Une énergie sauvage battait furieusement en lui et Alastor sembla répondre à cet appel impétueux, brillant de mille feux. Il se retourna et para une lame qui tentait de percer la carapace de Fenris. Ce dernier fit volte-face et l'humain fut déchiqueté par ses puissantes griffes. Les autres guerriers arrivèrent à leur tour, enfonçant la ligne des troupes humaines et provoquant une panique incroyable parmi eux. La confusion gagnait leur rang, les généraux hurlaient des ordres sans être écoutés et ils durent eux aussi entrer dans la bataille. Des projectiles enflammés volaient dans tous les sens, des colonnes de terre s'élevaient comme de véritables remparts avant d'être explosées par un choc psychique. Lifaën dévia plusieurs fois d'énormes boules de feu grâce à un écran invisible et fut étonné de constater autant de puissance parmi les humains.
-Par là ! Cria-t-il à l'intention de Fenris en montrant l'intérieur du camps.
Le Mabari fléchit les pattes et bondit dessus les gardes humains, stupéfaits, et atterrit devant un des commandants des armées. Lifaën se rendit compte que son visage était affreusement mutilé, couvert de cicatrice et de croûte, mais ne se laissa pas impressionner. Il taillada sa jugulaire, Alastor tranchant la chair comme du beurre, et profita d'un moment de répit pour observer les environs. Il n'y avait nulle trace des soldats du hahren et Earän était lui aussi absent. Ils étaient les seuls à se battre, les seuls à subir les assauts ininterrompus des armées humaines. Pourtant, l'attaque du gros des forces des siens aurait dû se passer peu après leur entrée dans le fort. Il n'y avait pas non plus trace de prisonniers. Quelque chose clochait. Le grognement de Fenris le ramena à la réalité. Sa patte saignait, touchée par l'épée d'un soldat ennemi. Lifaën projeta contre son assaillant une onde de choc et le pauvre homme s'écrasa comme un pantin désarticulé contre la palissade. Il descendit de sa monture mais n'eut pas le temps de s'occuper de sa blessure. D'autres arrivaient et il dut combattre pas moins de cinq soldats en même temps. Malgré ses réflexes, il ne put éviter un coup d'estoc visant sa hanche et gémit lorsqu'il sentit la lame traverser son armure et s'enfoncer dans sa cotte de maille. Il repoussa le soldat avant de lui trancher la tête d'un revers du poignet, répandant une flasque rougeâtre sur le sol gris. Il repartit à l'attaque, luttant contre la douleur, et retrouva Elenwë combattant avec quatre autres des siens une dizaine d'humains. Lifaën perça leur ligne et tua deux soldats rapidement, dégageant le passage pour les autres.
-Pourquoi le hahren n'est-il pas là ? Demanda Elenwë lorsqu'il se fut débarrassé de son ennemi.
-Il est peut-être tombé dans une embuscande, suggéra l'un des soldats.
-Avec Earän à ses côtés ?, rétorqua Elenwë, C'est impossible. Lifaën, va avec Fenris pour savoir ce qu'ils font et dit leur que nous avons gagné du terrain.
Il se pencha juste à temps pour éviter un pic de glace et d'un geste vif de la main, comprima le maître de l'eau qui mourut étouffé.
-Quoi ?, protesta vivement Lifaën, Non ! Je veux rester et me battre !
-Si tu n'y vas pas, nous courrons droit au massacre, répondit Elenwë d'un ton sans réplique, Nous allons renforcer nos positions et prier pour qu'il ne soit rien arrivé au hahren.
-Et si c'est le cas ? Que feras-tu ? M'empêcheras-tu de combattre encore ?
-Si c'est le cas, soupira Elenwë en baissant la voix, Je ne préfère pas avoir à penser de ce qu'il faudra faire ou ne pas faire. Maintenant va !
Sans chercher à argumenter, Lifaën courut retrouver Fenris. Ce dernier léchait sa patte qui d'où s'écoulait un ruisseau de sang. Il s'agenouilla à ses côtés et pressa la blessure, désolé de ne pas pouvoir faire mieux. Il monta rapidement en selle, et Fenris s'élança hors du campement et avisa un virage pour contourner la palissade à la recherche des troupes du hahren. Une écume blanche se forma sur le coin de sa bouche mais il ne se plaignit pas, à l'image de son maître qui grimaçait à cause de sa blessure. Lifaën chercha rapidement du regard Melindë et l'aperçut qui montait des remparts de fortune avec l'aide de soldats pour tenir leurs positions. Il la perdit du regard en quelques instants alors que Fenris évitait un arbre mais fut néanmoins soulagé de la savoir en vie. Puis, il en revint à ce qu'il devait faire. Comment se faisait-il que le hahren n'ai pas lancé l'attaque ? La possibilité d'une embuscade était à prévoir mais avec Earän à ses côtés, c'était presque impossible. Il avait en effet la faculté, malgré son handicap, de percevoir beaucoup plus nettement les consciences que les autres des siens. A moins que les humains n'aient pu soustraire leur conscience, il les aurait senti. Fenris courut durant quelques minutes qui parurent une éternité à Lifaën. Il ne savait pas ce qu'il allait découvrir et cela le mettait dans un état de nervosité extrême. Le Mabari s'arrêta alors brusquement et retroussa ses babines. Il grogna et se ploya sur ses jambes, prêt à l'attaque. Puis, se découpant progressivement, une silhouette apparue. Lifaën ne reconnut pas celui des siens qui s'avançait, mais son apparence laissa penser du pire. Son armure avait été enfoncée à plusieurs endroits et il arrivait à peine à tenir debout. Il laissait une large trace de sang en s'avançant et ses yeux gris étaient marqués par la souffrance. Il s'effondra finalement aux pieds de Fenris sans dire un mot. Lifaën se porta à son secours en boitillant et le retourna. Il avait une balafre du haut du crâne jusqu'à la lèvre et son œil gauche était poché.
-Tr.... traître, murmura-t-il, Il … il y a un … un traître …
-Un traître ?, répéta Lifaën en se penchant d'avantage pour mieux entendre, Comment ça ? Que s'est-il passé !
Le râle du soldat ressemblait plus au souffle de celui qui expirait son âme et il arrivait à peine à parler :
-Ils savaient … Tous morts … Je ...
Il rendit son dernier soupir après avoir versé des larmes de tristesse et Lifaën sentit la vie le quitter peu à peu. Ses yeux se ternirent et il mourut. Fenris poussa un gémissement de tristesse et donna un coup de museau à Lifaën pour l'exhorter à partir. Ce dernier resta un moment sans bouger en contemplant le corps inerte de son camarade. Il se résolut enfin à partir, à quitter cet endroit maudit pour prévenir les autres. Non. Il devait savoir. Il devait découvrir ce qu'il était advenu du hahren et des autres. Il resta quelques instants indécis, ne sachant que faire, quelle décision prendre et finalement, il s'élança dans la forêt, suivant la marre de sang qu'avait laissé le soldat et qui allait en s'épaississant. Le spectacle qui s'offrit à ses yeux l'horrifia.
Partout, des corps mutilés gisaient sur le sol. Partout, le sang poisseux se mêlait à la terre grise et les premiers charognards s'occupaient de nettoyer les cadavres. Une odeur de mort emplissait l'atmosphère. Tous avait été massacrés, sans exception. Lifaën était tétanisé. Il n'arrivait plus à commander à ses muscles et il tomba à genou. Comment vouloir se battre après avoir vu pareil chose ? Ses yeux balayaient inutilement la scène, gravant chaque détail au fer rouge, tout comme la nuit où la forêt avait été détruite. Nulle trace d'humain cependant. Lifaën reconnut le corps du hahren, écrasé par un tronc, et se précipita, ses bottes collant sur le sol noyé par le sang. Il espérait. Il voulait qu'il soit en vie. A l'aide de sa maîtrise, il déplaça le tronc et contempla le hahren sans vie. Ses traits étaient crispés par la douleur, ses jambes étaient tordues, broyées par l'arbre qui lui était tombé dessus, et son armure elle aussi enfoncée à plusieurs endroits. A côté, Earän gisait aussi, à la seule différence que son armure avait été entaillée, et non percée de trou. Lifaën pleura la mort d'un des siens. Il avait espéré que cette bataille se passerait pour le mieux. Qui avait osé faire une chose pareille ? Qui avait vendu les siens aux humains ! Il pesta contre les humains, maudissant le traître et s'effondra sur le corps du hahren, ignorant les signaux de douleur de son flanc. Il ne voulait plus continuer. C'en était trop. Fenris lui mordit la cuisse, le regard compatissant. Lifaën comprit ce qu'il voulait. Lui non plus ne supportait pas un tel spectacle, et rester ici n'arrangerait rien. Il monta en scelle non sans avoir jeté un dernier regard embué de larmes à ceux qui gisait sans vie et talonna le Mabari qui s'élança à une vitesse folle à travers la Forêt, puisant dans sa volonté pour surmonter le mal de sa plaie, mais cette fois en pleine ligne droite. Il concentra son énergie et la propulsa contre la palissade qui se dressait encore debout. Le bois se plia, craqua, mais ne céda pas. Avec une seconde impulsion, Lifaën réussit à la faire céder et chargea parmi les troupes humaines. Il ressentait une forte colère qu'il n'arrivait à contrôler qu'en la redirigeant contre ses ennemis. Il se délectait de voir les humains tomber sous ses coups et il crachait sur chacun de leur cadavre qu'il voyait. Finalement, Elenwë vint à sa rencontre, suivit par quelques soldats.
-Iethallän ! Qu'est-ce que tu fais ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Où sont le hahren et ses troupes ?
-Morts, répondit brièvement Lifaën en s'essuyant le visage d'un revers de la manche, Les humains savaient pour l'attaque. Ils savaient pour le plan !
-Morts ? Répéta Elenwë effaré, C'est … Comment est-ce arrivé ?
-Je ne sais pas. Un des nôtres à tout juste eut le temps de m'annoncer que nous avions été trahi qu'il est mort.
Les autres autour gardaient le silence. Certains toutefois tombaient à genoux et psalmodiaient pour rendre hommage à ceux qui étaient tombés au combat, tandis que d'autres allaient pour répandre la nouvelle parmi les soldats encore en vie.
-Les shems ont agi étrangement quand tu es parti iethallän. Les commandants donnaient des ordres incohérents à leurs troupes et nous avons pu mater la plupart d'entre eux. Nous contrôlons le camps désormais.
Lifaën s'en moquait. Il ne pensait pas que leur pseudo-victoire lui laisserait un goût aussi amer. Fenris s'affala à terre, sa patte ankylosée, et son chevaucheur descendit. Sa colère retombée, ses jambes vacillèrent dangereusement et il tomba à terre à son tour, expulsant chaque souffle comme de l'air putride qui lui bloquait les poumons. Il payait le coup de sa témérité. En voulant détruire la palissade, il avait dépensé trop d'énergie d'un coup. Sa vue se troubla. Il vit Elenwë qui se penchait sur lui mais ne voyait pas avec netteté son visage. Son flanc tailladé le fit souffrir de nouveau et il vit la flaque de sang qui se répandait autour de lui. Avait-il aggravé sa blessure ? Fenris s'approcha à son tour et il sentit sa douce chaleur contre son corps et de ses poils luisants. Sa tête le tournait, ravivant sans cesse la scène qu'il avait vu. Jamais il n'avait penser voir pareil spectacle. La seule chose qui lui importait désormais, c'était de dormir, de se reposer, de sombrer dans le néant et d'oublier. Il aurait bien reprit du Feywine, pensa-t-il. Soudain, un courant d'air chaud lui parvint, suivi d'une lumière aveuglante. Fenris hurla et Elenwë fut propulsé au loin. Lifaën sentit son visage le bruler horriblement et ses yeux le lançaient violemment. Il se protégea instinctivement le visage et ses mains se couvrirent d'un tapis rouge orangé. Son cerveau s'embruma. Il ne parvenait plus à réfléchir convenablement. Des odeurs de chairs brûlés lui parvinrent. Il regarda son bras sans voir. Des bouffées toxiques pénétrèrent ses poumons et la dernière chose qu'il vit, c'était Melindë qui lui prenait le visage. Il sourit et ferma les yeux, heureux de la savoir vivante alors que lui même ignorait ce qu'il se passait.
Dernière édition par Lifaën le Mer 17 Nov 2010 - 14:28, édité 1 fois
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Re: Chapitre 5 : La recherche de la Vérité
Lorsque Lifaën ouvrit les yeux, tout était noir autour de lui. Il cligna plusieurs fois des yeux, pensant que la fatigue lui embrouillait les sens, mais l'obscurité demeurait. C'était comme si un voile impénétrable s'était dressé entre lui et le reste du monde. Il se frotta les yeux. Toujours rien. Il était semblait-il, allongé sur un lit, emmailloté dans des couvertures et il entendait très distinctement la respiration lente et profonde de Fenris. Il se redressa mais une douleur lui cisailla le côté et il laissa échapper un cri involontaire. Ce sursaut lui rappela ce qu'il s'était passé. La lumière aveuglante, l'odeur de chair brûlée, tout lui revenait avec force détail même s'il ne sut dire à quoi cela correspondait. Avec un hoquet douloureux, il se rallongea lentement et des bruits de pas précipités retentirent :
-Bon sang ! Tu es réveillé !
-Elenwë ? Demanda Lifaën sur la défensive.
Même s'il ne voyait rien, il percevait encore très distinctement les consciences qui l'entouraient et n'eut aucun mal à reconnaître celle de son ami. Il l'entendit s'approcher :
-Tu nous as fait une peur bleue iethallän. Cela va faire trois jours que tu n'es pas revenu à toi. Comment te sens-tu ?
-Je pense avoir connu mieux, répondit-il en soupirant, Mais que s'est-il passé ? Où sommes-nous ?
-Toujours au campement où nous pansons les blessés. Pour faire simple, nous avons essuyé une dernière attaque d'un shem particulièrement coriace. Il … nous a presque brûlé vivant.
Lifaën entendit quelqu'un d'autre et comprit que c'était Fenris qui venait de se réveiller. Le Mabari s'avança d'un pas clopinant et posa sa tête sur les genoux du jeune homme. Ce dernier lui caressa le pelage.
-Il a eu la patte avant gauche de brisée en plus de sa blessure, commenta Elenwë, mais il est en pleine forme maintenant.
Lifaën fut soulagé de savoir son compagnon indemne. Il se redressa malgré la douleur qui lui tenaillait le côté et demanda :
-Et moi ? Pourquoi est-ce que je ne vois rien ? Est-ce à cause … des brûlures ?
-Tu ne vois rien ? Attends …
Soudain, un flash irradia la vision de Lifaën et lui martela le crâne avec la violence d'un bélier.
-Éloigne ça !, grogna-t-il en se détournant.
-Il semblerait que tu es quelques séquelles supplémentaires en plus des brûlures. Tiens.
Lifaën tâta comme un aveugle devant lui et comprit qu'Elenwë lui tendait un long morceau de tissu. Il se banda lentement les yeux et apprécia l'obscurité. Quelque soit l'attaque qu'il avait reçu, elle devait être d'une puissance effarante pour le blesser à ce point. Comment allait-il pouvoir faire quoique ce soit dans cet état ? Il changea de sujet :
-Et Melindë ? Comment va-t-elle ?
Son dernier souvenir la concernant était qu'elle s'allongeait à son côté tout en lui prenant le visage entre ses mains. Il ne sut dire ce qu'il s'était passé ensuite.
-Hé bien c'est elle qui t'a soigné et amené ici. Elle est en vie.
Lifaën soupira de soulagement. Il ne saurait ce qu'il aurait fait si elle était morte.
-Tu aurais dû porter une armure à ce propos, reprit Elenwë, On ne part pas au combat avec un simple vêtement. Enfin, tu es en vie c'est le principal. Repose toi, j'enverrais quelqu'un te chercher pour … quand la cérémonie aura lieu.
Et il quitta la pièce. Lifaën sentit sa gorge se nouer. La cérémonie dont parlait son ami était celle où l'on chantait la mort de ceux qui venaient d'entrer dans le néant et s'accompagnait généralement de longues nuits de deuil. Rien n'était plus dur pour eux que la perte de l'un des leurs. Cependant, Lifaën doutait des conséquences que cela entrainerait. Auraient-ils la force de continuer après une telle épreuve ? Et puis, il y avait toutes ses coutumes auxquelles il n'était plus attaché, auxquelles il ne voulait plus adhérer, sachant pertinemment qu'elles étaient le fruit d'un endoctrinement basé sur le mensonge. Il secoua la tête avec véhémence. Ce genre de propos ne feraient que lui nuire. Il se laissa porter par le sommeil qui apaisa sa douleur comme un baume.
Plus tard, il ne sut dire combien de temps, quelqu'un le réveilla et lui indiqua que tout était prêt.
-Ils t'attendent, avait ajouté la femme.
Elle l'aida à se lever et à s'habiller et le guida jusqu'à l'extérieur, suivi de prêt par Fenris. Tout était silencieux. Seul le bruissement des feuilles et les respirations des hahl ponctuait l'attente. Une lourde odeur de brûlé emplissait l'air. Lorsque Lifaën posa un pied au sol, il s'enfonça légèrement, comme s'il eut marché sur un tapis de mousse. Un fourmillement de sensations sans cohérence l'assaillaient. Il avait l'impression d'être entouré de boule lumineuse qui représentait chaque personne et qui battait plus ou moins vite. Des murmures lui parvinrent aux oreilles et il reconnut Elenwë qui le prit par le bras et qui l'assit au sol après quelques pas. Quelqu'un se détacha du groupe et, à la voix, Lifaën comprit que c'était Melindë qui parlait :
-Nous sommes sortis vainqueur de cette épreuve. Mais quelle victoire éphémère lorsque l'un des nôtres nous a appris que le Zathriän et Earän était tombé dans une embuscade.
L'assistance frémit. Personne ne connaissait le véritable nom du hahren et qu'il fut prononcé dans de telle circonstance renforçait la tristesse de tous.
-Aujourd'hui sera jour de deuil. N'ayez pas honte de vos larmes, car elles symboliseront le renouveau pour leurs esprits dans l'Immatériel. Chantons et honorons nos morts, et puisse leur sacrifice ne pas avoir été vain.
Un joueur de harpe entama une litanie douce en envoutante, accompagnée par la voix claire de Melindë.
Le rythme de leur lumière pâli et les battements de vie semblait s'estomper sans pour autant que le rythme ou les parole de la chanson n'en pâtisse. Lifaën aussi senti cette sensation au plus profond de lui. Une sensation qui lui oppressait le cœur comme un poids l'attirant inexorablement vers le fond, l'empêchant de respirer, de vivre, d'espérer. Il ressentit aussi la mélancolie de l'Ombre qui se rappelait de ces temps anciens où il était Elfe. Il coupa le contact de peur d'être submergé par la tristesse mais il ne put retenir les larmes qui coulaient de ses joues. Il pleurait le hahren, il pleurait la destruction de la forêt et il pleurait ce jour où Calion et les autres étaient morts. Fenris poussa une longue complainte ce qui ne fit que s'ajouter à sa tristesse. Il savait que les paroles n'étaient pas dans la langue que les Anciens lui avaient enseigné. Elles venaient d'autre part, d'un endroit plus puissant et plus chargé en souvenir. A la fin de la musique, il se sentit vide. Toute son énergie l'avait quittée. Il n'avait plus aucune volonté. Jamais il ne se serait douté que la cérémonie était aussi éprouvante, lui même n'y ayant jamais participé. Il n'en avait lu que des bribes dans le livre que Calion lui avait donné. D'une voix enrouée par l'émotion, Melindë reprit la parole :
-Je reprendrais la suite de Zathriän en tant que hahren et nous déciderons ensemble de la suite des évènements.
Tous s'inclinèrent et s'approchèrent d'un parterre de terre surélevé sur lequel s'élevait la bouture d'un arbre. Une ébauche de plante semblable était déposée à côté mais à même le sol, et d'autres s'étendaient de part et d'autre du monticule du hahren. Chacun des Viéras s'approcha et murmura des mots pour eux même, des membres de la famille perdus, et d'autres chantaient aussi en pleurant. Certains restaient tout simplement silencieux, le visage figé dans une expression glaciale, comme si la tristesse n'avait aucune prise sur eux. Ils étaient cependant minoritaires tant la peine était grande. Ce fut au tour de Lifaën, qui, ne connaissant pas personnellement les Viéras tombés, se plaça devant la tombe de terre du hahren. Il murmura une vieille bénédiction pour ne pas paraître impoli et s'éloigna. Les remous d'émotions qu'il ressentait avec plus d'intensité désormais le laissait fatigué, ceci ajouté à son état et à sa blessure récente, et il voulait simplement se plonger dans les abimes du sommeil. Assis sur une souche, il regardait sans voir les siens rendre un dernier hommage aux morts et il sentit Melindë s'assoir près de lui :
-Tu vas bien ? Demanda-t-elle.
-Je pense. Et toi ? Tu te remettras ?
-Je ne sais pas.
Son souffle d'émotion était si faible, si lent et si ténu que Lifaën eut du mal à l'interpréter.
-Je te soutiendrais, lui dit-il, Quoique tu fasses, je serais là.
-Merci Lifaën.
Elle laissa un bref silence avant de changer de sujet :
-Ne t'en fais pas pour ta vue, elle reviendra avec le temps.
-Je l'espère sincèrement.
Ils restèrent ainsi à côté, sans dire un mot, jusqu'à ce que les derniers Viéras aient finit leurs paroles d'adieu ou leurs chants mélancoliques. Finalement, Melindë s'absenta pour poursuivre la cérémonie. Trois jours durant, les poèmes concernant les défunts se succédèrent, entonnant comment l'un avait réussi le tir le plus loin à l'arc, quelques cinquante mètres, ou comment un autre avait su transposer avec les justes mots la tristesse que tous avaient éprouvé lors de la destruction de la Forêt. Le plus long fut celui dédié au hahren, où on détaillait avec précisions ses apports dans la culture des Viéras et avec quelle ferveur il s'était battu. Lifaën avait gardé le silence, tant par fatigue que par détachement. Au final, ne sachant plus comment se tenir en public, il s'était réfugié dans sa chambre avec Fenris pour prendre du repos, les complaintes résonnant sans cesse dans sa tête. Grâce au soin prodigué par Melindë, sa blessure au flanc était presque totalement guérie. Il pouvait se mouvoir sans trop souffrir et seule une mince croute témoignait encore de la meurtrissure de sa chair.
Le lendemain suivant le dernier jour des hommages, Melindë l'avait convoqué lui, son ami d'enfance Elenwë, ainsi que deux femmes qui devaient reprendre les places importantes. Tous les cinq devaient se réunir dans une tente montée pour l'occasion. Devant, deux gardes stoïques le laissèrent passer lui et son Mabari tandis que des échos de voix retentissaient déjà à l'intérieur :
-... Et je maintiens qu'il faut que nous partions au plus vite. Les shems ne resteront pas passifs indéfiniment.
-Nous n'avons aucun lieu où nous cacher, Répondit quelqu'un d'autre qui s'avéra être Elenwë, Le mieux est de suivre les dernières recommandation de Zathrian en fouillant les ruines.
-Et après ? Que ferons-nous ? Nous sommes pieds et poings liés ! Nous n'aurions jamais dû partir en guerre !
-Jamais je n'aurais permis que les shems ne restent plus longtemps ici ! S'insurgea quelqu'un d'autre.
Ce fut Melindë qui acheva la discutions alors que Lifaën entrait :
-Revenir sur ce qui aurait dû être fait ne changera rien. Nous devons désormais prendre nos décisions pour l'avenir.
Tous les regards convergèrent vers lui et la hahren dit :
-Te voilà enfin Lifaën. Je te présente Liliä qui sera ma seconde ...
La Viéra s'inclina. C'était celle qui avait pris la parole en premier et son énergie était teinté de rouge, plus brillante que les autres.
-... ainsi que Ielähu qui aidera Elenwë à coordonner nos troupes restantes.
-En parlant de ça, intervint Liliä, combien d'entre-nous sont encore en vie ? Vous n'espérez pas que nous nous en sortirons avec notre nombre ?
Un silence accueillit la question et ce fut Elenwë qui répondit :
-D'après nos dernières estimations, nous comptons actuellement cinquante-sept Viéras …
Fenris jappa pour faire comprendre qu'il était ici, à la surprise de tous. Personne ne s'était rendu compte de sa présence tant ils étaient absorbés par leur problème. Cette intervention arracha un sourire à Lifaën et son ami de compléter :
-... Et un Mabari en pleine forme.
-Si peu …, fit Ielähu dans un souffle, Hahren Melindë, je dois me ranger à l'avis de Liliä, si les humains attaquent, nous ne serons pas en mesure de résister.
-Et c'est pour cela qu'il faut que nous agissions le plus rapidement possible, répondit son interlocutrice, Lifaën as-tu une proposition ?
Le jeune homme resta coi un moment. Il ne s'était pas attendu à ce qu'on lui demande son avis, encore moins quand la moindre décision pouvait faire pencher la balance vers la victoire ou la défaite. Mais dans son esprit déjà bien encombré par les récents évènements, il ne parvenait pas à trouver d'issue heureuse. La seule solution, et il le savait, était de trouver le miroir qui les avait fait venir ici. Quant à persuader les autres de se lancer dans une telle entreprise sans leur révéler toute la vérité, il y avait un fossé. Il inspira à fond et lâcha :
-Je pense que nous devrions nous concentrer le plus rapidement possible sur les ruines. Si les … humains voulaient y trouver quelque chose d'assez important pour nous attaquer, peut-être qu'il serait judicieux de nous y mettre nous aussi.
-Et que chercherons-nous exactement ? Protesta Liliä, Ce n'était peut-être qu'une ruse pour nous forcer à nous montrer afin de tous nous massacrer. Il n'y a peut-être jamais rien eu dans ses ruines.
-Tu oublies le fait qu'ils se sont focalisés dessus dès qu'ils les ont trouvé, argua Ielähu, Si nous avons été massacré, c'est uniquement parce que nous étions entre eux et les ruines. Et cela ne fait qu'attiser ma curiosité quant à son contenu.
-Surtout que nous ne les avions jamais trouvé auparavant, compléta Elenwë.
Tous se turent en attendant la décision finale de Melindë. C'était sur elle désormais que reposait toutes les charges. Elle baissa la tête et opina :
-Avant de décider de quoique ce soit, nous devons passer en revue des moyens dont nous disposons.
Vint les problèmes divers comme la nourriture, l'approvisionnement en armes et armures ou encore la répartition des tâches entre les survivants. Les vivres manquaient et un groupe fut désigné pour aller chercher les affaires laissées dans les habitations pour les réunir autour des ruines. Quant au seul forgeron restant, il devait réparer les équipement endommagés avec le peu de matière dont il disposait. La situation était précaire mais tous devaient s'acquitter de leurs tâches au mieux. Après une heure de délibération et les dernières mesures prises, Melindë fit un geste las de la main pour obtenir le silence et prit un air grave :
-J'aimerais vous parler de l'histoire de ce traître maintenant que nous sommes fixés sur nos possibilités.
Elle pesa soigneusement ses mots :
-Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais durant la cérémonie, l'un des terreaux que nous avions disposé n'était pas surélevé.
-Je ne sais pas si tu l'as oublié, répliqua Lifaën avec une pointe d'humour noir, mais je ne vois plus.
-C'est vrai. Abelas Lifaën. Quoiqu'il en soit, ce n'était pas pour rien que l'une des boutures était à même le sol. En réalité, nous n'avons pas retrouvé tous les corps de ceux partis au combat.
Elle laissa les paroles faire son effet tandis que Lifaën attendait la suite. Il poserait les questions ensuite.
-L'un des nôtres, Tämlen, n'est pas présent. Sachant la récente trahison qui nous a affecté, je ne peux pas me résoudre à penser à une coïncidence.
-Tu penses donc que Tämlen serait le traître ?, se risqua Elenwë
-Je ne le connaissais pas particulièrement, mais cela dépasse mes prévisions les plus pessimistes. Je n'aurais jamais pensé que l'un des nôtre pactiserait avec les shems, surtout après la destruction de la Forêt.
-Sauf s'il était déjà de mèche avec eux avant l'attaque, suggéra Liliä, Dans ce cas, on peut considérer qu'il a tout orchestré depuis le début en leur ouvrant le passage à travers les arcanes.
Cette proposition jeta un froid sur l'assemblée. Penser que l'un des leurs avait pu les conduire à leur perte était au delà de l'imaginable.
-C'est possible après tout, affirma Ielähu, Il était disciple d'Earän et a donc eu le temps nécessaire pour apprendre à s'en servir.
-Attendez une minute, intervint Lifaën, Vous pensez que quelqu'un a ouvert le passage dans la Forêt le jour de l'attaque ?
-Ce n'est pas ce que tu penses ?
Lifaën s'était souvent demandé comment les humains avaient pu traverser les arcanes sans aucun risque, mais jamais il n'avait été jusqu'à soupçonner l'un des siens. Il se contenta de garder le silence en patientant pour un développement plus consistante.
-Les shems sont trop faibles pour détruire les arcanes, expliqua Liliä, surtout qu'ils en ignoraient l'existence. La seule conclusion que nous avons pu en tirer, c'est que quelqu'un les avait aidé à passer.
-Ils ont très bien pu trouver un moyen de les briser.
Un éclair de fierté passa dans le regard de Liliä :
-Nous avons plus de pouvoir qu'eux. C'est hors de leur portée. Et puis, la récente trahison n'a fait que nous conforter dans cette position. La seule explication possible, c'est que Tämlen les a aidé à passer les barrières puis nous a dénoncé. En revanche, le «pourquoi» reste en suspens.
-Peut-être le secret des ruines en valait-il la peine, soupira Melindë, Mais il ne faut pas tirer de conclusions trop hâtives. Nous sommes encore sous le coup de la bataille et supposer un tel acte ne ferait que saper le morale des troupes restantes. Pour l'heure gardons le silence et observons la tournure des évènements.
-Et à propos des ruines ?, s'enquit Lifaën, Même si vous pensez qu'il n'y a rien d'important là-bas, nous pourrons toujours rechercher les prisonniers qui ne sont pas présents dans le campement.
La tension monta d'un coup. Personne n'avait oublié ce que les humains avaient fait et le fait qu'aucun des prisonniers n'aient été vu dans le campement ne laissaient qu'une seule possibilité quant au lieu où ils étaient retenus captifs.
-Dans ce cas je crois que tout est dit, dit Elenwë en frappant des mains, Je monterais une équipe pour rechercher les Viéras, avec ton accord bien sûr.
-Je viendrais avec toi. Ma sœur est possiblement là-bas et je veux m'en assurer personnellement.
Melindë acquiesça :
-Très bien. Faites attention toutefois, les shems en ont probablement piégé l'accès. Vous pouvez disposer.
Tous s'inclinèrent et tandis que Lifaën s'apprêtait à quitter la tente en premier, une brève pression mentale de Melindë lui indiqua qu'elle voulait lui parler. D'abord intrigué, il cessa de s'interroger et il fit semblant de chercher quelque chose sur le sol pour perdre le plus de temps possible. Ce comportement n'échappa pas à Elenwë qui garda un sourire en coin en quittant le bivouac. Lifaën se redressa alors, les autres étant partis :
-Un problème ?
-Je souhaitais juste te parler en privé. Comment te sens-tu ?
Lifaën considéra un moment la question. Pourquoi avait-il le sentiment étrange que cela cachait-il autre chose ?
-Je pense pouvoir m'acclimater à mon .. handicap.
-Je ne parlais pas que de tes yeux Lifaën. Je sais à quel point il est difficile de se remettre des célébrations, surtout quand il s'agit de la première.
-Et bien, hésita-t-il, Je crois simplement qu'il va me falloir du temps pour accepter ce qu'il s'est passé. Le temps nous dira si je suis assez fort pour continuer.
-Je vois ...
Un silence s'installa insidieusement, uniquement ponctué par les brefs éclats de discutions de l'extérieur et par la respiration de Fenris.
-Il y avait autre chose ? Demanda Lifaën.
-Non. Non rien. Tu peux y aller.
Le jeune homme s'inclina et marcha vers la sortie.
-Lifaën !, l'interrompit Melindë.
Il se tourna, surpris :
-Je … Je suis contente que tu sois en vie, dit-elle faiblement.
-Moi aussi Melindë, moi aussi.
-Bon sang ! Tu es réveillé !
-Elenwë ? Demanda Lifaën sur la défensive.
Même s'il ne voyait rien, il percevait encore très distinctement les consciences qui l'entouraient et n'eut aucun mal à reconnaître celle de son ami. Il l'entendit s'approcher :
-Tu nous as fait une peur bleue iethallän. Cela va faire trois jours que tu n'es pas revenu à toi. Comment te sens-tu ?
-Je pense avoir connu mieux, répondit-il en soupirant, Mais que s'est-il passé ? Où sommes-nous ?
-Toujours au campement où nous pansons les blessés. Pour faire simple, nous avons essuyé une dernière attaque d'un shem particulièrement coriace. Il … nous a presque brûlé vivant.
Lifaën entendit quelqu'un d'autre et comprit que c'était Fenris qui venait de se réveiller. Le Mabari s'avança d'un pas clopinant et posa sa tête sur les genoux du jeune homme. Ce dernier lui caressa le pelage.
-Il a eu la patte avant gauche de brisée en plus de sa blessure, commenta Elenwë, mais il est en pleine forme maintenant.
Lifaën fut soulagé de savoir son compagnon indemne. Il se redressa malgré la douleur qui lui tenaillait le côté et demanda :
-Et moi ? Pourquoi est-ce que je ne vois rien ? Est-ce à cause … des brûlures ?
-Tu ne vois rien ? Attends …
Soudain, un flash irradia la vision de Lifaën et lui martela le crâne avec la violence d'un bélier.
-Éloigne ça !, grogna-t-il en se détournant.
-Il semblerait que tu es quelques séquelles supplémentaires en plus des brûlures. Tiens.
Lifaën tâta comme un aveugle devant lui et comprit qu'Elenwë lui tendait un long morceau de tissu. Il se banda lentement les yeux et apprécia l'obscurité. Quelque soit l'attaque qu'il avait reçu, elle devait être d'une puissance effarante pour le blesser à ce point. Comment allait-il pouvoir faire quoique ce soit dans cet état ? Il changea de sujet :
-Et Melindë ? Comment va-t-elle ?
Son dernier souvenir la concernant était qu'elle s'allongeait à son côté tout en lui prenant le visage entre ses mains. Il ne sut dire ce qu'il s'était passé ensuite.
-Hé bien c'est elle qui t'a soigné et amené ici. Elle est en vie.
Lifaën soupira de soulagement. Il ne saurait ce qu'il aurait fait si elle était morte.
-Tu aurais dû porter une armure à ce propos, reprit Elenwë, On ne part pas au combat avec un simple vêtement. Enfin, tu es en vie c'est le principal. Repose toi, j'enverrais quelqu'un te chercher pour … quand la cérémonie aura lieu.
Et il quitta la pièce. Lifaën sentit sa gorge se nouer. La cérémonie dont parlait son ami était celle où l'on chantait la mort de ceux qui venaient d'entrer dans le néant et s'accompagnait généralement de longues nuits de deuil. Rien n'était plus dur pour eux que la perte de l'un des leurs. Cependant, Lifaën doutait des conséquences que cela entrainerait. Auraient-ils la force de continuer après une telle épreuve ? Et puis, il y avait toutes ses coutumes auxquelles il n'était plus attaché, auxquelles il ne voulait plus adhérer, sachant pertinemment qu'elles étaient le fruit d'un endoctrinement basé sur le mensonge. Il secoua la tête avec véhémence. Ce genre de propos ne feraient que lui nuire. Il se laissa porter par le sommeil qui apaisa sa douleur comme un baume.
Plus tard, il ne sut dire combien de temps, quelqu'un le réveilla et lui indiqua que tout était prêt.
-Ils t'attendent, avait ajouté la femme.
Elle l'aida à se lever et à s'habiller et le guida jusqu'à l'extérieur, suivi de prêt par Fenris. Tout était silencieux. Seul le bruissement des feuilles et les respirations des hahl ponctuait l'attente. Une lourde odeur de brûlé emplissait l'air. Lorsque Lifaën posa un pied au sol, il s'enfonça légèrement, comme s'il eut marché sur un tapis de mousse. Un fourmillement de sensations sans cohérence l'assaillaient. Il avait l'impression d'être entouré de boule lumineuse qui représentait chaque personne et qui battait plus ou moins vite. Des murmures lui parvinrent aux oreilles et il reconnut Elenwë qui le prit par le bras et qui l'assit au sol après quelques pas. Quelqu'un se détacha du groupe et, à la voix, Lifaën comprit que c'était Melindë qui parlait :
-Nous sommes sortis vainqueur de cette épreuve. Mais quelle victoire éphémère lorsque l'un des nôtres nous a appris que le Zathriän et Earän était tombé dans une embuscade.
L'assistance frémit. Personne ne connaissait le véritable nom du hahren et qu'il fut prononcé dans de telle circonstance renforçait la tristesse de tous.
-Aujourd'hui sera jour de deuil. N'ayez pas honte de vos larmes, car elles symboliseront le renouveau pour leurs esprits dans l'Immatériel. Chantons et honorons nos morts, et puisse leur sacrifice ne pas avoir été vain.
Un joueur de harpe entama une litanie douce en envoutante, accompagnée par la voix claire de Melindë.
Le rythme de leur lumière pâli et les battements de vie semblait s'estomper sans pour autant que le rythme ou les parole de la chanson n'en pâtisse. Lifaën aussi senti cette sensation au plus profond de lui. Une sensation qui lui oppressait le cœur comme un poids l'attirant inexorablement vers le fond, l'empêchant de respirer, de vivre, d'espérer. Il ressentit aussi la mélancolie de l'Ombre qui se rappelait de ces temps anciens où il était Elfe. Il coupa le contact de peur d'être submergé par la tristesse mais il ne put retenir les larmes qui coulaient de ses joues. Il pleurait le hahren, il pleurait la destruction de la forêt et il pleurait ce jour où Calion et les autres étaient morts. Fenris poussa une longue complainte ce qui ne fit que s'ajouter à sa tristesse. Il savait que les paroles n'étaient pas dans la langue que les Anciens lui avaient enseigné. Elles venaient d'autre part, d'un endroit plus puissant et plus chargé en souvenir. A la fin de la musique, il se sentit vide. Toute son énergie l'avait quittée. Il n'avait plus aucune volonté. Jamais il ne se serait douté que la cérémonie était aussi éprouvante, lui même n'y ayant jamais participé. Il n'en avait lu que des bribes dans le livre que Calion lui avait donné. D'une voix enrouée par l'émotion, Melindë reprit la parole :
-Je reprendrais la suite de Zathriän en tant que hahren et nous déciderons ensemble de la suite des évènements.
Tous s'inclinèrent et s'approchèrent d'un parterre de terre surélevé sur lequel s'élevait la bouture d'un arbre. Une ébauche de plante semblable était déposée à côté mais à même le sol, et d'autres s'étendaient de part et d'autre du monticule du hahren. Chacun des Viéras s'approcha et murmura des mots pour eux même, des membres de la famille perdus, et d'autres chantaient aussi en pleurant. Certains restaient tout simplement silencieux, le visage figé dans une expression glaciale, comme si la tristesse n'avait aucune prise sur eux. Ils étaient cependant minoritaires tant la peine était grande. Ce fut au tour de Lifaën, qui, ne connaissant pas personnellement les Viéras tombés, se plaça devant la tombe de terre du hahren. Il murmura une vieille bénédiction pour ne pas paraître impoli et s'éloigna. Les remous d'émotions qu'il ressentait avec plus d'intensité désormais le laissait fatigué, ceci ajouté à son état et à sa blessure récente, et il voulait simplement se plonger dans les abimes du sommeil. Assis sur une souche, il regardait sans voir les siens rendre un dernier hommage aux morts et il sentit Melindë s'assoir près de lui :
-Tu vas bien ? Demanda-t-elle.
-Je pense. Et toi ? Tu te remettras ?
-Je ne sais pas.
Son souffle d'émotion était si faible, si lent et si ténu que Lifaën eut du mal à l'interpréter.
-Je te soutiendrais, lui dit-il, Quoique tu fasses, je serais là.
-Merci Lifaën.
Elle laissa un bref silence avant de changer de sujet :
-Ne t'en fais pas pour ta vue, elle reviendra avec le temps.
-Je l'espère sincèrement.
Ils restèrent ainsi à côté, sans dire un mot, jusqu'à ce que les derniers Viéras aient finit leurs paroles d'adieu ou leurs chants mélancoliques. Finalement, Melindë s'absenta pour poursuivre la cérémonie. Trois jours durant, les poèmes concernant les défunts se succédèrent, entonnant comment l'un avait réussi le tir le plus loin à l'arc, quelques cinquante mètres, ou comment un autre avait su transposer avec les justes mots la tristesse que tous avaient éprouvé lors de la destruction de la Forêt. Le plus long fut celui dédié au hahren, où on détaillait avec précisions ses apports dans la culture des Viéras et avec quelle ferveur il s'était battu. Lifaën avait gardé le silence, tant par fatigue que par détachement. Au final, ne sachant plus comment se tenir en public, il s'était réfugié dans sa chambre avec Fenris pour prendre du repos, les complaintes résonnant sans cesse dans sa tête. Grâce au soin prodigué par Melindë, sa blessure au flanc était presque totalement guérie. Il pouvait se mouvoir sans trop souffrir et seule une mince croute témoignait encore de la meurtrissure de sa chair.
Le lendemain suivant le dernier jour des hommages, Melindë l'avait convoqué lui, son ami d'enfance Elenwë, ainsi que deux femmes qui devaient reprendre les places importantes. Tous les cinq devaient se réunir dans une tente montée pour l'occasion. Devant, deux gardes stoïques le laissèrent passer lui et son Mabari tandis que des échos de voix retentissaient déjà à l'intérieur :
-... Et je maintiens qu'il faut que nous partions au plus vite. Les shems ne resteront pas passifs indéfiniment.
-Nous n'avons aucun lieu où nous cacher, Répondit quelqu'un d'autre qui s'avéra être Elenwë, Le mieux est de suivre les dernières recommandation de Zathrian en fouillant les ruines.
-Et après ? Que ferons-nous ? Nous sommes pieds et poings liés ! Nous n'aurions jamais dû partir en guerre !
-Jamais je n'aurais permis que les shems ne restent plus longtemps ici ! S'insurgea quelqu'un d'autre.
Ce fut Melindë qui acheva la discutions alors que Lifaën entrait :
-Revenir sur ce qui aurait dû être fait ne changera rien. Nous devons désormais prendre nos décisions pour l'avenir.
Tous les regards convergèrent vers lui et la hahren dit :
-Te voilà enfin Lifaën. Je te présente Liliä qui sera ma seconde ...
La Viéra s'inclina. C'était celle qui avait pris la parole en premier et son énergie était teinté de rouge, plus brillante que les autres.
-... ainsi que Ielähu qui aidera Elenwë à coordonner nos troupes restantes.
-En parlant de ça, intervint Liliä, combien d'entre-nous sont encore en vie ? Vous n'espérez pas que nous nous en sortirons avec notre nombre ?
Un silence accueillit la question et ce fut Elenwë qui répondit :
-D'après nos dernières estimations, nous comptons actuellement cinquante-sept Viéras …
Fenris jappa pour faire comprendre qu'il était ici, à la surprise de tous. Personne ne s'était rendu compte de sa présence tant ils étaient absorbés par leur problème. Cette intervention arracha un sourire à Lifaën et son ami de compléter :
-... Et un Mabari en pleine forme.
-Si peu …, fit Ielähu dans un souffle, Hahren Melindë, je dois me ranger à l'avis de Liliä, si les humains attaquent, nous ne serons pas en mesure de résister.
-Et c'est pour cela qu'il faut que nous agissions le plus rapidement possible, répondit son interlocutrice, Lifaën as-tu une proposition ?
Le jeune homme resta coi un moment. Il ne s'était pas attendu à ce qu'on lui demande son avis, encore moins quand la moindre décision pouvait faire pencher la balance vers la victoire ou la défaite. Mais dans son esprit déjà bien encombré par les récents évènements, il ne parvenait pas à trouver d'issue heureuse. La seule solution, et il le savait, était de trouver le miroir qui les avait fait venir ici. Quant à persuader les autres de se lancer dans une telle entreprise sans leur révéler toute la vérité, il y avait un fossé. Il inspira à fond et lâcha :
-Je pense que nous devrions nous concentrer le plus rapidement possible sur les ruines. Si les … humains voulaient y trouver quelque chose d'assez important pour nous attaquer, peut-être qu'il serait judicieux de nous y mettre nous aussi.
-Et que chercherons-nous exactement ? Protesta Liliä, Ce n'était peut-être qu'une ruse pour nous forcer à nous montrer afin de tous nous massacrer. Il n'y a peut-être jamais rien eu dans ses ruines.
-Tu oublies le fait qu'ils se sont focalisés dessus dès qu'ils les ont trouvé, argua Ielähu, Si nous avons été massacré, c'est uniquement parce que nous étions entre eux et les ruines. Et cela ne fait qu'attiser ma curiosité quant à son contenu.
-Surtout que nous ne les avions jamais trouvé auparavant, compléta Elenwë.
Tous se turent en attendant la décision finale de Melindë. C'était sur elle désormais que reposait toutes les charges. Elle baissa la tête et opina :
-Avant de décider de quoique ce soit, nous devons passer en revue des moyens dont nous disposons.
Vint les problèmes divers comme la nourriture, l'approvisionnement en armes et armures ou encore la répartition des tâches entre les survivants. Les vivres manquaient et un groupe fut désigné pour aller chercher les affaires laissées dans les habitations pour les réunir autour des ruines. Quant au seul forgeron restant, il devait réparer les équipement endommagés avec le peu de matière dont il disposait. La situation était précaire mais tous devaient s'acquitter de leurs tâches au mieux. Après une heure de délibération et les dernières mesures prises, Melindë fit un geste las de la main pour obtenir le silence et prit un air grave :
-J'aimerais vous parler de l'histoire de ce traître maintenant que nous sommes fixés sur nos possibilités.
Elle pesa soigneusement ses mots :
-Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais durant la cérémonie, l'un des terreaux que nous avions disposé n'était pas surélevé.
-Je ne sais pas si tu l'as oublié, répliqua Lifaën avec une pointe d'humour noir, mais je ne vois plus.
-C'est vrai. Abelas Lifaën. Quoiqu'il en soit, ce n'était pas pour rien que l'une des boutures était à même le sol. En réalité, nous n'avons pas retrouvé tous les corps de ceux partis au combat.
Elle laissa les paroles faire son effet tandis que Lifaën attendait la suite. Il poserait les questions ensuite.
-L'un des nôtres, Tämlen, n'est pas présent. Sachant la récente trahison qui nous a affecté, je ne peux pas me résoudre à penser à une coïncidence.
-Tu penses donc que Tämlen serait le traître ?, se risqua Elenwë
-Je ne le connaissais pas particulièrement, mais cela dépasse mes prévisions les plus pessimistes. Je n'aurais jamais pensé que l'un des nôtre pactiserait avec les shems, surtout après la destruction de la Forêt.
-Sauf s'il était déjà de mèche avec eux avant l'attaque, suggéra Liliä, Dans ce cas, on peut considérer qu'il a tout orchestré depuis le début en leur ouvrant le passage à travers les arcanes.
Cette proposition jeta un froid sur l'assemblée. Penser que l'un des leurs avait pu les conduire à leur perte était au delà de l'imaginable.
-C'est possible après tout, affirma Ielähu, Il était disciple d'Earän et a donc eu le temps nécessaire pour apprendre à s'en servir.
-Attendez une minute, intervint Lifaën, Vous pensez que quelqu'un a ouvert le passage dans la Forêt le jour de l'attaque ?
-Ce n'est pas ce que tu penses ?
Lifaën s'était souvent demandé comment les humains avaient pu traverser les arcanes sans aucun risque, mais jamais il n'avait été jusqu'à soupçonner l'un des siens. Il se contenta de garder le silence en patientant pour un développement plus consistante.
-Les shems sont trop faibles pour détruire les arcanes, expliqua Liliä, surtout qu'ils en ignoraient l'existence. La seule conclusion que nous avons pu en tirer, c'est que quelqu'un les avait aidé à passer.
-Ils ont très bien pu trouver un moyen de les briser.
Un éclair de fierté passa dans le regard de Liliä :
-Nous avons plus de pouvoir qu'eux. C'est hors de leur portée. Et puis, la récente trahison n'a fait que nous conforter dans cette position. La seule explication possible, c'est que Tämlen les a aidé à passer les barrières puis nous a dénoncé. En revanche, le «pourquoi» reste en suspens.
-Peut-être le secret des ruines en valait-il la peine, soupira Melindë, Mais il ne faut pas tirer de conclusions trop hâtives. Nous sommes encore sous le coup de la bataille et supposer un tel acte ne ferait que saper le morale des troupes restantes. Pour l'heure gardons le silence et observons la tournure des évènements.
-Et à propos des ruines ?, s'enquit Lifaën, Même si vous pensez qu'il n'y a rien d'important là-bas, nous pourrons toujours rechercher les prisonniers qui ne sont pas présents dans le campement.
La tension monta d'un coup. Personne n'avait oublié ce que les humains avaient fait et le fait qu'aucun des prisonniers n'aient été vu dans le campement ne laissaient qu'une seule possibilité quant au lieu où ils étaient retenus captifs.
-Dans ce cas je crois que tout est dit, dit Elenwë en frappant des mains, Je monterais une équipe pour rechercher les Viéras, avec ton accord bien sûr.
-Je viendrais avec toi. Ma sœur est possiblement là-bas et je veux m'en assurer personnellement.
Melindë acquiesça :
-Très bien. Faites attention toutefois, les shems en ont probablement piégé l'accès. Vous pouvez disposer.
Tous s'inclinèrent et tandis que Lifaën s'apprêtait à quitter la tente en premier, une brève pression mentale de Melindë lui indiqua qu'elle voulait lui parler. D'abord intrigué, il cessa de s'interroger et il fit semblant de chercher quelque chose sur le sol pour perdre le plus de temps possible. Ce comportement n'échappa pas à Elenwë qui garda un sourire en coin en quittant le bivouac. Lifaën se redressa alors, les autres étant partis :
-Un problème ?
-Je souhaitais juste te parler en privé. Comment te sens-tu ?
Lifaën considéra un moment la question. Pourquoi avait-il le sentiment étrange que cela cachait-il autre chose ?
-Je pense pouvoir m'acclimater à mon .. handicap.
-Je ne parlais pas que de tes yeux Lifaën. Je sais à quel point il est difficile de se remettre des célébrations, surtout quand il s'agit de la première.
-Et bien, hésita-t-il, Je crois simplement qu'il va me falloir du temps pour accepter ce qu'il s'est passé. Le temps nous dira si je suis assez fort pour continuer.
-Je vois ...
Un silence s'installa insidieusement, uniquement ponctué par les brefs éclats de discutions de l'extérieur et par la respiration de Fenris.
-Il y avait autre chose ? Demanda Lifaën.
-Non. Non rien. Tu peux y aller.
Le jeune homme s'inclina et marcha vers la sortie.
-Lifaën !, l'interrompit Melindë.
Il se tourna, surpris :
-Je … Je suis contente que tu sois en vie, dit-elle faiblement.
-Moi aussi Melindë, moi aussi.
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Re: Chapitre 5 : La recherche de la Vérité
Il resta quelques secondes sur le pas de la tente, ne sachant comment réagir, et se décida finalement à partir. Dehors, il sentait le soleil chaud sur sa peau et inspira un bol d'air. L'atmosphère était étrangement lourd et une odeur musquée s'en détachait très nettement. Il ne sut dire d'où elle venait toutefois. Puis, un petit cercle lumineux sur sa gauche attira son attention. Pensant d'abord qu'il s'agissait d'un simple rongeur, il s'en détourna. Mais l'image restait complètement stoïque, sans la moindre variation d'intensité comme le ferait celle d'un être vivant, restant constamment sur la même teinte. Intrigué, il choisit de savoir la source de cette lumière. Se fiant uniquement à ce qu'il ressentait, il marchait lentement, calculant méticuleusement chacun de ses pas, et se rendit compte que la lumière s'éloignait au fur et à mesure de son avancement. Son pied buta contre quelque chose de dur et il enjamba l'obstacle. Fenris lui passa devant en jappant, provoquant une explosion de sensation dans son univers aveugle, et il comprit qu'il était simplement retourné dans sa chambre. Son compagnon revint alors avec la forme luminescente dans la gueule et lorsque Lifaën la saisit, il lui fallut un moment pour comprendre ce qu'il avait entre les mains. C'était un simple livre. Non, pas un simple livre. Le livre que Calion lui avait donné avant son départ de la Forêt. Son écorce si particulière et son odeur ne lui laissèrent plus aucun doute. En revanche, la provenance de la lumière restait un mystère. Lifaën ouvrit alors le livre et ce qu'il vit le stupéfia. Au lieu de s'attendre à une masse blanche informe, il distinguait une écriture extrêmement nette, sans la moindre lacune. C'était très étrange puisque jusqu'à lors, il avait toujours cru que ce qu'il prenait comme étant de la lumière était en fait de l'énergie sous sa forme la plus primitive. Qu'elle représente ici un texte lui fit revoir complètement sa vision des choses. Mais son scepticisme laissa bientôt place à la curiosité. Que pouvait bien contenir ce livre de si important pour que personne ne puisse le lire, à moins d'être aveugle ? Il laissa alors son regard vagabonder entre les lignes gracieuses et commença son inspection :
«J'ai trouvé le moyen d'écrire ses lignes dans une encre que seul ceux dont la vision se sera étendu au delà du matériel pourront percer. Cela permettra de garantir notre sécurité tout en permettant à ceux qui sont jugés dignes de savoir la vérité.
Il y a maintenant plusieurs années, quelques Elfes dont moi-même avons pris en chasse des N'Elfir qui tentaient de passer par-delà le Voile à l'aide d'une puissance incommensurable. Ils avaient trouvé un Eluviän, un miroir dont nous ne savions pas où il menait, mais dont la magie était suffisante pour nous inquiéter. Nous les avons donc trouvé, devant l'Eluviän, à pratiquer des rites occultes pour tenter de l'ouvrir. Ils avaient la clé, mais nous ignorions ce qu'elle était. J'ai pensé que détruire le miroir nous tuerait et garantirait l'équilibre, mais je me suis trompé. Ma force, faute de le détruire car trop faible, l'a activé, et nous avons tous été propulsés à travers le miroir dans ce monde dont nous ignorons tout. Derechef, nous avons pourchassés et tués les Seigneurs Sombres afin qu'ils paient pour leur outrage, et nous avons caché la vérité, sachant qu'elle provoquerait immanquablement une nouvelle scission des nôtres et le risque de détruire notre monde. Le miroir avait disparu et avec lui, les dernières traces de notre venu d'un autre endroit. Il nous a fallu honnir ce que nous étions pour tout recommencer. Seuls les Anciens et moi-même savons ce que cela nous a coûté. Les jeunes descendants grandiront dans l'ignorance et la vie continuera sans risquer la rupture de l'équilibre. Tel est le sacrifice des nôtres. Nous porterons ce fardeau jusqu'à ce qu'il soit trop lourd à porter, et l'histoire recommencera. Je perçois déjà les échos de cette guerre silencieuse qui s'opère. Ô Créateurs, qu'avons-nous fait pour mériter un tel sort ?»
Il tourna la page, complètement absorbé par sa lecture :
«Le jeune que j'ai recueilli montre des capacités très impressionnantes. Peut-être est-il la clé. Peut-être est-il celui qui nous ramènera chez nous. Je pose de grands espoirs en lui. Il ne doit pas mourir. Pas tant qu'il n'aura pas accompli ce qu'il devra faire. Je me sacrifierais s'il le faut, mais il doit permettre aux nôtres de retourner chez nous. Les humains ont eu une activité très intense ces-derniers jours. Peut-être est-il temps de tout dire. Je vais consulter Earän pour cacher Warmog le plus loin possible.»
«Alors ça y est. Je ressens la fin pour nous. Le Voile se déchire et les corbeaux entament leurs complaintes funèbres. Mon cœur est lourd de regrets et peut-être est-il temps pour nous de quitter ce monde qui n'est pas le nôtre. Mais l'équilibre demeurera, Warmog sera sauf et la clé vivante.»
Il n'y avait plus rien. Seulement trois pages et pourtant, certaines parties demeuraient floues. Était-ce Calion qui avait écrit ces mots ? Et dans quel but ? Tant de questions et personne pour y répondre. Lifaën déposa le livre à côté de lui et s'effondra sur son lit. Warmog. Ce mot résonnait dans sa tête sans pouvoir en percer le sens. Et la clé. De quoi parlait-il ? Une clé vivante ? Devait-il y voir une allégorie ou bien encore un objet insolite ? Peut-être était-ce la même clé qui avait servi aux Ombres pour passer de l'autre côté du miroir la première fois.
Des bruits de pas résonnèrent et Elenwë entra alors :
-Iethallän ! Nous partons pour les ruines !
-Maintenant ?
-Bien sûr ! Il y a trop de nappes d'ombres présentes autour de cet endroit et nous devons les y chasser ! Viens !
Lifaën ne se le fit pas dire deux fois. La perspective de revoir sa sœur vivante le motiva et il sortit prestement avec l'aide de son ami. Ils traversèrent rapidement le campement sans attirer l'attention, le survivants occupés à renforcer les défenses, à se soigner, ou bien simplement à rester contemplatif devant l'ampleur des évènements. Devant les ruines se trouvaient Liliä ainsi que deux autres soldats arnachés de pieds en cap par du matériel d'exploration, des cordes, des torches ainsi que leurs armes.
-Si peu ? Dit Lifaën perplexe.
-Se sont les seuls guerriers qui sont à la fois en pleine forme et assez compétent pour cette exploration, répondit Elenwë, Les autres sont ou blessé, ou occupé à garder le camp.
-Vous voilà ! Railla Liliä une fois qu'ils furent arrivés à son niveau, Nous nous apprêtions à partir ! Lifaën, je te présente Valion ainsi que Narië.
Tous deux s'inclinèrent.
-C'est un honneur, dit Valion d'une voix plus grave que celle des autres de son peuple.
-Un honneur, répéta Narië.
Lifaën ne sut que répondre à tant de respect et ce fut Fenris qui le tira de cette situation embarrassante par un jappement joyeux. Tous les cinq se tournèrent alors vers l'entrée des vestiges. Deux colonnes flanchées formaient une sorte d'arcade, comme une porte maudite qu'il fallait traverser pour entrer. Une aura puissante et entêtante s'en émanait très clairement, quelque chose que Lifaën avait le sentiment d'avoir déjà ressenti auparavant, sans pouvoir dire quand. Liliä ouvrit la marche et attaqua la pente raide qui mena sur un long corridor humide. D'abord, il n'y avait qu'une faible végétation, composée de ronces dures et de buissons morts, qui s'éteignit au fur et à mesure de leur avancée. Peu à peu, la nature laissa sa place aux constructions venues d'un autre âge. Les murs étaient huileux, sombres, couverts de mousse et pourtant, le jeune homme ne ressentait pas la moindre vie. C'était comme si toute volonté était sapée à l'intérieur de ces murs de pierres brisées et que rien de vivant ne se trouvait en ce lieu. Ils débouchèrent sur un cul-de-sac mais sur la gauche, à même la roche, une ouverture avait été pratiquée, probablement à coup d'un lourd objet contondant comme une masse ou un marteau. De l'autre côté, rien qu'une obscurité glaciale et impénétrable. Valion entra le premier et alluma sa torche, aussitôt suivi par un crissement de métal qui brisa le silence. Un éclat lumineux en hauteur attira l'attention de Lifaën.
-Attention !, cria-t-il.
Il poussa le soldat à terre juste à temps pour éviter une dague qui se planta à l'endroit où Valion se trouvait un instant juste avant. La terre gargouilla et se désagrégea à vue d'œil.
-Merci. J'aurais dû être plus vigilant.
Lifaën se releva et les autres accoururent :
-Comment as-tu pu voir ça ? S'exclama Elenwë, Il n'y avait pas le moindre mécanisme activateur !
-Ce n'est pas un piège ordinaire, répondit Lifaën, Il ne devait s'activer que lorsqu'une personne étrangère s'introduisait ici. Je ne l'ai vu qu'au dernier moment.
-Des pièges sur mesure ?, Souffla Narië, Les shems ont bien failli nous avoir cette fois-ci. Il va falloir redoubler de prudence.
Il approuvèrent silencieusement et reprirent la marche. Au fur et à mesure de leur avancée, la pression augmenta, d'abord imperceptiblement, puis avec plus de force. Des échos sans voix remuaient la noirceur des lieux alors qu'aucune vie n'y subsistait, et les murs se couvraient de plus en plus de toiles blanches d'une taille impressionnante. Parfois, des statues portant de larges coupes se dressaient, brisées ou non, dans le dédale des couloirs sans fin mais aucune trace des prisonniers. Lifaën commença à craindre de tomber sur les cadavres des siens à chaque détour d'un virage ou après chaque embrasure passée. Fenris aussi était sensible à l'énergie sinistre qui battait sans cesse autour d'eux, il ne cessait de geindre plaintivement, seule note lugubre dans cet endroit désolé. De nombreux pièges avaient été déposés un peu partout, de la corte déclanchant un torrent de feu aux nuages toxiques activés par des plaques spéciales, mais grâce à Lifaën et à l'activité énergétique anormale des pièges, ils purent s'en sortir en évitant des blessures trop graves. Les pulsions atteignirent enfin leur paroxysme lorsque après près d'une heure de déambulation, Liliä s'arrêta face à une lourde porte de bois usé. Elle força sur le verrou mais ne parvint pas à l'ouvrir.
-Il y a quelque chose de l'autre côté de cette porte qu'on ne voulait pas qu'on trouve.
Elenwë frissonna :
-Et je comprends pourquoi. Ce qu'il y là-bas me donne déjà la chair de poule sans l'avoir vu.
-Lifaën ? Demanda Valon.
-Il n'y a rien. Du moins, rien de vivant je pense.
Malgré cette affirmation, il n'était pas sûr de ce qu'il ressentait. Ce n'était certes pas vivant, mais puissant et chargé en énergie. Serait-ce de la «magie» ? Il déglutit péniblement lorsque l'ordre fut donné d'enfoncer la porte. Narië forma un globe avec ses mains et envoya la sphère psychique contre l'entrée qui craqua horriblement et vola en éclat. Ils entrèrent. De l'autre côté, une sphère de marbre semblait flotter en l'air, une flamme noire vacillant en son creux. Lifaën crut reconnaître ce qu'il avait vu dans la mémoire de l'Ombre mais nulle trace du miroir. Ils s'avancèrent lentement et une série de torche s'embrasèrent de part et d'autre de la pièce circulaire, la baignant dans une atmosphère sanglante et macabre.
-Impressionnant, souffla Narië.
Devant eux se trouvait un miroir gigantesque, enserré par deux piliers de pierre grise couvert de lierres sombres et amorphes, et la coupe était en fait tenue par les même statues de femme en châles qu'ils avaient croisés dans les ruines. Un souffle chaud battit la pièce alors qu'aucune ouverture n'était pratiquée dans la roche. Lifaën n'en revenait pas :
-Un Eluviän, murmura-t-il incrédule, Alors Calion disait vrai.
Jusqu'alors, même s'il y avait cru, aucune preuve ne venait étayer les dires de l'Ombre. Ombre qui était étonnement silencieux depuis plusieurs moments, bien qu'elle était toujours présente il le savait. Il s'approcha lentement, mu par une force étrange, et gravit les quelques marches qui surélevait le miroir du sol.
-Attention Lifaën, le prévint Valon, C'est surement dangereux.
Mais Lifaën ne l'écoutait pas. Ses yeux lui envoyaient une image totalement différente de ce qu'il aurait pu imaginer. Il ne voyait pas le miroir, mais l'énergie qui sortait de son centre. Un long fleuve continu et sans fin, libre, tumultueux par endroit et lisse à d'autres. Une encoche était pratiquée sur la gauche, représentant la même marque qu'il avait sur sa main gauche.
-Vous voyez ça ? Demanda-t-il aux autres.
-Quoi donc ? Répliqua Liliä, Voir quoi ? Il n'y a rien que de la pierre.
Lifaën se tourna vers la marque et, sans réfléchir, posa sa main dessus. Son esprit fut alors ébranlé dans tous les sens, balloté dans ce flux, attiré hors de son corps et perdu dans un éther sans fin. Il s'accrocha, refusant de lâcher prise, tentant de retirer sa main, mais il ne réussit pas. C'était comme si on avait appliqué de la cire fondue brûlante sur sa paume. Puis, soudainement, il cessa tout simplement de vouloir lutter. Une sensation de paix l'envahit. Pourquoi ne pas se laisser faire ? Une main vigoureuse se posa sur son épaule et l'arracha à sa transe dangereuse. Une flash de toutes les couleurs lui balaya la vue et il vit. Il vit comment ouvrir la porte et libérer son pouvoir destructeur. Il vit une troupe d'humains avançant vers les ruines, une armée entière dévouée à la destruction et arborant l'emblème de TriAqua. Elle marchait, implacablement, et un homme se tenait à leur tête. Une allure plus svelte que les autres, plus élancée, les cheveux argentés battant au vent, une armure d'écorce qui semblait ramper sur lui comme un serpent. Lifaën n'en crut pas ses yeux. C'était impossible. Pas lui. Pas lui aussi. Il était mort !
-Il est mort !, hurla-t-il.
En face de lui, Fenris qui le fixait de son regard d'acier et Elenwë qui le portait sur ses genoux. Le plafond remuait bizarrement, parcourut de vagues invisibles.
-Ça va ?, demanda son ami inquiet, Que s'est-il passé ?
-Je … Je ne sais pas.
Il se frotta les yeux, et cligna plusieurs fois des paupières. Il voyait ! C'était incroyable, impensable même, il avait recouvré la vue ! Mais sa vision d'aveugle n'avait pas pour autant disparue. La moindre personne vivante lui apparaissait aussi claire qu'un phare en pleine nuit, illuminant son monde de dizaine d'étoiles colorées, balayant les ténèbres des ruines, et le laissant pantois comme un enfant face à son premier jeu. Sa joie fut cependant vite supplantée par ce qu'il venait de voir. Il s'y refusait même si la force de la vérité l'écrasait comme un étau.
-Il n'y a aucun prisonnier ici non plus, déclara Narië qui revenait d'un inspection des lieux.
-Les humains ne les ont pas emmenés pourtant, affirma Liliä en croisant les bras, Comment le hahren a-t-il pu se tromper ?
-Ce n'est pas le hahren qui s'est trompé, fit Lifaën d'une voix rauque.
Tout lui semblait clair maintenant. L'attaque, la trahison, le livre et maintenant les prisonniers.
-Une armée d'humain arrive, informa-t-il, Il faut se préparer.
-Les shems ?, s'étonna Valon, Maintenant ? Comment le sais-tu ?
-Je n'ai pas le temps de vous expliquer mais je le sais. Il faut partir au plus vite. Retrouvez les autres et faite les se préparer.
-Que comptes-tu faire toi ? S'insurgea Liliä.
Lifaën se releva. Effectivement il comptait faire quelque chose pendant que les siens se préparaient.
-Vérifier quelque chose, dit-il simplement.
Il grimpa sur Fenris et reprit :
-Ils seront bientôt là. Dépêchez-vous !
Et il talonna sa monture. Les autres restèrent stoïques un moment avant qu'Elenwë ne s'élance à sa suite, suivi de près par ses compagnons. Lifaën les perdit de vue après un virage, la vitesse de Fenris étant supérieure à celle d'un Viéra à pied. En son fort intérieur, il souhaitait avoir tort, s'être trompé sur ce qu'il avait vu, mais le doute n'était plus permis, et il devait s'assurer d'avoir le courage de faire ce qu'il devait faire. En une demi-heure à peine, il émergea des ruines et se dirigea sans détour vers le lieu de la cérémonie. Les boutures étaient toujours plantées et avaient à peine poussées. Il alla sur la tombe d'un des morts et sonda l'intérieur. Il se reprit à deux fois pour être sûr et un frisson lui parcourut l'échine.
-Traître, jura-t-il entre ses dents.
Elenwë et les autres commençaient alors déjà à prévenir tout le monde plus loin, et la plupart des siens étaient totalement pris au dépourvus, ne sachant comment réagir. Personne n'avait pensé à une contre-attaque si rapide , et les blessés étaient tout juste remis de leurs blessures. Melindë se dirigea alors vers lui, une armure à la main ainsi qu'avec Alastor :
-Lifaën ! Ils disent que des humains approchent. Que s'est-il passé dans les ruines ?
-Il n'y avait pas de prisonniers. Les humains nous attaquent maintenant que nous sommes les plus faibles. Je … C'était un piège !
Le jeune homme bouillait littéralement de l'intérieur. Il avait été manipulé et à cause de cela, les siens allaient périr. Il devait réagir.
-Je vais aller me battre Melindë. Rassemble tous les Viéras et fait les se replier près du miroir.
-Quoi ? Pas question ! S'il faut mourir, nous le ferons le fer à la main.
-Non ! Écoutes, personnes ne mourras si tu fais ce que je dis. Rassembles-les. Prends le livre des Ancien et allez dans les ruines ! Elenwë vous guidera !
Melindë avait presque les larmes aux yeux quant elle répondit :
-Je suis le hahren des Viéras restant ! Nous combattrons Lifaën, que cela te plaise ou non !
-Je ne te le demande pas en temps que subordonné, mais en tant qu'ami. Je ne veux pas que vous mourriez. Je te promets de revenir. Fais moi confiance.
Elle plongea un regard indescriptible dans le sien, mêlant des sentiments tellement fort que tout semblait désuet à côté. Qui était-elle à ce moment là pour lui ? Une amie, le hahren, ou bien plus que tout ça ? Mais le moment n'était pas aux histoires de cœur. Melindë laissa alors tomber l'armure et Alastor au sol et se retourna sèchement.
-Merci pour tout Melindë, susurra-t-il, Ne t'inquiète plus maintenant, je peux voir désormais.
La hahren fit volte-face, surprise, mais Lifaën était déjà parti, arnaché comme au premier jour, prêt à faire face au traître. Il poussa un cri sauvage, imité par Fenris, tandis qu'ils fondaient ensemble vers l'ennemi, zigzaguant entre les palissades et les arbres comme s'il n'y étaient pas, formant un seul être meurtris et déterminés. Ses yeux furetaient dans toutes les directions, son sang battait avec fureur dans ses veines, son cœur s'emballait au moindre pas de Fenris, il était prêt à la moindre attaque de n'importe quel côté, mais les humains n'étaient pas ici, ils n'étaient pas encore arrivés dans la forêt. Il s'arrêta finalement dans un endroit sans arbres, un silence de mort régnait autour de lui. Fenris grogna et Lifaën comprit à son tour.
-Montre-toi ! Je sais que tu es ici !
Pas de réponses. Une ombre se détacha lentement de l'air lui-même, ses contours se dessinèrent de plus en plus nettement et l'ébauche d'une personne apparut. Lifaën sortit Alastor de son fourreau, les yeux brûlants de rage et de haine. Earän le traître se tenait devant lui, sans la moindre émotion sur son visage, une armure de bois sur le torse et une fine lame dans la main.
-Tu avais donc compris.
«J'ai trouvé le moyen d'écrire ses lignes dans une encre que seul ceux dont la vision se sera étendu au delà du matériel pourront percer. Cela permettra de garantir notre sécurité tout en permettant à ceux qui sont jugés dignes de savoir la vérité.
Il y a maintenant plusieurs années, quelques Elfes dont moi-même avons pris en chasse des N'Elfir qui tentaient de passer par-delà le Voile à l'aide d'une puissance incommensurable. Ils avaient trouvé un Eluviän, un miroir dont nous ne savions pas où il menait, mais dont la magie était suffisante pour nous inquiéter. Nous les avons donc trouvé, devant l'Eluviän, à pratiquer des rites occultes pour tenter de l'ouvrir. Ils avaient la clé, mais nous ignorions ce qu'elle était. J'ai pensé que détruire le miroir nous tuerait et garantirait l'équilibre, mais je me suis trompé. Ma force, faute de le détruire car trop faible, l'a activé, et nous avons tous été propulsés à travers le miroir dans ce monde dont nous ignorons tout. Derechef, nous avons pourchassés et tués les Seigneurs Sombres afin qu'ils paient pour leur outrage, et nous avons caché la vérité, sachant qu'elle provoquerait immanquablement une nouvelle scission des nôtres et le risque de détruire notre monde. Le miroir avait disparu et avec lui, les dernières traces de notre venu d'un autre endroit. Il nous a fallu honnir ce que nous étions pour tout recommencer. Seuls les Anciens et moi-même savons ce que cela nous a coûté. Les jeunes descendants grandiront dans l'ignorance et la vie continuera sans risquer la rupture de l'équilibre. Tel est le sacrifice des nôtres. Nous porterons ce fardeau jusqu'à ce qu'il soit trop lourd à porter, et l'histoire recommencera. Je perçois déjà les échos de cette guerre silencieuse qui s'opère. Ô Créateurs, qu'avons-nous fait pour mériter un tel sort ?»
Il tourna la page, complètement absorbé par sa lecture :
«Le jeune que j'ai recueilli montre des capacités très impressionnantes. Peut-être est-il la clé. Peut-être est-il celui qui nous ramènera chez nous. Je pose de grands espoirs en lui. Il ne doit pas mourir. Pas tant qu'il n'aura pas accompli ce qu'il devra faire. Je me sacrifierais s'il le faut, mais il doit permettre aux nôtres de retourner chez nous. Les humains ont eu une activité très intense ces-derniers jours. Peut-être est-il temps de tout dire. Je vais consulter Earän pour cacher Warmog le plus loin possible.»
«Alors ça y est. Je ressens la fin pour nous. Le Voile se déchire et les corbeaux entament leurs complaintes funèbres. Mon cœur est lourd de regrets et peut-être est-il temps pour nous de quitter ce monde qui n'est pas le nôtre. Mais l'équilibre demeurera, Warmog sera sauf et la clé vivante.»
Il n'y avait plus rien. Seulement trois pages et pourtant, certaines parties demeuraient floues. Était-ce Calion qui avait écrit ces mots ? Et dans quel but ? Tant de questions et personne pour y répondre. Lifaën déposa le livre à côté de lui et s'effondra sur son lit. Warmog. Ce mot résonnait dans sa tête sans pouvoir en percer le sens. Et la clé. De quoi parlait-il ? Une clé vivante ? Devait-il y voir une allégorie ou bien encore un objet insolite ? Peut-être était-ce la même clé qui avait servi aux Ombres pour passer de l'autre côté du miroir la première fois.
Des bruits de pas résonnèrent et Elenwë entra alors :
-Iethallän ! Nous partons pour les ruines !
-Maintenant ?
-Bien sûr ! Il y a trop de nappes d'ombres présentes autour de cet endroit et nous devons les y chasser ! Viens !
Lifaën ne se le fit pas dire deux fois. La perspective de revoir sa sœur vivante le motiva et il sortit prestement avec l'aide de son ami. Ils traversèrent rapidement le campement sans attirer l'attention, le survivants occupés à renforcer les défenses, à se soigner, ou bien simplement à rester contemplatif devant l'ampleur des évènements. Devant les ruines se trouvaient Liliä ainsi que deux autres soldats arnachés de pieds en cap par du matériel d'exploration, des cordes, des torches ainsi que leurs armes.
-Si peu ? Dit Lifaën perplexe.
-Se sont les seuls guerriers qui sont à la fois en pleine forme et assez compétent pour cette exploration, répondit Elenwë, Les autres sont ou blessé, ou occupé à garder le camp.
-Vous voilà ! Railla Liliä une fois qu'ils furent arrivés à son niveau, Nous nous apprêtions à partir ! Lifaën, je te présente Valion ainsi que Narië.
Tous deux s'inclinèrent.
-C'est un honneur, dit Valion d'une voix plus grave que celle des autres de son peuple.
-Un honneur, répéta Narië.
Lifaën ne sut que répondre à tant de respect et ce fut Fenris qui le tira de cette situation embarrassante par un jappement joyeux. Tous les cinq se tournèrent alors vers l'entrée des vestiges. Deux colonnes flanchées formaient une sorte d'arcade, comme une porte maudite qu'il fallait traverser pour entrer. Une aura puissante et entêtante s'en émanait très clairement, quelque chose que Lifaën avait le sentiment d'avoir déjà ressenti auparavant, sans pouvoir dire quand. Liliä ouvrit la marche et attaqua la pente raide qui mena sur un long corridor humide. D'abord, il n'y avait qu'une faible végétation, composée de ronces dures et de buissons morts, qui s'éteignit au fur et à mesure de leur avancée. Peu à peu, la nature laissa sa place aux constructions venues d'un autre âge. Les murs étaient huileux, sombres, couverts de mousse et pourtant, le jeune homme ne ressentait pas la moindre vie. C'était comme si toute volonté était sapée à l'intérieur de ces murs de pierres brisées et que rien de vivant ne se trouvait en ce lieu. Ils débouchèrent sur un cul-de-sac mais sur la gauche, à même la roche, une ouverture avait été pratiquée, probablement à coup d'un lourd objet contondant comme une masse ou un marteau. De l'autre côté, rien qu'une obscurité glaciale et impénétrable. Valion entra le premier et alluma sa torche, aussitôt suivi par un crissement de métal qui brisa le silence. Un éclat lumineux en hauteur attira l'attention de Lifaën.
-Attention !, cria-t-il.
Il poussa le soldat à terre juste à temps pour éviter une dague qui se planta à l'endroit où Valion se trouvait un instant juste avant. La terre gargouilla et se désagrégea à vue d'œil.
-Merci. J'aurais dû être plus vigilant.
Lifaën se releva et les autres accoururent :
-Comment as-tu pu voir ça ? S'exclama Elenwë, Il n'y avait pas le moindre mécanisme activateur !
-Ce n'est pas un piège ordinaire, répondit Lifaën, Il ne devait s'activer que lorsqu'une personne étrangère s'introduisait ici. Je ne l'ai vu qu'au dernier moment.
-Des pièges sur mesure ?, Souffla Narië, Les shems ont bien failli nous avoir cette fois-ci. Il va falloir redoubler de prudence.
Il approuvèrent silencieusement et reprirent la marche. Au fur et à mesure de leur avancée, la pression augmenta, d'abord imperceptiblement, puis avec plus de force. Des échos sans voix remuaient la noirceur des lieux alors qu'aucune vie n'y subsistait, et les murs se couvraient de plus en plus de toiles blanches d'une taille impressionnante. Parfois, des statues portant de larges coupes se dressaient, brisées ou non, dans le dédale des couloirs sans fin mais aucune trace des prisonniers. Lifaën commença à craindre de tomber sur les cadavres des siens à chaque détour d'un virage ou après chaque embrasure passée. Fenris aussi était sensible à l'énergie sinistre qui battait sans cesse autour d'eux, il ne cessait de geindre plaintivement, seule note lugubre dans cet endroit désolé. De nombreux pièges avaient été déposés un peu partout, de la corte déclanchant un torrent de feu aux nuages toxiques activés par des plaques spéciales, mais grâce à Lifaën et à l'activité énergétique anormale des pièges, ils purent s'en sortir en évitant des blessures trop graves. Les pulsions atteignirent enfin leur paroxysme lorsque après près d'une heure de déambulation, Liliä s'arrêta face à une lourde porte de bois usé. Elle força sur le verrou mais ne parvint pas à l'ouvrir.
-Il y a quelque chose de l'autre côté de cette porte qu'on ne voulait pas qu'on trouve.
Elenwë frissonna :
-Et je comprends pourquoi. Ce qu'il y là-bas me donne déjà la chair de poule sans l'avoir vu.
-Lifaën ? Demanda Valon.
-Il n'y a rien. Du moins, rien de vivant je pense.
Malgré cette affirmation, il n'était pas sûr de ce qu'il ressentait. Ce n'était certes pas vivant, mais puissant et chargé en énergie. Serait-ce de la «magie» ? Il déglutit péniblement lorsque l'ordre fut donné d'enfoncer la porte. Narië forma un globe avec ses mains et envoya la sphère psychique contre l'entrée qui craqua horriblement et vola en éclat. Ils entrèrent. De l'autre côté, une sphère de marbre semblait flotter en l'air, une flamme noire vacillant en son creux. Lifaën crut reconnaître ce qu'il avait vu dans la mémoire de l'Ombre mais nulle trace du miroir. Ils s'avancèrent lentement et une série de torche s'embrasèrent de part et d'autre de la pièce circulaire, la baignant dans une atmosphère sanglante et macabre.
-Impressionnant, souffla Narië.
Devant eux se trouvait un miroir gigantesque, enserré par deux piliers de pierre grise couvert de lierres sombres et amorphes, et la coupe était en fait tenue par les même statues de femme en châles qu'ils avaient croisés dans les ruines. Un souffle chaud battit la pièce alors qu'aucune ouverture n'était pratiquée dans la roche. Lifaën n'en revenait pas :
-Un Eluviän, murmura-t-il incrédule, Alors Calion disait vrai.
Jusqu'alors, même s'il y avait cru, aucune preuve ne venait étayer les dires de l'Ombre. Ombre qui était étonnement silencieux depuis plusieurs moments, bien qu'elle était toujours présente il le savait. Il s'approcha lentement, mu par une force étrange, et gravit les quelques marches qui surélevait le miroir du sol.
-Attention Lifaën, le prévint Valon, C'est surement dangereux.
Mais Lifaën ne l'écoutait pas. Ses yeux lui envoyaient une image totalement différente de ce qu'il aurait pu imaginer. Il ne voyait pas le miroir, mais l'énergie qui sortait de son centre. Un long fleuve continu et sans fin, libre, tumultueux par endroit et lisse à d'autres. Une encoche était pratiquée sur la gauche, représentant la même marque qu'il avait sur sa main gauche.
-Vous voyez ça ? Demanda-t-il aux autres.
-Quoi donc ? Répliqua Liliä, Voir quoi ? Il n'y a rien que de la pierre.
Lifaën se tourna vers la marque et, sans réfléchir, posa sa main dessus. Son esprit fut alors ébranlé dans tous les sens, balloté dans ce flux, attiré hors de son corps et perdu dans un éther sans fin. Il s'accrocha, refusant de lâcher prise, tentant de retirer sa main, mais il ne réussit pas. C'était comme si on avait appliqué de la cire fondue brûlante sur sa paume. Puis, soudainement, il cessa tout simplement de vouloir lutter. Une sensation de paix l'envahit. Pourquoi ne pas se laisser faire ? Une main vigoureuse se posa sur son épaule et l'arracha à sa transe dangereuse. Une flash de toutes les couleurs lui balaya la vue et il vit. Il vit comment ouvrir la porte et libérer son pouvoir destructeur. Il vit une troupe d'humains avançant vers les ruines, une armée entière dévouée à la destruction et arborant l'emblème de TriAqua. Elle marchait, implacablement, et un homme se tenait à leur tête. Une allure plus svelte que les autres, plus élancée, les cheveux argentés battant au vent, une armure d'écorce qui semblait ramper sur lui comme un serpent. Lifaën n'en crut pas ses yeux. C'était impossible. Pas lui. Pas lui aussi. Il était mort !
-Il est mort !, hurla-t-il.
En face de lui, Fenris qui le fixait de son regard d'acier et Elenwë qui le portait sur ses genoux. Le plafond remuait bizarrement, parcourut de vagues invisibles.
-Ça va ?, demanda son ami inquiet, Que s'est-il passé ?
-Je … Je ne sais pas.
Il se frotta les yeux, et cligna plusieurs fois des paupières. Il voyait ! C'était incroyable, impensable même, il avait recouvré la vue ! Mais sa vision d'aveugle n'avait pas pour autant disparue. La moindre personne vivante lui apparaissait aussi claire qu'un phare en pleine nuit, illuminant son monde de dizaine d'étoiles colorées, balayant les ténèbres des ruines, et le laissant pantois comme un enfant face à son premier jeu. Sa joie fut cependant vite supplantée par ce qu'il venait de voir. Il s'y refusait même si la force de la vérité l'écrasait comme un étau.
-Il n'y a aucun prisonnier ici non plus, déclara Narië qui revenait d'un inspection des lieux.
-Les humains ne les ont pas emmenés pourtant, affirma Liliä en croisant les bras, Comment le hahren a-t-il pu se tromper ?
-Ce n'est pas le hahren qui s'est trompé, fit Lifaën d'une voix rauque.
Tout lui semblait clair maintenant. L'attaque, la trahison, le livre et maintenant les prisonniers.
-Une armée d'humain arrive, informa-t-il, Il faut se préparer.
-Les shems ?, s'étonna Valon, Maintenant ? Comment le sais-tu ?
-Je n'ai pas le temps de vous expliquer mais je le sais. Il faut partir au plus vite. Retrouvez les autres et faite les se préparer.
-Que comptes-tu faire toi ? S'insurgea Liliä.
Lifaën se releva. Effectivement il comptait faire quelque chose pendant que les siens se préparaient.
-Vérifier quelque chose, dit-il simplement.
Il grimpa sur Fenris et reprit :
-Ils seront bientôt là. Dépêchez-vous !
Et il talonna sa monture. Les autres restèrent stoïques un moment avant qu'Elenwë ne s'élance à sa suite, suivi de près par ses compagnons. Lifaën les perdit de vue après un virage, la vitesse de Fenris étant supérieure à celle d'un Viéra à pied. En son fort intérieur, il souhaitait avoir tort, s'être trompé sur ce qu'il avait vu, mais le doute n'était plus permis, et il devait s'assurer d'avoir le courage de faire ce qu'il devait faire. En une demi-heure à peine, il émergea des ruines et se dirigea sans détour vers le lieu de la cérémonie. Les boutures étaient toujours plantées et avaient à peine poussées. Il alla sur la tombe d'un des morts et sonda l'intérieur. Il se reprit à deux fois pour être sûr et un frisson lui parcourut l'échine.
-Traître, jura-t-il entre ses dents.
Elenwë et les autres commençaient alors déjà à prévenir tout le monde plus loin, et la plupart des siens étaient totalement pris au dépourvus, ne sachant comment réagir. Personne n'avait pensé à une contre-attaque si rapide , et les blessés étaient tout juste remis de leurs blessures. Melindë se dirigea alors vers lui, une armure à la main ainsi qu'avec Alastor :
-Lifaën ! Ils disent que des humains approchent. Que s'est-il passé dans les ruines ?
-Il n'y avait pas de prisonniers. Les humains nous attaquent maintenant que nous sommes les plus faibles. Je … C'était un piège !
Le jeune homme bouillait littéralement de l'intérieur. Il avait été manipulé et à cause de cela, les siens allaient périr. Il devait réagir.
-Je vais aller me battre Melindë. Rassemble tous les Viéras et fait les se replier près du miroir.
-Quoi ? Pas question ! S'il faut mourir, nous le ferons le fer à la main.
-Non ! Écoutes, personnes ne mourras si tu fais ce que je dis. Rassembles-les. Prends le livre des Ancien et allez dans les ruines ! Elenwë vous guidera !
Melindë avait presque les larmes aux yeux quant elle répondit :
-Je suis le hahren des Viéras restant ! Nous combattrons Lifaën, que cela te plaise ou non !
-Je ne te le demande pas en temps que subordonné, mais en tant qu'ami. Je ne veux pas que vous mourriez. Je te promets de revenir. Fais moi confiance.
Elle plongea un regard indescriptible dans le sien, mêlant des sentiments tellement fort que tout semblait désuet à côté. Qui était-elle à ce moment là pour lui ? Une amie, le hahren, ou bien plus que tout ça ? Mais le moment n'était pas aux histoires de cœur. Melindë laissa alors tomber l'armure et Alastor au sol et se retourna sèchement.
-Merci pour tout Melindë, susurra-t-il, Ne t'inquiète plus maintenant, je peux voir désormais.
La hahren fit volte-face, surprise, mais Lifaën était déjà parti, arnaché comme au premier jour, prêt à faire face au traître. Il poussa un cri sauvage, imité par Fenris, tandis qu'ils fondaient ensemble vers l'ennemi, zigzaguant entre les palissades et les arbres comme s'il n'y étaient pas, formant un seul être meurtris et déterminés. Ses yeux furetaient dans toutes les directions, son sang battait avec fureur dans ses veines, son cœur s'emballait au moindre pas de Fenris, il était prêt à la moindre attaque de n'importe quel côté, mais les humains n'étaient pas ici, ils n'étaient pas encore arrivés dans la forêt. Il s'arrêta finalement dans un endroit sans arbres, un silence de mort régnait autour de lui. Fenris grogna et Lifaën comprit à son tour.
-Montre-toi ! Je sais que tu es ici !
Pas de réponses. Une ombre se détacha lentement de l'air lui-même, ses contours se dessinèrent de plus en plus nettement et l'ébauche d'une personne apparut. Lifaën sortit Alastor de son fourreau, les yeux brûlants de rage et de haine. Earän le traître se tenait devant lui, sans la moindre émotion sur son visage, une armure de bois sur le torse et une fine lame dans la main.
-Tu avais donc compris.
Lifaën- Age : 31
Messages : 23
Re: Chapitre 5 : La recherche de la Vérité
-Pourquoi Earän ! Pourquoi avoir fait ça ! Quelle raison peux-tu trouver à signer la perte des tiens ! Réponds !
-Je suppose que tu as pu lire le livre de Calion. Sinon, l'Eluviän n'aurait pas été amorcé.
-Comment ?
Le Viéra s'approcha plus près :
-Pourquoi crois-tu que j'ai inventé cette histoire de prisonnier ? Je savais que tu allais te rendre dans les ruines et que ton instinct allait te pousser à toucher la porte. C'est pourquoi tu es vivant Lifaën, c'est ce que tu es, ce pourquoi tu vis. Ton nom le reflète parfaitement. Tu n'es qu'une clé.
Lifaën encaissa en silence. Son nom ? La «clé» ? Était-ce cette clé dont parlait Calion et qui était vivante ? C'était lui ?
-Tu as du croire revenir dans un endroit familier dans les ruines, pas vrai ? C'est tout simplement parce que tu y étais déjà allé, parce que c'est toi qui a amorcé l'Eluviän lors du premier passage. Tu n'étais qu'un enfant bien sûr et lorsque Calion t'as trouvé dans les bras de ton frère agonisant et qu'il t'a ramené, il savait que tu étais la clé, que tu étais celui qui devait nous permettre de retourner chez nous, et il a donc conclut de te cacher des origines pour que tu lui serves pour plus tard. Tu devais donc rester en vie et c'est ce pourquoi tu as cette marque. C'est le symbole de la porte Lifaën.
-Dans ce cas, pourquoi avoir causé la mort des nôtres ! J'aurais pu vous aider si vous me l'aviez dit !
-Je ne voulais pas prendre ce risque, assura Earän, Une autre ouverture aurait pu réussir comme entrainer la fin des mondes. Alors, j'ai trouvé un compromis avec les humains. Ils nous tuaient, détruisaient le miroir pour que notre présence ici ne soient plus qu'un bref passage n'ayant jamais eu lieu, et je leur offrais notre savoir. C'est pour garantir l'équilibre que j'ai consenti à tous nous sacrifier.
Lifaën n'en revenait pas. Comment pouvait-on tenir un tel discours ? C'était insensé et pourtant, c'est bien ce que les humains avaient déclarés la nuit de l'attaque. «Trouvez la ! Trouvez la !». Ils parlaient de la porte vers les autres mondes. Comment n'avait-il pas pu faire le lien plus tôt pour empêcher cette hérésie d'avoir lieu ?
-J'ai donc ouvert les passages de la Forêt, reprit Earän, mais je ne pensais pas que certains allaient survivre. Alors, j'ai fait en sorte que nous attaquions les humains pour nous rendre vulnérable et grâce à un procédé très ingénieux de TriAqua, j'ai fait passé le corps de Tamlën pour le mien et j'ai pu les rejoindre afin de finaliser la consécration.
-Tu vas payer pour cela Earän. Je le jure que tu paieras au centuple les morts que tu as causées !
-C'est fini Lifaën. Quoi que tu fasses, les humains vont nous tuer et l'équilibre sera garanti. C'est ce que voulait Calion.
-Tu n'as pas compris son véritable désir ! Calion voulait rouvrir la porte pour nous permettre de rentrer ! Ce que tu as fait … n'a aucune justification ! Tu as agi par pur égoïsme ! Qui te dis que les humains allaient détruire la porte ? Tu aurais pu le faire toi-même et en informer tout le monde !
Le Viéra ne se laissa pas impressionner par cette possibilité de trahison de la part de shems et répondit :
-Les anciens auraient refusé. Ils préféraient ne pas prendre la responsabilité de nous avoir tous menti et voulaient mourir en ouvrant la porte lorsque le temps seraient venu, ce que je ne pouvais permettre d'arriver, pour le bien de tous. Ce n'est pas notre monde et nous devions disparaître. Quant aux humains, même s'ils n'avaient pas détruit l'Eluviän, sans toi, il n'aurait servi à rien. A quoi bon une porte sans clé ?
Lifaën se crispa d'avantage et Fenris retroussa ses babines :
-Je vais te tuer ici et maintenant Earän, peu importe ton discours. Tu ne mérites pas de pitié, ce que tu as fait ne mérite pas de pitié !
-Tu ne comprends pas Lifaën. Les Anciens auraient dû se tuer dès leur venue ici, ils ont fait une erreur que je compte réparer. Je mourrais quand mon temps sera venu, mais pas maintenant, pas avant que l'équilibre ne soit garanti, pas de ta main.
Il se mit en garde et le plastron qu'il portait commença à s'agiter. Les fibres de bois qui le composaient remuèrent fébrilement, puis avec plus de force, devant le regard médusé de Lifaën :
-Ce n'est pas ...
-Si. Voici Warmog, l'armure vivante. Seule relique qu'il nous restait de notre terre d'origine. Je pense la mériter amplement pour ce que je fais. En garde Lifaën, et puisses-tu mourir avec honneur.
Une activité frénétique d'énergie pulsa dans le bois lui-même et sembla se diriger droit vers Earän, comme pour renforcer son pouvoir. Le jeune home descendit alors de Fenris :
-Voici le temps de nous séparer mon ami. Va et fait ce qu'il faut que tu fasses.
Le Mabari grogna pour rester, mais l'intention de son maître était claire pour lui. Il comprit le message qui n'était pas dit explicitement et à contrecœur, courut vers les ruines avec un dernier cri de peine.
Lifaën se tourna et chargea, visant l'épaule de son adversaire. Celui-ci bloqua la lame et contre-attaqua d'un coup de pied circulaire, mais manqua sa cible, fouettant inutilement l'air. Un corps à corps farouche débuta entre les deux Viéras, chacun luttant pour ce qu'il croyait être juste, chacun défendant ses idéaux jusqu'à la mort. Lifaën ne laissait aucun répit à Earän, animé par la ferme intention de lui ôter la vie, peu importe s'il devait vivre avec ce poids sur le cœur. Il réussit à le feinter sur la gauche et attaqua d'estoc. Mais alors qu'il pensait avoir percé l'armure, celle-ci enserra Alastor de ses lianes et la bloqua fermement. Sans ordres d'Earän, d'autres fibres frappèrent Lifaën sur le côté, défonçant son armure et l'envoyant rouler au sol. Le jeune homme reconnut alors les blessure semblables à celle du hahren et sa colère s'attisa d'avantage.
-C'est tout da'len ?
-Ne parle pas dans cette langue, gronda Lifaën, tu n'en es pas digne !
Avec un hurlement de rage, il se redressa, combattant la douleur à l'aide de sa volonté, et batailla férocement. Warmog offrait une protection exemplaire, bloquant les angles morts d'Earän sans ordre préétabli et soignant ses blessures en puisant dans la terre si jamais une entaille venait tout de même à lui être fait. Plus loin, des cors de guerre résonnèrent, annonçant l'arrivée imminente de l'armée humaine. Lifaën fut prit de panique et redoubla d'effort, mais jamais il ne parvint à blesser sérieusement son adversaire. Il prit une certaine distance et Earän commença à concentrer son énergie dans sa main :
-Voici ce que les Anciens nous ont caché. Contemple cette magie qui ne sera jamais tienne.
Un serpent de feu lui courut sur le bras et il l'envoya en direction de Lifaën. Ce dernier roula à terre pour éviter la lame incendiaire et bloqua juste à temps une seconde attaque de front d'une puissance dévastatrice. Il propulsa des balles psychiques pour forcer son adversaire à se défendre et se mit debout pour attaquer sur le flanc vulnérable. Il frappa de côté, fut bloqué par Warmog, et avant qu'Earän ne puisse réagir, il pivota pour déchirer l'écorce. A travers le bois, il vit que des racines étaient profondément enfoncées dans la peau de son porteur, lui permettant de puiser à loisir dans cette source de puissance. Cette vision répugnante quitta son regard quand l'armure se reforma, provoquant dépérissement autour de la zone du combat. C'était une lutte sans fin. Les forces de son adversaire revenaient sans cesse et les siennes le quittaient peu à peu. Il continua à se battre mais ses réflexes se firent plus lent, moins précis et il dut prendre de la distance pour ne pas subir de blessures graves. L'Ombre entra alors en contact avec Lifaën qui repartait déjà pour un assaut:
«Attends.
-Nous n'avons pas le temps !
-Laisse moi … Laisse moi dans son corps.
-Quoi ?
-Quand tu auras détruit l'armure, touche lui la peau et je ferais le reste. Tu pourras le tuer quand je l'aurais paralysé.
-Non ! Tu vas mourir aussi si je ...
-C'est le seul moyen. Il serait capable de vider la Forêt entière pour se soigner. Tel est le pouvoir des armures de notre monde.
-Je ne veux pas !
-Peu importe ce que tu veux Lifaën. Te souviens-tu ce que tu as demandé à Melindë ? Tu es dans la même situation qu'elle a présent. Choisis-tu de me faire confiance ?»
A bout de force, et poisseux sueur, il ne put répondre. Aurait-il seulement la force d'asséner des dommages à Earän ? Tremblant, il posa un pied en avant.
«Je vais essayer.
-Non. Tu vas réussir ou alors tout espoir sera perdu pour toi»
Lifaën sourit. Qu'aurait fait Melindë ? Aurait-elle obéi ? Il cessa de se poser des questions et ferma les yeux. Quitter le monde matériel. Voilà pourquoi son adversaire avec une longueur d'avance sur lui. Il pouvait prévoir ses mouvements en fonction de ce qu'il dégageait et faute de pouvoir l'empêcher de ressentir, Lifaën pouvait se battre à son niveau. Il inspira à fond et se concentra uniquement sur les impulsions d'Earän qui étaient beaucoup moins déchiffrable que celle qu'il avait l'habitude de voir. Il attaqua alors, les yeux clos, aveugle à tout autre chose qu'à l'énergie de Warmog et de son porteur, et parvint progressivement à décortiquer son aura. Il essuya le prix de sa témérité par quelques blessures mais ne désespéra pas, continuant sans relâche. Un cercle de lumière l'entourait, preuve que les humains leur passaient autour sans se soucier d'eux, uniquement désireux d'atteindre les ruines. Alors que Lifaën paraît une botte, il s'écria :
-Maintenant !
Aussitôt accompagné par un rugissement de fauve. Fenris bondit sur Earän et lacera son dos de ses puissantes griffes, permettant à son mettre de se dégager de la lame de son adversaire d'un moulinet du poignet. Il chargea Alastor d'énergie et se fendit en avant :
-Pour la Forêt !
Il la planta en pleine poitrine de son adversaire, ignorant la régénération de Warmog ou sa formidable résistance, et le bouscula, tombant en avant. L'éclat de la vie quitta Earän et il soupira une dernière fois avant de s'effondrer au sol. Pantelant, Lifaën se jeta sur Fenris :
-Moi qui pensait que tu n'avais pas compris.
Une lèche amicale fut sa réponse tandis que partout autour de lui, les flammes de la guerre s'activait. Les humains avaient atteints les ruines ! Il voulu grimper sur son compagnon mais l'Ombre intervint :
«Tu dois me laisser ici quand même.
-J'ai réussi sans avoir besoin de toi, tu ne vas pas continuer maintenant !
-Je te l'ai déjà expliqué, si tu actives la marque, je m'y opposerais et ce que tu comptes faire n'a pas besoin d'une résistance supplémentaire. Dépêche toi !
-Non !
-Très bien ...»
Une douleur fulgurante lui explosa l'esprit et sa main se posa sur le corps d'Earän. L'Ombre traversa les deux couches matérielles et une souffrance atroce tortura Lifaën durant toute la durée du processus, comme si une scie lui coupait le crâne en deux. Une partie de son être glissa hors de lui pour se loger dans le cadavre et une autre le maintenant dans son corps d'origine. Il ouvrit finalement les yeux, épuisé, et Earän inspira faiblement.
-Comme tu as grandi, hoqueta-t-il, Comme … Merci … Cela me suffit pour me rappeler ce que j'étais jadis … Encore … Merci …
Et il ferma les yeux définitivement. Pour Lifaën, c'était comme s'il venait de mourir une deuxième fois en même temps que la forêt. Un vide horrible lui tenailla le cœur alors qu'il voyait partir son frère qu'il avait si peu connu. Il cria un nom qu'il ignorait, il l'appelait, l'exhortait à revenir à la vie. Pas lui, pas encore ! Fenris lui mordilla alors la cuisse avec un grognement.
-Tu as raison. Il faut en finir avec tout ça.
Encore sous le choc, il chancela jusqu'au Mabari et le monta et celui-ci le conduisit jusqu'aux ruine. Il tourna un dernier regard sur le corps d'Earän laissé à l'abandon. Warmog englouti le corps sous la terre et disparut totalement. Plus aucune trace de vie ou d'énergie, Warmog n'était plus. Des éclairs de feu lui passèrent à côté, le ramenant à la réalité. Il devait se dépêcher et Fenris accéléra la cadence. Fort heureusement pour lui, les humains n'avaient pas encore encerclé les ruines et il put rejoindre les siens en passant par une entrée arrière. Les premiers échos de combat faisait rage à l'intérieur du campement et quand il arriva, il vit que tous les Viéras étaient amoncelés derrière une palissade à échanger flèches et projectiles en tout genre avec les assaillants. Fenris arriva à se frayer un passage à grand renfort de griffes et de crocs ou bien d'Alastor jusqu'aux défenseurs.
-Repliez-vous ! Cria Lifaën en descendant de sa monture, Tous au miroir !
-Lifaën !
C'était Melindë.
-Je t'ai dit que nous nous battrons jusqu'aux derniers !
-Vous allez vivre ! Vite !
Déjà les premiers Viéras désespérés obéirent sans poser de question tandis que d'autres s'accrochaient encore au combat. Plusieurs tombèrent après une tentative suicidaire de causer le plus de dommage aux humains, soit en se lançant directement dans leurs lignes, soit en lançant un choc si puissant qu'il les vida entièrement de leur énergie. Elenwë arriva alors :
-Iethallän ! Où étais-tu ?
-Peu importe ! Avez-vous récupéré le livre ?
-Oui il est ici, répondit Melindë, Mais pourquoi veux-tu que nous allions …
-Lisez-le avec votre conscience, coupa Lifaën, Vous apprendrez tout, toute la vérité ! Faites-le et ...
-Brèche !
Un attroupement d'humains jaillit alors des palissades, armés jusqu'au dents, et ils commencèrent à forcer les défenseurs à se replier. Lifaën raffermit sa poigne sur Alastor.
-Partez vite ! Fenris, va avec eux !
Le Mabari jappa négativement et sans laisser le temps à quiconque de protester, il se jeta au milieu de la mêlée. Lifaën le talonna rapidement et poussa les siens encore en vie à se replier. Puis, il forma une barrière assez puissante pour empêcher quiconque d'entrer ou de sortir des ruines. De l'autre côté, il voyait Elenwë essayant d'entrainer Melindë à l'intérieur malgré les cris et les débattements de celle-ci. Il se tourna alors vers les humains, ce qui suffit à allumer en lui la flamme nécessaire pour libérer son énergie qu'il concentra un maximum sur Alastor. Son idée devait fonctionner où ils mourraient tous aujourd'hui. Les humains chargèrent la barrière qui tint bon et se rabattirent alors sur son lanceur, mais Fenris se jeta toutes griffes dehors pour les repousser, les tuant, les mutilant par paires sans distinction entre hommes ou femmes. Lifaën sentait ses force décroitre à une vitesse faramineuse et il ne savait pas si il allait réussir. Il planta plus fort ses pieds dans la terre et absorba tout ce qui pouvait lui servir, les plantes, les arbres, les animaux, tout. Alastor brilla faiblement, puis de plus en plus fort. Les soldats de TriAqua interloqué redoublèrent d'effort, compliquant la tâche du jeune homme qui luttait pour sa survie et celle des autres. Finalement, ce qu'il attendait se produisit.
La lame de son arme s'illumina complètement et une énergie titanesque l'envahit. Mais ce n'était pas assez. A l'aide de cette nouvelle source, il accentua encore le flux jusqu'à ce que la pression soit telle qu'il fut incapable du moindre mouvement. Il entendit alors un cri suraigu alors que Fenris recevait un coup de hache dans le flanc. Le jeune homme cria à son compagnon de fuir, d'aller avec les siens, mais ce dernier était encerclé, sans possibilité de fuir. La force d'Alastor l'écrasait littéralement, il ne pouvait pas l'aider, il ne pouvait rien faire pour empêcher son Mabari de mourir. Des larmes perlèrent sur ses joues, envolées à cause de la trop grande chaleur environnante, alors que les hommes poussaient des clameurs triomphantes ; mais il refusa d'abandonner. Lorsqu'enfin cette immense pouvoir atteint son paroxysme, le jeune homme fut pris d'un élan de lucidité perçant la tristesse sans nom de son esprit. Il savait. Il avait amorcé l'Eluviän, il pouvait l'ouvrir, mais ce qu'il voulait plus que tout, c'était le détruire. Il voulait que ses amis passent et qu'ensuite, aucun retour, aucune autre histoire comme celle-ci ne soit possible. C'était son rôle et à travers cette révélation, il comprit qu'il n'en reviendrait pas. Mobilisant toute sa volonté, il tourna la tête. Sa peau se décolla et il sentit ses muscles se déchirer.
-HAAAAAAAAA !!!!!
Il pivota alors, provoquant le déboitement de son épaule, le brisement de quelques cottes et coinça son bras en avant. Un cône de lumière jaillit de sa paume, pointa en direction des ruines, traversa les murs et se répercuta à travers les différentes statues de marbre poli, provoquant l'embrasement de leurs torches, avant d'atteindre l'Eluviän et sa flamme noire. Un vortex infernal aspira l'ensemble des Viéras présents dans un dernier cri :
-Lifaëëëëëëëëëëëëëëëëëënnn !
Ce dernier était uniquement maintenu par la force de la Forêt via sa marque, ce qui était donc, déduit-il, la seule raison pour laquelle Calion la lui avait confiée. Aucun muscle, aucun nerf ni aucun os n'était viable et pourtant, il saisit Alastor à pleine main en posant un dernier regard sur les ruines où tout avait débuté, et où tout devait finir. L'épée canalisa alors toutes les forces monstrueusement élevées présente et Lifaën se mit en garde, comme il le faisait après tant d'heures passées à l'entrainement. Il grava une dernière fois l'image de Fenris, de l'Ombre, de Firiel et de ses parents, de tous les siens à l'époque où ils étaient en vie dans sa tête, heureux d'avoir pu accomplir ce qu'il devait faire et il hurla de douleur et d'espoir envers ce monde dont il allait tester les limites en tranchant entièrement les ruines d'un coup d'Alastor. Le maelström formé désolidarisa complètement l'environnement alentour, se rassembla en un point unique et, avant que le miroir n'explose finalement dans un kaléidoscope d'énergie pure, Lifaën de penser dans un sourire :
-Tu avais raison ... Je vais m'en mordre les doigts ...
Edit : Lawl j'ai été empêcher de poster par le contrôle anti-flood. Kiffant !
-Je suppose que tu as pu lire le livre de Calion. Sinon, l'Eluviän n'aurait pas été amorcé.
-Comment ?
Le Viéra s'approcha plus près :
-Pourquoi crois-tu que j'ai inventé cette histoire de prisonnier ? Je savais que tu allais te rendre dans les ruines et que ton instinct allait te pousser à toucher la porte. C'est pourquoi tu es vivant Lifaën, c'est ce que tu es, ce pourquoi tu vis. Ton nom le reflète parfaitement. Tu n'es qu'une clé.
Lifaën encaissa en silence. Son nom ? La «clé» ? Était-ce cette clé dont parlait Calion et qui était vivante ? C'était lui ?
-Tu as du croire revenir dans un endroit familier dans les ruines, pas vrai ? C'est tout simplement parce que tu y étais déjà allé, parce que c'est toi qui a amorcé l'Eluviän lors du premier passage. Tu n'étais qu'un enfant bien sûr et lorsque Calion t'as trouvé dans les bras de ton frère agonisant et qu'il t'a ramené, il savait que tu étais la clé, que tu étais celui qui devait nous permettre de retourner chez nous, et il a donc conclut de te cacher des origines pour que tu lui serves pour plus tard. Tu devais donc rester en vie et c'est ce pourquoi tu as cette marque. C'est le symbole de la porte Lifaën.
-Dans ce cas, pourquoi avoir causé la mort des nôtres ! J'aurais pu vous aider si vous me l'aviez dit !
-Je ne voulais pas prendre ce risque, assura Earän, Une autre ouverture aurait pu réussir comme entrainer la fin des mondes. Alors, j'ai trouvé un compromis avec les humains. Ils nous tuaient, détruisaient le miroir pour que notre présence ici ne soient plus qu'un bref passage n'ayant jamais eu lieu, et je leur offrais notre savoir. C'est pour garantir l'équilibre que j'ai consenti à tous nous sacrifier.
Lifaën n'en revenait pas. Comment pouvait-on tenir un tel discours ? C'était insensé et pourtant, c'est bien ce que les humains avaient déclarés la nuit de l'attaque. «Trouvez la ! Trouvez la !». Ils parlaient de la porte vers les autres mondes. Comment n'avait-il pas pu faire le lien plus tôt pour empêcher cette hérésie d'avoir lieu ?
-J'ai donc ouvert les passages de la Forêt, reprit Earän, mais je ne pensais pas que certains allaient survivre. Alors, j'ai fait en sorte que nous attaquions les humains pour nous rendre vulnérable et grâce à un procédé très ingénieux de TriAqua, j'ai fait passé le corps de Tamlën pour le mien et j'ai pu les rejoindre afin de finaliser la consécration.
-Tu vas payer pour cela Earän. Je le jure que tu paieras au centuple les morts que tu as causées !
-C'est fini Lifaën. Quoi que tu fasses, les humains vont nous tuer et l'équilibre sera garanti. C'est ce que voulait Calion.
-Tu n'as pas compris son véritable désir ! Calion voulait rouvrir la porte pour nous permettre de rentrer ! Ce que tu as fait … n'a aucune justification ! Tu as agi par pur égoïsme ! Qui te dis que les humains allaient détruire la porte ? Tu aurais pu le faire toi-même et en informer tout le monde !
Le Viéra ne se laissa pas impressionner par cette possibilité de trahison de la part de shems et répondit :
-Les anciens auraient refusé. Ils préféraient ne pas prendre la responsabilité de nous avoir tous menti et voulaient mourir en ouvrant la porte lorsque le temps seraient venu, ce que je ne pouvais permettre d'arriver, pour le bien de tous. Ce n'est pas notre monde et nous devions disparaître. Quant aux humains, même s'ils n'avaient pas détruit l'Eluviän, sans toi, il n'aurait servi à rien. A quoi bon une porte sans clé ?
Lifaën se crispa d'avantage et Fenris retroussa ses babines :
-Je vais te tuer ici et maintenant Earän, peu importe ton discours. Tu ne mérites pas de pitié, ce que tu as fait ne mérite pas de pitié !
-Tu ne comprends pas Lifaën. Les Anciens auraient dû se tuer dès leur venue ici, ils ont fait une erreur que je compte réparer. Je mourrais quand mon temps sera venu, mais pas maintenant, pas avant que l'équilibre ne soit garanti, pas de ta main.
Il se mit en garde et le plastron qu'il portait commença à s'agiter. Les fibres de bois qui le composaient remuèrent fébrilement, puis avec plus de force, devant le regard médusé de Lifaën :
-Ce n'est pas ...
-Si. Voici Warmog, l'armure vivante. Seule relique qu'il nous restait de notre terre d'origine. Je pense la mériter amplement pour ce que je fais. En garde Lifaën, et puisses-tu mourir avec honneur.
Une activité frénétique d'énergie pulsa dans le bois lui-même et sembla se diriger droit vers Earän, comme pour renforcer son pouvoir. Le jeune home descendit alors de Fenris :
-Voici le temps de nous séparer mon ami. Va et fait ce qu'il faut que tu fasses.
Le Mabari grogna pour rester, mais l'intention de son maître était claire pour lui. Il comprit le message qui n'était pas dit explicitement et à contrecœur, courut vers les ruines avec un dernier cri de peine.
Lifaën se tourna et chargea, visant l'épaule de son adversaire. Celui-ci bloqua la lame et contre-attaqua d'un coup de pied circulaire, mais manqua sa cible, fouettant inutilement l'air. Un corps à corps farouche débuta entre les deux Viéras, chacun luttant pour ce qu'il croyait être juste, chacun défendant ses idéaux jusqu'à la mort. Lifaën ne laissait aucun répit à Earän, animé par la ferme intention de lui ôter la vie, peu importe s'il devait vivre avec ce poids sur le cœur. Il réussit à le feinter sur la gauche et attaqua d'estoc. Mais alors qu'il pensait avoir percé l'armure, celle-ci enserra Alastor de ses lianes et la bloqua fermement. Sans ordres d'Earän, d'autres fibres frappèrent Lifaën sur le côté, défonçant son armure et l'envoyant rouler au sol. Le jeune homme reconnut alors les blessure semblables à celle du hahren et sa colère s'attisa d'avantage.
-C'est tout da'len ?
-Ne parle pas dans cette langue, gronda Lifaën, tu n'en es pas digne !
Avec un hurlement de rage, il se redressa, combattant la douleur à l'aide de sa volonté, et batailla férocement. Warmog offrait une protection exemplaire, bloquant les angles morts d'Earän sans ordre préétabli et soignant ses blessures en puisant dans la terre si jamais une entaille venait tout de même à lui être fait. Plus loin, des cors de guerre résonnèrent, annonçant l'arrivée imminente de l'armée humaine. Lifaën fut prit de panique et redoubla d'effort, mais jamais il ne parvint à blesser sérieusement son adversaire. Il prit une certaine distance et Earän commença à concentrer son énergie dans sa main :
-Voici ce que les Anciens nous ont caché. Contemple cette magie qui ne sera jamais tienne.
Un serpent de feu lui courut sur le bras et il l'envoya en direction de Lifaën. Ce dernier roula à terre pour éviter la lame incendiaire et bloqua juste à temps une seconde attaque de front d'une puissance dévastatrice. Il propulsa des balles psychiques pour forcer son adversaire à se défendre et se mit debout pour attaquer sur le flanc vulnérable. Il frappa de côté, fut bloqué par Warmog, et avant qu'Earän ne puisse réagir, il pivota pour déchirer l'écorce. A travers le bois, il vit que des racines étaient profondément enfoncées dans la peau de son porteur, lui permettant de puiser à loisir dans cette source de puissance. Cette vision répugnante quitta son regard quand l'armure se reforma, provoquant dépérissement autour de la zone du combat. C'était une lutte sans fin. Les forces de son adversaire revenaient sans cesse et les siennes le quittaient peu à peu. Il continua à se battre mais ses réflexes se firent plus lent, moins précis et il dut prendre de la distance pour ne pas subir de blessures graves. L'Ombre entra alors en contact avec Lifaën qui repartait déjà pour un assaut:
«Attends.
-Nous n'avons pas le temps !
-Laisse moi … Laisse moi dans son corps.
-Quoi ?
-Quand tu auras détruit l'armure, touche lui la peau et je ferais le reste. Tu pourras le tuer quand je l'aurais paralysé.
-Non ! Tu vas mourir aussi si je ...
-C'est le seul moyen. Il serait capable de vider la Forêt entière pour se soigner. Tel est le pouvoir des armures de notre monde.
-Je ne veux pas !
-Peu importe ce que tu veux Lifaën. Te souviens-tu ce que tu as demandé à Melindë ? Tu es dans la même situation qu'elle a présent. Choisis-tu de me faire confiance ?»
A bout de force, et poisseux sueur, il ne put répondre. Aurait-il seulement la force d'asséner des dommages à Earän ? Tremblant, il posa un pied en avant.
«Je vais essayer.
-Non. Tu vas réussir ou alors tout espoir sera perdu pour toi»
Lifaën sourit. Qu'aurait fait Melindë ? Aurait-elle obéi ? Il cessa de se poser des questions et ferma les yeux. Quitter le monde matériel. Voilà pourquoi son adversaire avec une longueur d'avance sur lui. Il pouvait prévoir ses mouvements en fonction de ce qu'il dégageait et faute de pouvoir l'empêcher de ressentir, Lifaën pouvait se battre à son niveau. Il inspira à fond et se concentra uniquement sur les impulsions d'Earän qui étaient beaucoup moins déchiffrable que celle qu'il avait l'habitude de voir. Il attaqua alors, les yeux clos, aveugle à tout autre chose qu'à l'énergie de Warmog et de son porteur, et parvint progressivement à décortiquer son aura. Il essuya le prix de sa témérité par quelques blessures mais ne désespéra pas, continuant sans relâche. Un cercle de lumière l'entourait, preuve que les humains leur passaient autour sans se soucier d'eux, uniquement désireux d'atteindre les ruines. Alors que Lifaën paraît une botte, il s'écria :
-Maintenant !
Aussitôt accompagné par un rugissement de fauve. Fenris bondit sur Earän et lacera son dos de ses puissantes griffes, permettant à son mettre de se dégager de la lame de son adversaire d'un moulinet du poignet. Il chargea Alastor d'énergie et se fendit en avant :
-Pour la Forêt !
Il la planta en pleine poitrine de son adversaire, ignorant la régénération de Warmog ou sa formidable résistance, et le bouscula, tombant en avant. L'éclat de la vie quitta Earän et il soupira une dernière fois avant de s'effondrer au sol. Pantelant, Lifaën se jeta sur Fenris :
-Moi qui pensait que tu n'avais pas compris.
Une lèche amicale fut sa réponse tandis que partout autour de lui, les flammes de la guerre s'activait. Les humains avaient atteints les ruines ! Il voulu grimper sur son compagnon mais l'Ombre intervint :
«Tu dois me laisser ici quand même.
-J'ai réussi sans avoir besoin de toi, tu ne vas pas continuer maintenant !
-Je te l'ai déjà expliqué, si tu actives la marque, je m'y opposerais et ce que tu comptes faire n'a pas besoin d'une résistance supplémentaire. Dépêche toi !
-Non !
-Très bien ...»
Une douleur fulgurante lui explosa l'esprit et sa main se posa sur le corps d'Earän. L'Ombre traversa les deux couches matérielles et une souffrance atroce tortura Lifaën durant toute la durée du processus, comme si une scie lui coupait le crâne en deux. Une partie de son être glissa hors de lui pour se loger dans le cadavre et une autre le maintenant dans son corps d'origine. Il ouvrit finalement les yeux, épuisé, et Earän inspira faiblement.
-Comme tu as grandi, hoqueta-t-il, Comme … Merci … Cela me suffit pour me rappeler ce que j'étais jadis … Encore … Merci …
Et il ferma les yeux définitivement. Pour Lifaën, c'était comme s'il venait de mourir une deuxième fois en même temps que la forêt. Un vide horrible lui tenailla le cœur alors qu'il voyait partir son frère qu'il avait si peu connu. Il cria un nom qu'il ignorait, il l'appelait, l'exhortait à revenir à la vie. Pas lui, pas encore ! Fenris lui mordilla alors la cuisse avec un grognement.
-Tu as raison. Il faut en finir avec tout ça.
Encore sous le choc, il chancela jusqu'au Mabari et le monta et celui-ci le conduisit jusqu'aux ruine. Il tourna un dernier regard sur le corps d'Earän laissé à l'abandon. Warmog englouti le corps sous la terre et disparut totalement. Plus aucune trace de vie ou d'énergie, Warmog n'était plus. Des éclairs de feu lui passèrent à côté, le ramenant à la réalité. Il devait se dépêcher et Fenris accéléra la cadence. Fort heureusement pour lui, les humains n'avaient pas encore encerclé les ruines et il put rejoindre les siens en passant par une entrée arrière. Les premiers échos de combat faisait rage à l'intérieur du campement et quand il arriva, il vit que tous les Viéras étaient amoncelés derrière une palissade à échanger flèches et projectiles en tout genre avec les assaillants. Fenris arriva à se frayer un passage à grand renfort de griffes et de crocs ou bien d'Alastor jusqu'aux défenseurs.
-Repliez-vous ! Cria Lifaën en descendant de sa monture, Tous au miroir !
-Lifaën !
C'était Melindë.
-Je t'ai dit que nous nous battrons jusqu'aux derniers !
-Vous allez vivre ! Vite !
Déjà les premiers Viéras désespérés obéirent sans poser de question tandis que d'autres s'accrochaient encore au combat. Plusieurs tombèrent après une tentative suicidaire de causer le plus de dommage aux humains, soit en se lançant directement dans leurs lignes, soit en lançant un choc si puissant qu'il les vida entièrement de leur énergie. Elenwë arriva alors :
-Iethallän ! Où étais-tu ?
-Peu importe ! Avez-vous récupéré le livre ?
-Oui il est ici, répondit Melindë, Mais pourquoi veux-tu que nous allions …
-Lisez-le avec votre conscience, coupa Lifaën, Vous apprendrez tout, toute la vérité ! Faites-le et ...
-Brèche !
Un attroupement d'humains jaillit alors des palissades, armés jusqu'au dents, et ils commencèrent à forcer les défenseurs à se replier. Lifaën raffermit sa poigne sur Alastor.
-Partez vite ! Fenris, va avec eux !
Le Mabari jappa négativement et sans laisser le temps à quiconque de protester, il se jeta au milieu de la mêlée. Lifaën le talonna rapidement et poussa les siens encore en vie à se replier. Puis, il forma une barrière assez puissante pour empêcher quiconque d'entrer ou de sortir des ruines. De l'autre côté, il voyait Elenwë essayant d'entrainer Melindë à l'intérieur malgré les cris et les débattements de celle-ci. Il se tourna alors vers les humains, ce qui suffit à allumer en lui la flamme nécessaire pour libérer son énergie qu'il concentra un maximum sur Alastor. Son idée devait fonctionner où ils mourraient tous aujourd'hui. Les humains chargèrent la barrière qui tint bon et se rabattirent alors sur son lanceur, mais Fenris se jeta toutes griffes dehors pour les repousser, les tuant, les mutilant par paires sans distinction entre hommes ou femmes. Lifaën sentait ses force décroitre à une vitesse faramineuse et il ne savait pas si il allait réussir. Il planta plus fort ses pieds dans la terre et absorba tout ce qui pouvait lui servir, les plantes, les arbres, les animaux, tout. Alastor brilla faiblement, puis de plus en plus fort. Les soldats de TriAqua interloqué redoublèrent d'effort, compliquant la tâche du jeune homme qui luttait pour sa survie et celle des autres. Finalement, ce qu'il attendait se produisit.
La lame de son arme s'illumina complètement et une énergie titanesque l'envahit. Mais ce n'était pas assez. A l'aide de cette nouvelle source, il accentua encore le flux jusqu'à ce que la pression soit telle qu'il fut incapable du moindre mouvement. Il entendit alors un cri suraigu alors que Fenris recevait un coup de hache dans le flanc. Le jeune homme cria à son compagnon de fuir, d'aller avec les siens, mais ce dernier était encerclé, sans possibilité de fuir. La force d'Alastor l'écrasait littéralement, il ne pouvait pas l'aider, il ne pouvait rien faire pour empêcher son Mabari de mourir. Des larmes perlèrent sur ses joues, envolées à cause de la trop grande chaleur environnante, alors que les hommes poussaient des clameurs triomphantes ; mais il refusa d'abandonner. Lorsqu'enfin cette immense pouvoir atteint son paroxysme, le jeune homme fut pris d'un élan de lucidité perçant la tristesse sans nom de son esprit. Il savait. Il avait amorcé l'Eluviän, il pouvait l'ouvrir, mais ce qu'il voulait plus que tout, c'était le détruire. Il voulait que ses amis passent et qu'ensuite, aucun retour, aucune autre histoire comme celle-ci ne soit possible. C'était son rôle et à travers cette révélation, il comprit qu'il n'en reviendrait pas. Mobilisant toute sa volonté, il tourna la tête. Sa peau se décolla et il sentit ses muscles se déchirer.
-HAAAAAAAAA !!!!!
Il pivota alors, provoquant le déboitement de son épaule, le brisement de quelques cottes et coinça son bras en avant. Un cône de lumière jaillit de sa paume, pointa en direction des ruines, traversa les murs et se répercuta à travers les différentes statues de marbre poli, provoquant l'embrasement de leurs torches, avant d'atteindre l'Eluviän et sa flamme noire. Un vortex infernal aspira l'ensemble des Viéras présents dans un dernier cri :
-Lifaëëëëëëëëëëëëëëëëëënnn !
Ce dernier était uniquement maintenu par la force de la Forêt via sa marque, ce qui était donc, déduit-il, la seule raison pour laquelle Calion la lui avait confiée. Aucun muscle, aucun nerf ni aucun os n'était viable et pourtant, il saisit Alastor à pleine main en posant un dernier regard sur les ruines où tout avait débuté, et où tout devait finir. L'épée canalisa alors toutes les forces monstrueusement élevées présente et Lifaën se mit en garde, comme il le faisait après tant d'heures passées à l'entrainement. Il grava une dernière fois l'image de Fenris, de l'Ombre, de Firiel et de ses parents, de tous les siens à l'époque où ils étaient en vie dans sa tête, heureux d'avoir pu accomplir ce qu'il devait faire et il hurla de douleur et d'espoir envers ce monde dont il allait tester les limites en tranchant entièrement les ruines d'un coup d'Alastor. Le maelström formé désolidarisa complètement l'environnement alentour, se rassembla en un point unique et, avant que le miroir n'explose finalement dans un kaléidoscope d'énergie pure, Lifaën de penser dans un sourire :
-Tu avais raison ... Je vais m'en mordre les doigts ...
- Spoiler:
- OMGWTFBBQ ! C'est fini ! sans vouloir faire le sentimental (faut pas déconner non plus !), je dois avouer que c'est pas sans un certain pincement que je quitte ce brave Lifaën. Parce que je lui en aurais fait voir des vertes et des pas mûres à celui là. Après quoi ... un an, il était temps que je mette un point d'honneur à cette fic. Alors point d'honneur, c'est pas prétentieux, c'est histoire de dire que je cloture ce personnage. Enfin peut-être. Qui sait, si je veux faire autre chose. Fin on verra. Je suis assez heureux de mon histoire et j'espère avoir été assez clair à des endroits. Parce que sincèrement, j'ai eu des moments où j'ai eu un mal de chien à transposer mes idées en texte. Et mazette, c'est loin d'être fini avec mes autres fic. Enfin tout ça pour dire que j'ai vraiment apprécié de RP ici avec ce perso. C'était superbe et, encore une fois, il va me manquer.
Niveau musique, je me suis pas trop foulé. Quelques-unes de ci de là, mais je voulais surtout laisser votre libre choix selon comment vous voyez les scènes, en supposant que vous ayez tout lu bien sûr. Pour info, musiques qui m'ont inspiré Dragon Age, Shadow of the Colossus, évidemment X-ray Dog et Immediate Music, sans oublier les petites musiques d'un peu partout comme de Kingdom of Heaven ou encore de Fire emblem.
Très amicalement vôtre chieur favori.
Edit : Lawl j'ai été empêcher de poster par le contrôle anti-flood. Kiffant !
Lifaën- Age : 31
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